Gravitation

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Doucement, je sentais l'air me chatouiller les plumes. Divine harmonie du ciel sans repos, je déployais mes ailes immaculées d'un blanc qui concurrençait les nuages. Ce jour-là, Dieu ne pleurait pas, et le soleil éclairait les vallées, les toits, les grandes maisons volantes qui lévitaient dans l'air pur d'un monde parfait, maintenues par des ballons multicolores. De manière élégante je déployais mes ailes, et soudain, je prenais de la vitesse. J'étais un avion qui respirait la vie, et devant moi défilaient ces créations gazeuses qui faisaient rêver les esprits haut perchés. Je m'en allais, vers la ville du Paradis, où l'herbe y était verte et les filles, pareilles à des roses émergeantes de l'été, dans la forêt amazonienne, sauvages et indomptables. Les rayons de cette comète lumineuse me brûlaient la peau, les projecteurs du ciel s'étaient allumés ; il faisait jour, pourtant. Le monde défilait devant mes yeux ébahis. J'avais vu une petite fille aux grands yeux noirs me faire signe de sa tour enchantée, elle avait ouvert la fenêtre, prenant garde à ne toucher aucun ballon. C'était le grand là-haut. Elle m'avait souri, ses cheveux roses volant au gré du vent, et je lui avais rendu son sourire. Autour de nous, des libellules s'amusaient à esquiver des toiles d'araignées géantes ; elles prenaient des risques, mais, fées des eaux, leur insouciance n'avait d'égal que leur beauté, éclatante, translucide et d'une clarté irréelle. J'avais même vu un papillon qui, timide, tentait de s'approcher de ces déesses ; il frimait, mais sans succès, le pauvre.

Puis soudain, j'aperçus un chemin de terre, en gravitation. Des horloges volaient autour de ce chemin, le temps défilait et pourtant cela n'inquiétait personne, sauf ce petit lapin blanc dont le poil semblait incandescent, aux grands yeux azurs et munit d'une montre de bourgeois, historique, ancienne, puis il criait à qui voulait bien l'entendre qu'il était en retard. Pour aller où ? Nul ne le sut jamais. Pourtant, je n'aimais pas le mystère, et je me dépêchais auprès de cet être qui semblait n'avoir jamais été à l'heure à aucun instant de sa vie. Je l'appelais mais il ne m'entendait pas ; il était en retard, toujours en retard, en retard, en retard. Il courait aussi vite qu'il le pouvait sur ce chemin de terre qui lévitait au beau milieu du ciel et des libellules sauvages, qui charmaient les papillons à grand renfort d'ailes dénudées ; leurs corps brillaient sous les projecteurs élevés mais la brume, bien que peu épaisse, cachait le spectacle des danses osées de ces fées volantes, au plus grand malheur des papillons.

L'extrémité du chemin de terre semblait inexistante, l'horizon s'accordant à l'Univers, un bleu intense, glacial et infini. Le lapin courait, courait, déterminé à arriver à l'heure, se déplaçant plus vite que sa montre ne comptait les secondes. Ma conscience me criait de le suivre, ma tête également, et je volais à sa rencontre, quittant la brume persistante, puis, sentant un froid des plus improbables, je tombais à la renverse, atteignant les Ténèbres et l'Enfer d'un monde obscur.

Un bruit répétitif et strident se fit entendre, mes sens étaient engourdis, et il me fallut alors quelques secondes pour comprendre ce qui m'était arrivé.

Puis j'ouvris les yeux.

Woodstock (RB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant