Jour 2.

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« Quatre anges se tenaient aux quatre coins du monde.

Ces anges arrêtaient au vol les quatre vents,

Pour qu'aucun vent ne pût souffler sur les vivants,

Ni troubler le sommet des montagnes de marbre,

ni soulever un flot, ni remuer un arbre. » - Victor Hugo.


  Lorsque Amy ouvrit les yeux, le soleil tapait déjà très fort à travers la gigantesque fenêtre du salon. Elle tourna la tête, ne se souvenant plus très bien de l'endroit où elle se trouvait. Elle leva alors les yeux vers le plafond, observa ce lustre luxueux, ce canapé en cuir marron, et repéra également l'écran plat qui l'avait aidée à s'endormir. Puis elle se souvint.

   Jessica l'avait invitée à dormir chez elle. D'ailleurs, elle n'était pas à côté d'elle.

   Ses yeux lui brûlaient. Cela devait être la fatigue : c'était la première nuit depuis qu'elle était sur Terre où elle dormait réellement. Elle se leva difficilement et se dirigea vers l'odeur de bacon qui émanait de la cuisine.

   Jessica était là, souriante, comme si la veille au soir n'avait jamais existé. Amy ne comprenait toujours pas comment elle pouvait faire autant semblant. Il était évident qu'elle était malheureuse, alors pourquoi s'entêtait-elle à ravaler ses sentiments et ses ressentis ? Pourquoi ne parlait-elle pas tout simplement avec ses parents ? Ils travaillaient dans l'humanitaire, ils ne pouvaient pas être bien méchants.

- As-tu déjà essayé de parler à tes parents... à propos de ce que tu ressens ? demanda Amy une fois attablée et son assiette garnie d'œufs brouillés et de bacon fumé.

   Jessica manqua de s'étouffer. Elle jeta à l'ange ce qui semblait être le regard le plus surpris du monde, comme si elle ne se souvenait pas d'en avoir parlé.

- Pourquoi est-ce que tu me parles de ça, maintenant ? Il est onze heures du matin.

- C'est un sujet dont il faut seulement parler le soir ? répondit son amie avec un sourire.

   La jeune humaine avala difficilement et avec une grimace sa bouchée d'œufs, comme si le fait d'évoquer ses parents l'empêchait de savourer son déjeuner.

- Non, reprit-elle, c'est juste que je n'ai pas l'habitude que quelqu'un me parle de ça. Pour répondre à ta question, non, je n'ai jamais essayé de leur dire ce que je pensais. Parce que ça ne sert à rien. Ils sont sur leur petite planète et ne pensent pas que leurs actions peuvent avoir des conséquences – négatives – sur les personnes qui les entourent.

   Amy posa ses couverts, s'adossa à sa chaise et croisa les bras sur sa poitrine. Elle avait réellement envie d'aider cette humaine, mais elle ne pouvait pas parler à sa place Il fallait qu'elle dise ce qu'elle ressente. Enfin, c'était ses parents tout de même ! Quelle sorte de gêne pouvait-il y avoir entre plusieurs membres d'une même famille ? La famille n'était-elle pas censée être solidaire ? N'était-ce pas pour cela que Nolan en bavait autant ? Parce que la famille était quelque chose d'inébranlable, d'incassable, d'irremplaçable, et que le fait d'avoir perdu non pas seulement sa mère mais finalement aussi son père le rendait fou ?

Nolan...

   Ce prénom était une douce mélodie pour les oreilles d'Amy. Mais cette mélodie était dernièrement devenue une mélodie triste, qu'elle allait devoir réécrire avec son aide. Rajouter quelques notes pour changer complètement le sens et redonner de la joie à cette musique.

SéduiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant