Petites histoires de vies

8/03/2015 ( Fanny)

On m'a demandé de parler d'une date importante pour moi. La première qui me vient à l'esprit c'est celle-ci mais j'ai pas envie d'en parle, de ce fameux huit mars 2015. Trop dur. Inutile.

Je vais plutôt parler du troisième huit mars, celui de 2017. J'étais déjà là-bas, au foyer de la seconde chance. J'avais déjà des amies, je connaissais les règles. Il arrive un temps où on se sens au bout du chemin.

On sait ce qu'on a vécu et on croit savoir ce qu'on va vivre. Moi ma seule envie c'était justement de vivre. Il m'a fallu du temps, beaucoup de temps pour apprendre à exister sans eux, à accepter mon statut d'orpheline, d'enfant sans famille.

Là-bas j'étais une solitaire. Je ne voulais pas me lier à elles pour ne pas les perdre aussi. Et aussi car il y en avait beaucoup que je ne pouvais pas supporter.

L'une des pires ce fut Netti. Pourquoi ? Elle semble adorable pourtant. Et pourtant. Quand je suis arrivée, je me suis retrouvé avec une marraine. C'était un drôle de concept que ne dura pas longtemps. Ma marraine ce fut Diane, cette fille si attentive et pleine de vie.

Je me rappelle encore de ces boucles blondes qui l'empêchait de voir le jour où elle m'a raconté sa vie. On s'est longtemps soutenues face aux grandes. On était un petit groupe: Mélodie, Diane, Netti, Anne et moi, la petite nouvelle.

C'était assez étrange comme association. Un trio d'adolescentes blondes platine avec la folie au corps qui courraient après les hommes comme si leur vie en dépendaient et deux brunettes torturés, blessées par l'homophobie. Voilà ce qu'on était en 2017.

Mélodie, placé à même pas douze ans parce qu'elle avait eu le malheur de dire à ses parents qu'elle aimait les filles, Diane à cause de son père, Anne à cause de l'indifférence de sa grand mère. Comment peut-on laissé une enfant enfermée dans une chambre, descolarisée et coupée du monde ? Je n'en sait rien mais cette femme la fait.
Et puis il y a Netti. Netti et les secrets.

C'était l'une des choses que je supportais le moins, les fameux secrets. Ça et son caractère pourris de fille instable et capricieuse. Et le fait qu'elle contrôlait tout. Elle avait un pouvoir sur les autres immense et sans limite. Il suffisait qu'elle demande, ordonne et elle avait.

C'était de la jalousie en somme, jalouse de sa force, de son courage. Mais j'ai appris moi aussi. Je n'étais pas comme elles. Avec des tonnes de casseroles, je me suis juste retrouvé là à cause d'un aléa, d'un hasard de la vie.

Mais voilà en cette année on avait décidé d'aller de l'avant, Dianne, Anne et moi. Et on passa les quatres mois qui suivirent à organiser notre périple. Dans le plus grand des secrets on organisa la fugue du siècle. Mélodie ne voulu pas se joindre à nous et on décida de ne pas avertir Netti de peur qu'elle nous dénonce.

Alors pour moi le huit mars c'est le jour de la mort de ma famille et celui où j'ai décidé de vivre.

C'est grâce à ce jour-là que le trio de choc se retrouva à brûler sous le soleil d'Andalousie au mois de juillet. Une tente dans un camping pourris, un voyage en autocars, quelques bagages et toutes nos économies disponibles et nous voilà vivantes. Des soirées sans fin sur le sable chaud, l'amour dans des odeurs de feu de bois, des nuits entières sous les étoiles. Le sang empoisonné par mille et une substances et la tête pleine de couleurs on respirait enfin.

J'avais l'impression d'être en vie, d'être enfin quelqu'un. Mais le choc fut le retour à la vie normale. Toutes ces sorties du samedi soir, toutes ces nuits sans sommeil et ces matins de migraines. Non pas qu'on ne le faisait pas avant mais nous avions changé. On cherchait l'intensité, ce qui faisait battre nos cœurs à deux mille et on avait trouvé. Elles étaient devenus, fades ces soirées en boite. Mais on était accros, on se savait plus vivre autrement.

Et le regard des autres changea. Au lycée, au foyer. Des putes. Voilà ce qu'on était. Même Netti changea. Pourtant elle avait été comme nous. Diane avait perdu son âme vivante, laissé en Espagne dans les bras d'un bel italien. Anne retrouva son attitude d'enfant sauvage. Et moi ? Moi, je restais bloquée entre deux instants.

Je sais plus trop où j'en suis. Netti m'a dit " parle de toi, de ta vie, le reste n'a pas d'importance". Alors je parle. Mais je ne voulais pas parler de mes casseroles. Je voulais dire quelque chose d'heureux, donner de l'espoir. Dans ce cas il faudrait peut-être que je vous raconte l'après. Mon départ.
Parce que oui, nous avons fini par partir. Je suis allé à Pau, à la fac, en droit. Je ne me suis pas calmée pour autant. Les soirées, les sorties, avec de nouvelles filles. Elles n'ont jamais réussi à égaler Anne et Diane.

J'avais toujours Netti derrière moi pour me surveiller. Enfin c'est comme cela que je le vivais, maintenant je me dis qu'elle essayait de me protéger de moi même. Mais la personne qui m'a sauvée ce fut lui. Celui que je croisait chaque semaine au bar, à qui j'ai parlé longtemps, le seul palois à qui j'ai donné mon numéro.

Celui qui m'a fait tombé amoureuse. Vous vous rappelez quand je disais qu'on cherchait le moyen de se sentir vivante. J'ai trouvé. Mon moyen ce fut lui. L'amour. J'avais tellement envie de lui plaire que j'obéissais à tout. Je ne vous dis pas la trouille de mes amies. Mais Soan fut de bons conseils. Fini les soirées, l'alcool et les mecs à outrance. Il m'a présenté Modération et il m'a fait découvrir les Études.

Sans lui pas de diplômes, pas de boulots, pas d'appartement. Cela semble beaucoup, tant de choses pour lesquelles je dois le remercier.

Mais si je lui suis redevable, c'est pour la bague que j'ai au doigt, pour l'éco d'un être à venir que je le remercie.
Si vous saviez la tête qui fait en ce moment vous vous mettriez à rire. Il lit sur mon épaule et il râle parce que je cite " tu n'as pas à me remercier de la vie qu'on a tous les deux. Tu y est aussi pour tout ! "

Je vous la fais courte. On a tous nos galères, nos peines et pourtant ! La roue tourne mal souvent mais cela ne nous empêche pas de la pousser un peu. Je n'y ai pas cru cependant malgré tout je peux dire que je suis heureuse. Avocate, fiancée, maman et heureuse. Que demander de plus ? Que dire de plus ?

Merci à la seconde chance !