Chapitre 2

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— C'est beau hein ?

Je sursaute, les yeux rivés vers les arbres dansants au rythme du vent. Quelqu'un se tient à côté de moi, quelqu'un me parle, à moi. Un homme me parle. Ma respiration s'accélère, que faire ? Il faut que je me calme, ce n'est rien. Mais... cela fait longtemps que quelqu'un ne m'a pas adressé la parole sans y être forcé. Il enchaîne :

— Ça donnerai presque envie de rester ici à jamais.

Je hoche la tête face à sa remarque, les mains tremblantes, il n'a pas tort, c'est tellement beau.

— C'est haut ici.

Je hoche la tête à nouveau, où veut-il en venir ? A-t-il deviné mes intentions ? Je soupire et baisse les yeux, je serre les mains autour de la barrière séparant mon corps du vide pour cacher mes tremblements.

— Ça donnerai presque envie de sauter. Tu penses que c'est assez haut pour en mourir ?

Je retiens ma respiration. Bien-sûr que c'est assez haut, je n'ai pas pris le temps de faire tous les calculs nécessaires pour le déterminer, mais j'ai imaginé à plusieurs reprises ma mort ici, ce pont est à environ 70 mètres de hauteur alors je pense que oui on en meurt. Je demeure silencieuse durant plusieurs minutes puis je lui réponds enfin :

— Si on saute tête la première, oui c'est assez haut pour en mourir. Sinon il y a des risques qu'on se brise seulement les jambes et qu'on finisse tétraplégiques.

Il rit un peu et du coin de l'œil je le vois se pencher un peu au-dessus de la barrière, sans doute pour vérifier mes dires.

— Pas faux. T'as une belle voix tu devrais parler un peu plus.

Je prends ma tête entre mes mains afin de cacher mes joues qui ont certainement rougit et je regarde ailleurs. Pourquoi suis-je gênée comme ça ? Je ne devrais pas. Je soupire et baisse à nouveau les yeux.

— Aiden et toi ?

Je retiens à nouveau ma respiration, devrais-je vraiment lui donner mon nom ? N'est-ce pas là un signe d'attachement ? Oh et puis zut. Je ne vois pas vraiment d'inconvénient à lui donner mon nom, c'est vrai quoi, ce n'est qu'un simple mot sans importance. Je lui donnerai mon nom et ça s'arrêtera là.

— Mayumi.

Je lâche la barrière et lui tourne le dos, prête à partir.

— Pas très commun comme nom ici. C'est japonais, non ?

Je commence à avancer en lui répondant :

— Ouais. Ça signifie perfection, contradictoire avec la réalité, hein ?

Sur ces mots j'accélérais en espérant qu'il ne me suive pas, et fort heureusement il ne le fit pas.

*** 

Une fois de retour chez moi, je claqua la porte et me laissai glisser contre afin de m'asseoir dos à celle-ci, la tête entre les bras. Des larmes s'écoulaient lentement de mes joues.

Je ne suis qu'une idiote.

Pourquoi est-ce que je parle à des gens ?

S'ils s'attachent ils vont souffrir.

Je suis tellement bête.

Je mérite de mourir.

Pourquoi ne suis-je pas encore morte ?

Pourquoi n'ai-je pas le courage de me tuer moi-même ?

Pourquoi suis-je si faible ?

Je regarde mes bras, puis je lève les yeux vers le comptoir de la cuisine où se trouve une paire de ciseaux et une multitudes de couteaux, et si... Non. Je n'y arriverais pas.

Je soupire à nouveau et vais dans ma chambre. Je regarde quelques instants par la fenêtre et remarque qu'il fait déjà nuit, les étoiles scintillent. Et dire que certaines sont déjà mortes depuis longtemps. Peut-être que je suis déjà morte ? Non, n'importe quoi. Je suis malheureusement bel et bien en vie.

Je me tourne vers mon lit et m'y installe après m'être déshabiller.

J'attends que le sommeil vienne me prendre, et après plusieurs heures, je finis enfin par m'endormir.

***

Le Goût du VentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant