La valse

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- Tu penses parfois à comment serait ta vie si on t'aurait pas jeté dans cet endroit ? demande-je.
Mes mains caressent l'herbe encore mouillée par la rosée. Martin est encore assis sur sa chaise, un café près de lui.
- Oui. Elle aurait été plus libertine.
- Moi non. Je pense que ma vie avant d'atterrir ici aurait finie par être aussi atroce que de vivre entre quatre mur, de vivre ici.
- Tout est différent à l'extérieur. Tout est vaste.
- Comme quoi ?
- Les prairies.
- Les prairies ? C'est ça qui te manque ? Non. Ici aussi c'est une prairies où tout le monde beugle et rumine. Ce que je veux dire c'est que l'avis des autres est si petit. Personne n'arrive à justifier ses dires. Et ça ne t'horripile pas ?
- Chacun a ses raisons.
- C'est quoi les tiennes ?
Je l'entend boire dans sa tasse de café.
- Je sais pas. C'est pour ça que je suis ici.
- Ma mère, quand j'étais petit, m'emmenait à des cours de valses. J'y suis jamais arrivé. 1, 2, 3, 1,2,3. Même avec la musique on entendait quelqu'un murmurer ces nombres.
  Martin devait se demander pourquoi je m'arrêtais en plein discours :
  - Et quoi ?
  - Je ne pouvais pas m'empêcher d'écouter ces murmures. J'ai jamais été doué à faire deux choses en même temps, et je pars pas d'un cliché débile qu'on nous dit depuis qu'on est né. Je ne savais vraiment pas faire deux choses en même temps. Pas même marcher et parler. Alors finalement, je ne pouvais plus valser.
  Un silence.
  - Je m'en fou, dit-il.
  - C'est peut-être pour ça que ma mère a pris peur un jour.
  - Tu entends toujours le temps de la valse ?
  - Non.
  - Mais parle ! Arrête de t'arrêter à tout bout de champ ! Je n'y comprend rien. Qu'est-ce que je dois comprendre ?
  - J'entendais tout. Même mon père.
  - C'est normal.
  - Ah bon ?
  Je me redresse pour le regarder rouler des yeux. Il s'en va alors en laissant sa tasse de café en plastique, vide.

La pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant