4- Aventures et guimauves

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J'étais restée avec eux pendant quelques temps, m'attachant à chacun d'entre eux. Je les aimais presque autant que mon ancien équipage même si je ne les considérais pas comme ma famille... Ils étaient trop nombreux et je n'en connaissais que quelques-uns. Mais il y avait un jour qui restera graver dans ma mémoire à tout jamais. Je serrais les poings rien que d'y penser mais je ne pouvais pas aller les aider, je n'étais pas là.

Face à l'écran qui retransmettait le direct de la situation, je le vis mourir, dans les bras de son petit frère choqué. Mes larmes coulaient sans que je ne puisse les arrêter.

Le feu s'aidait sa place à la lave, bien trop chaude pour lui.

J'avais envie de lui hurler qu'il ne pouvait pas mourir mais c'était impossible. C'était trop tard, l'histoire devait continuer, elle devait avancer.

Je me levais et sortais du bar où je m'étais arrêtée, je n'arrivais toujours pas à me dire que c'était fini, que je devais tous les oublier... Après tout, une fois que Barbe Noire avait trahi l'équipage, je voyais bien que la fin était proche. Marco m'avait prié de partir, qu'on resterait en contact malgré tout mais je devais partir. Il sentait ce qui allait se passer, comme ma renarde l'avait sentit.

Les animaux sentent le danger, ils savent quand la fin est proche, ils sentent la mort.

Alors j'étais partie après leur avoir fait mes adieux, je n'aimais pas ça mais j'étais partie. J'avais traversé les mers et avais atterris sur une île dont je ne connaissais pas le nom.



Deux ans s'étaient écoulés, deux ans sans les voir. Ils me manquaient tous terriblement, leurs sourires et leurs esprits déplacés. Un sourire s'installa sur mes lèvres alors que je repensais à l'équipage des Hearts et à son capitaine. Ses yeux gris comme le ciel d'orage, ses cheveux ébènes, ses bras tatoués et ses lèvres fines arborant toujours ce sourire dont il avait le secret. Mon cœur s'accéléra quand je me remémora ma dernière nuit sous ses draps, son odeur imprégnant mon t-shirt. Mais ne pensez pas à ce qu'on a fait dans ce lit, nous n'avons RIEN fait bande de pervers... simplement dormir. 

- Mademoiselle Wildfire ! Vous m'écoutez ?
- Hein ? Euh...Pardon monsieur, que disiez-vous ?
- Deux pintes et un whisky.
- Bien, donnez moi quelques minutes.

Je descendis de mon petit nuage, réalisant que mon ancien capitaine n'était plus là pour moi. Apportant la commande aux hommes, je repartis, prenant ma pause. Sortant un petit couteau pliant de la sacoche à ma cuisse, j'attrapais un morceau de bois et commençais à le sculpter. Mes gestes ne taillaient pas quelque chose au hasard, cisaillant,  abîmant, coupant, la forme s'arrondit petit à petit dans mes mains. Il ne fut pas long à tailler, et je souris devant ma petite œuvre. Un cœur de bois reposait au milieu des copeaux, au creux de ma main. Il n'était pas tout à fait lisse mais il était parfait pour mes yeux. A peine plus petit que la paume de ma main, je le glissais avec mon couteau dans la sacoche avant de retourner prendre mon service. Je le finirais correctement demain.

Le soleil perça les persiennes, inondant ma chambre de service d'une douce lumière blafarde. Encore un jour plongé dans le brouillard, il n'y avait que ça sur cette île de toute façon, du brouillard à perte de vue. J'avais eu le droit à un jour de congé et je comptais bien en profiter. Me levant difficilement, je m'habillais rapidement, attrapant le seul habit que j'avais pu m'acheter : une simple robe courte, évasée, prune et bordeaux. J'accrochais la sacoche de cuir autour de ma cuisse et relevais mes cheveux tressés en une queue de cheval. Je fermais la porte à clé et m'installa dans la rue principale, sur un banc que j'avais toujours vu vide. Je soupirais en sortant le petit cœur de bois. Je ne savais pas comment le finir, peut-être devrais-je le laisser nu ?

Renarde à bord, Le RetourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant