Qu'est-ce ça fait de se pendre ?

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C'est un homme aux poignets emballés dans du tissu blanc. Personne ne le voulait chez lui. Trop lourde charge.
- Un suicidaire ? Eurk, imite-je leur voix fragile et en même temps portant toute la dureté du monde.
C'est ces voix qui me hantent parfois. C'est pas convenable. La voix niaise d'une mère aux près de ses amis, une vieille dame,jamais mariée et sans enfant ou alors un bâtard qu'elle a eu avec un homme fiancé, qui fait une leçon de moral à ceux qui se plantent. Ces voix dont on sait tout parce qu'elles n'ont rien à raconter. La mère a un gosse trop banale ou trop excentrique (la mère aime penser "Jésus") qui ne plaira sans doute pas à la voisine. Et la dame qui a toujours vécue par les autres, entretenue.
Je ne connais que trop bien ces voix qui susurrent aux oreilles et qui me font grincer des dents pour essayer de faire disparaître ce bruit incessant que sont leurs commérages débiles où chaque mot est un nouveau mensonge.
Et puis ce type me regarde désormais. Je baisse les yeux vers mes poignets. Ils n'ont plus de bandages mais un jour ils ne respiraient plus à cause du sang qui les étouffait et l'air frais qu'ils n'arrivaient pas à sentir. Je ne m'étais jamais mutilé avant un soir. Je voulais me suicider. J'ai vu ça dans des films, ils se suicident avec une carte de jeux ou avec une lame. Il fallait juste trouver le courage d'enfoncer assez profond. Je l'ai fait. Je me suis retrouvé à l'hôpital, les bandages à ma peau et ma mère qui pleurait de ne plus supporter mes réactions. J'étais quelqu'un d'heureux mais curieux.
Ce garçon a peut-être la vingtaine ou la trentaine. Son cou est coupé par une marque. Un pendu ? Je me suis assis près de lui, il a reculé. Martin nous observe plus loin.
- Est-ce que t'as eu des hallucinations ?
- Hein ? bégaye-t'il.
- Ton cou.
Il le toucha.
- Tu t'es raté, c'est sûr. Tu serais pas ici sinon. Alors est-ce que t'as eu des hallucinations après la strangulation.
Un homme en blanc s'arrête à proximité de nous. Le suicidaire secoue la tête négativement.
- Qu'est-ce ça fait de se pendre ?
Le mutilé se décrispe.
- Rien si tu te rates pas.
- Qu'est-ce qui t'a empêché de réussir ?
- Mon chat.
Je l'imagine avoir oubliée la présence de son chat dans son appartement ridicule où tout est blanc et rien de personnel. Il a passée la cordée, fait tombée la chaise, ce qui a interpellé le chat qui est rentrer là où il pendait. Alors qu'il allait mourir, il aperçut le regard de son chat, regard perçant, innocent. Le pendu s'est rendu compte qu'il avait un cœur.

La pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant