Il dessine un nouveau visage que je n'ai jamais vu.
- Comment fais-tu pour toujours amener de nouvelles personnes ici ? Y en a de trop à l'extérieur ? m'exclame-je.
Il hausse les épaules en continuant d'accrocher au visage de nouveaux traits.
- Fais lui des lunettes.
Il balaie l'air de sa main pour me demander de m'en aller.
- Oh non ! Je m'ennuie. Laisse-moi encore regarder ce que tu fais.
Il me tend alors toutes ses feuilles qui sont toutes griffonnées de gris.
- D'où ils te viennent tous ces visages ?
Il hausse les épaules.
- Dessine-moi.
Il secoue la tête.
- Pourquoi pas ?
Il hausse les épaules.
- Je pense que je serai très bien sur un dessin. On ne m'a jamais dessiné. On t'as déjà dessiné, toi ?
Il ne me répond pas. Je souris.
- Un artiste qui devient un objet d'art. Tu te sens comme un objet ?
Il souffle.
- Quand j'étais petit, j'aimais bien essayer de rentrer dans les valises. Même si je savais que, dans certaine, Je n'allais jamais y arriver. Mais ma mère n'a jamais voulu refermer les valises.
Je regarde à ma droite. Il regarde. Je me penche alors vers le dessinateur pour murmurer :
- Il te suit aussi ?
L'artiste me pousse alors en mettant sa main sur ma poitrine.
- Comment tu dessines ? Tu sais, j'ai jamais eu une âme d'artiste. En fait, on a une idée si précise de la vie d'un artiste qu'on pourrait faire croire au plus médiocre des peintres qu'il est un artiste simplement parce qu'il est pauvre ou assez riche pour que sa vie ne soit pas stable. C'était mon cas. Mais Je n'étais pas instable physiquement. Plutôt mentalement. Et tout le monde pensait que peindre, dessiner, jouer de la musique,...m'aiderait à me canaliser. Donc, maintenant, je suis là. Et toi aussi. Tout ça parce que les autres pensent que nous sommes des artistes ou des bibliothécaires, des cons, des suicidaires, des incompris, des politiquement correct, des politiquement incorrect. C'est dingue comme nous devenons ce que les autres veulent. Alors que ces gens-là, je les connais même pas ! Est-ce que je leur dicte leur vie ? Non. Mais sans doute parce qu'ils ne m'en laissent pas l'occasion. Et puis, ça devrait vraiment être ennuyeux. Imagine, tu t'oublies.
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La pluie
Short StoryJe regarde par la fenêtre, le ciel dégagé, une lueur du soleil qui m'éblouît mais qui ne me fait pas ciller. Tout se couvre pourtant. Martin aurait dû se faire tuer en prison mais, pour une raison que j'ignore (est-ce que je m'en préoccupe), il a...