De la Vie à la Mort

« En hommage à Alice, qui n'avait rien demandé à personne. »

Le Déni : H moins 60 secondes

Un fracas me réveille. Une explosion de conscience ! Qui a allumé l'obscurité ? Où suis-je ? Que s'est-il passé ? Je suffoque ! Mais qu'est-ce qui se passe ?! Je suis... Je suis prisonnière dans un sac en train d'étouffer ! Comment suis-je arrivée là ?! C'est irréel ! C'est un affreux cauchemar ! Réveillez-moi ! Je me pince, je hurle sans un son. C'est confirmé, je rêve.

« Calme-toi Alice » me dis-je.

C'est un mauvais trip que tu t'infliges, bientôt tu te réveilleras avec le soulagement du confort d'un édredon. Dans un songe on crée son propre univers onirique en même temps qu'on le découvre, un processus contre-intuitif mais qui a l'avantage d'être infini en possibilités. L'imagination devient ma seule contrainte ; toujours étreinte pourtant je n'arrive pas à m'en défaire. Je m'imagine en train de voler, je ne sens plus mon poids comme en apesanteur mais non, rien n'y fait. J'ai une impression de chute lente toujours captive dans ma cellule étroite de plastique. J'essaie de changer complètement d'environnement. 

Aller faire du vélo sur la lune comme Neil et Lance Armstrong !

Impossible, rien. À défaut de pouvoir me réveiller je n'arrive même pas à contrôler mon imaginaire. « Ressaisis-toi ! » me réprimandé-je. Je rêve trop gros, il faut que je me concentre sur les détails pour commencer. Tout d'abord cette prison, ce sac poubelle, je le touche, il se transforme en coton, un peu gras. Un bon début, je continue doucement. Dans les ténèbres, quelle couleur veux-je qu'il ait ? Je ne sais pas. Je n'arrive pas à me souvenir des couleurs, je rêve en noir et noir. Ne pas se laisser déborder, tout cela a beau être pure illusion, mes émotions elles, sont bien réelles et cette cécité m'angoisse de plus belle. Je me concentre de nouveau sur le toucher du coton, froid ? Chaud ? Rugueux ? Non, il est flasque, comme moi il est affranchi des lois de la gravité. Je cherche de mes autres sens. Qu'entends-je hormis ces acouphènes ? Une voix ? Peut-être mon subconscient ? Il me susurre un mot que je ne comprends pas. 

Faire la mise au point sur mes perceptions active mon odorat et mou goût. Piquant mes récepteurs olfactifs, des embruns de sel marin m'assaillent ! Ma langue salive abondamment dans cette découverte, le cauchemar reprend le dessus et me chavire presque dans la folie ! Mon cœur s'emballe, tout paraît si réel ! Je prie pour que le réveil sonne et me libère de mon sommeil.

Le coup de grâce qui me raccompagne au monde est porté par mes mains. Mon toucher vient de se saisir d'une chaîne qui me bâillonne, je la parcours fébrilement jusqu'à son extrémité. Une enclume ! En un millième de seconde entre deux spasmes cardiaques tous devient horriblement limpide ! Le sac de coton paraffiné, il transpire des perles d'eau de mer. Le goût salé, cette étrange sensation de flottement, cette chute lente, la suffocation, l'absence de lumière, de sons, la chaîne, le poids de l'enclume qui me précipite dans les abîmes. 

Ce n'est pas un rêve. 

Quelqu'un m'a fait pénétrer dans ce sac lesté qui sombre dans les profondeurs de l'océan et je vais mourir. 

Assassinée.

La Colère : H moins 58 secondes

Un tonnerre de hurlements explose dans ma poitrine ! Il n'a aucun auditeur dans cette immensité morbide et ne fait que me terrifier encore plus ! Je n'ai rien fait à personne ! Pourquoi moi ?! Quel psychopathe me fait subir ce sort ?! J'ai sûrement été droguée à mon insu ! Comme sortant d'une épilepsie je n'arrive à me souvenir de rien ! Qui est le président de la république actuel ? Quel jour sommes-nous ? Quel est mon nom de famille ? Je rage ! Impossible de me souvenir d'autre chose que mon prénom ! Puis à quoi bon, je vais mourir bordel ! Je fais bouillir l'arme du crime de ma colère ! Frappe le sac de haine ! Ne faisant qu'aggraver la situation faisant s'introduire l'eau un peu plus rapidement. Je ne suis pas prête à finir ainsi !