Try with love (terminée) [Sous contrat d'édition]

3

Gaëtan

C'était pas l'idée du siècle. Accoudé au bar, mon verre de whisky à la main, je regarde les étudiants faire la fête sans y prendre goût.

Merde, je me sentirais presque trop vieux !

Je n'ai même pas la trentaine mais ce soir, j'ai la désagréable impression d'être à côté de la plaque. De me sentir à l'écart. De ne pas être aussi insouciant que ceux qui se déhanchent sans complexe sur la piste. D'être seul, tout simplement. Pourtant, j'accroche plusieurs fois le regard de jolies femmes que je me contente de saluer de la tête, restant distant et peu avenant. C'était une connerie de venir. Je suis dans mon coin et voir les autres s'amuser me file le bourdon.

J'avale cul-sec le fond de mon verre, pose la monnaie sur le comptoir et m'apprête à enfiler ma veste quand la porte en face de moi s'ouvre. Alors là... je ne m'attendais pas à la revoir. Naïs, qui a juste enlevé ses lunettes et ouvert un ou deux boutons de sa chemise, s'avance dans le bar en riant.

Ouais, fallait s'y attendre, elle n'est pas seule.

Que des mecs. Qui lui tournent autour, la déshabillent du regard, bombent le torse pour attirer son attention et envahissent son espace vital en espérant accaparer son champ de vision. Je souris, un peu désabusé. Je dois reconnaitre que je les comprends. Elle a cette assurance qui hypnotise. Cette beauté un peu sauvage qui fascine. Et cette attitude limite arrogante qui vous aimante aussi surement qu'un papillon est attiré par la lumière.

Alors que je descends de mon tabouret, son regard tombe sur moi et elle se fige une seconde avant qu'un sourire ne vienne étirer ses belles lèvres. Elle repousse un de ses soupirants d'un froncement de sourcil, leur fait un bref signe de main et se dirige droit sur moi.

Putain mais... on n'a pas inversé les rôles là ?

Décidément, rien ne se passe comme d'habitude avec elle. Naïs se déplace, sûre d'elle et n'a aucune hésitation quant à sa destination. C'est à seulement quelques centimètres de moi qu'elle s'arrête. Un parfum vanillé se répand à son arrivée et je la dévisage. Ses lèvres roses, que je la revoie mordiller plus tôt, son nez très légèrement retroussé qui lui donne un petit côté espiègle, sa peau mate qui invite aux caresses, ses sourcils foncés bien dessinés et ce regard captivant qui ne se détourne pas, qui fixe, qui défie et qui interroge.

— Re-bonsoir Gaëtan.

— Naïs.

J'adore cette voix un brin graveleuse. On ne s'y attend pas du tout en voyant ce petit bout de femme tout en finesse. On imagine plutôt un timbre doux, caressant mais je trouve que ça lui va très bien. Ça colle mieux au personnage que je découvre.

— Je peux te tenir compagnie ? Ou tu partais ?

— Je partais, confirmé-je, mais si tu restes avec moi, je veux bien faire un effort et prolonger ma soirée.

— Quel honneur ! réplique-t-elle en grimpant sur un tabouret. Barman ! Une bière !

Je me marre tout en me réinstallant. La soirée n'est peut-être pas fichue en fin de compte. Je commande la même chose qu'elle et nous trinquons à notre rencontre. J'aperçois les œillades assassines des trois hommes qui étaient entrés avec Naïs et qui se retrouvent en plan à peine arrivés. Cette nana n'a pas froid aux yeux et fait clairement ce qu'elle veut.

— Tu te sers encore de moi, n'est-ce pas ? plaisanté-je en lui désignant le trio du menton.

Naïs leur jette un rapide coup d'œil puis hausse les épaules.