Le vent frappe ma peau pâle, j'ouvre mes yeux éteints. Je sors de mon lit et ferme ma fenêtre, une bonne fois pour toute. Je soupire lorsque je vois mon reflet das ma fenêtre, que je suis répugnante. J'ignore mon voisin d'en face et part enfiler des vêtements. Une fois ceci fait, je me rends à ma cuisine pour prendre une orange, comme d'habitude et après l'avoir ingurgité je sors de chez moi, sans avoir lu cette fois. Je me rends sur le pont et m'agrippe à la barrière.
Je ferme les yeux et m'imagine entrain de tomber, j'imagine le vent frais contre mon corps, j'imagine la sensation de la mort, de la liberté. J'en frissonne de plaisir. Je souris malgré moi et me penche un peu au dessus de la barrière. Sauter me fait peur, mais le sommeil éternel m'attire tellement. Si je saute, là, maintenant, tout ira bien. Il n'y a personne dehors, pas un chat, personne pour me retenir. Je lève ma jambe doucement, et tente de la passer par dessus la barrière mais j'ai un peu de mal, je ne suis pas très grande et la balustrade est un peu haute. Mais lorsque je parviens à passer par dessus, je souris franchement, chose que je n'avais pas fait depuis longtemps.
Je suis de l'autre côté de la barrière, prête à la lâcher à tout moment. Les cheveux au vent, je savoure mon élan de courage, je prends une inspiration et expire en abandonnant les barres de fer brûlantes à cause du soleil. Au moment de me pencher en avant une main se pose sur mon poignet et me retiens. J'écarquille les yeux de stupeur et me retourne vivement. C'est un homme. Serait-ce celui d'hier ? Je ne me souviens pas l'avoir regardé, alors je ne sais pas si c'est lui ou non.
— Tu ne penses pas qu'il est un peu trop tôt pour toi de mourir ?
C'est bien lui. Pourquoi vient-il ici ? Pourquoi me retient-il ? Il faut qu'il me laisse, je dois mourir, maintenant ! Je tente de me défaire de son emprise, les yeux pleins de larmes, mais il resserre ses doigts autour de mon bras.
— Laissez moi.
Il me sourit doucement et secoue la tête. Je panique, j'ai envie de hurler. Pourquoi reste-t-il ici ? Si je saute il tombera avec moi puisqu'il me tient, je ne veux entraîner personne avec moi.
Lâchez moi, lâchez moi, lâchez moi, lâchez moi...
Pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi ...?
J'ai envie de hurler, de me laisser tomber, ma tête tourne, ma vue se trouble, je ne vois plus rien, je tremble, je pleure, je suffoque. Je sens des mains m'agripper et me soulever, je n'ai pas la force de me débattre. Lorsque je sens mes pieds toucher la terre ferme, je sens mon corps s'écrouler. Mais il me redresse et me murmure de me calmer, de respirer.
J'ouvre les yeux et rencontre les siens, il n'a pas l'air inquiet. Il n'a pas l'air de compatir ou d'avoir pitié. Il semble paisible comme s'il avait l'habitude de ce genre de situation, un fin sourire orne son visage. Je tente de me calmer, je me concentre sur ma respiration. Lorsque je sais que je tiendrais debout seule, je recule un peu pour lui faire comprendre qu'il peut me lâcher mais il n'en fait rien.
— Ça va mieux ?
Je ne sais pas si ça va mieux, je ne sais pas si ça va tout court, je ne sais pas quoi lui répondre. Dois-je lui mentir à lui aussi ? Je soupire et murmure un léger "oui".
Il rigole doucement et secoue la tête doucement.
— Si je te lâche tu vas partir en courant ?
Je rougit un peu et lui fait signe que non, je ne prendrais pas mes jambes à mon cou. Il enlève doucement ses mains de mes épaules, comme pour ne pas me brusquer. Je soupire de soulagement.
— J'ai remarqué que tu soupires beaucoup.
Je me raidis et regarde ailleurs. Je n'avais pas remarqué. Je le fais tant de fois que ça ? Ais-je l'air bête quand je le fais ?
— Ah... Désolée.
Il rigole silencieusement.
— T'excuses pas, c'est marrant.
Il rit encore.
— Vous rigolez beaucoup, dis-je dans un souffle, un peu étonnée.
— Oh et est-ce mal ?
Je secoue la tête rapidement, gênée.
— Non, non ça ne l'est pas !
Il rit à nouveau.
— Tant mieux alors. Tu devrais faire pareil, ça t'irais bien de sourire un peu.
Je ne peux plus sourire comme avant, je ne peux plus et je n'en ai plus le droit. Je secoue négativement la tête et lui tourne le dos en me mettant à marcher. Je le laisse là, sur le pont, seul.
***
Une fois chez moi je me prépare à manger, une poêlée campagnarde pour changer, une fois mon repas fini je me rends dans ma chambre et tente de lire un peu mais je pense beaucoup trop à la scène de tout à l'heure avec Aiden. Une multitude de question traverse mon esprit et je n'arrive pas à m'en débarrasser. Une insomnie de plus.
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