Mater

C h a p i t r e 1 ♣ Partie 2/2

     - « Quoi de neuf, monsieur parfait ? » Lança Ivak dans un rictus.

L'officier n°0817 ne répondit pas, non pas à cause de son travail musculaire – l'ayant hypothétiquement déconnecté du monde réel – mais grâce à sa faculté à ne pas se laisser atteindre, encore moins par des provocations de piètre qualité. Il n'empêche que la présence de l'officier blond et de ses incessantes piques l'agaçaient assez pour ne pouvoir les effacer de sa mémoire. Il fallait avouer qu'Ivak avait une qualité indéniable, la ténacité. Malheureusement, il se laissait trop berner par son pire défaut, la jalousie.

     - « Oh, je ne suis pas digne d'une réponse ? Rajouta-t-il avec une moue faussement boudeuse. Je voulais juste te souhaiter bonne chance pour ton, je suis sûr, sublime discours.

     - Eh bien je t'en remercie. Je te promets de t'accorder une pensée lors de mon speech ! » Répondit-il en quittant la pièce, trempé de sueur.

Il crut l'entendre pester mais ça lui était égal. Son esprit était noyé dans l'excitation. La simple perspective de peut-etre parler au Frater demain, lors de l'ouverture officielle d'une nouvelle terre à scruter, le mettait dans tous ses états. 53 ans déjà qu'aucun terrain n'avait été détecté « potentiellement vivable » par les scientifiques SubTerra, et voilà qu'on annonçait la possibilité de trouver la vie, à cette génération dont Nolan était le majorant.

Fiévreux de fierté, il se dirigea vers les dortoirs de son escouade pour sa toilette, ce que certains semblaient n'en avoir que faire, tant ils avaient faim. Nolan put le constater en passant devant les cantines bondées, voisines aux cuisines. Il continua sa marche, le regard posé sur les nuages flottant au-dessus de sa tête. Ils avaient l'air si réels et étaient pourtant si faux que son cœur en fut légèrement ébranlé lorsque ses yeux crièrent à la supercherie. Son plaisir n'en fut pas gâché pour autant car son esprit s'empressa de répondre, encore plus fort, qu'il les ferait revivre. C'était une promesse prononcée à deux, tenu par un seul.

Soudain la fameuse silhouette, soigneusement floutée, surgit de la forgerie. L'officier, surpris de voir son jumeau sortir d'une zone qui ne lui était pas autorisée, resta toutefois impassible. Un comportement que Chahan partagea également en le dépassant d'un pas confiant, comme s'il n'avait pas fait attention à la présence de Nolan, témoin qu'il aurait dû considérer comme dangereux pourtant. N°0817 s'empressa de rejoindre ses compartiments. Il valait mieux fermer les yeux et ne pas se mêler – la meilleure solution étant d'éviter les problèmes en orbite autour du fou, désormais derrière lui.

Arrivé à destination, il se glissa sous l'eau chaude après s'être déshabillé. Las, il laissa dégouliner le peu de déception qu'il pût se surprendre à avoir en constatant la dégénérescence non guérie de cet autre.

     - « Stupide » Laissa-t-il échapper, le poing contre le mur.

Il était de coutume pour lui de dresser un mur entre Chahan et lui, mur que son jumeau s'acquittait à entretenir également. Néanmoins, inconsciemment, il espérait le voir s'investir et se ranger dans les rangs, en laissant derrière lui ses pensées folles et ses mauvaises habitudes – comme celles impliquant de s'introduire là où il ne fallait pas. Ce n'était pas si compliqué de bien se comporter, alors pourquoi était-ci si difficile pour lui que d'aider la cause ?

Une partie de Nolan chuchota qu'elle lui pardonnerait là où une autre criait que ces gens-là n'étaient que des bouches de plus à nourrir, de celles qui n'aident pas Natura Mater. De celles qui assassinent. D'un extrême à un autre, il trouva son juste milieu à se taire et à rejoindre les cantines, car lui aussi avait faim après tout.

Désormais attablé, non loin de Michel et son jumeau Jérémie, il chercha du regard Chahan tout en piquant impulsivement ses pommes d'air avec sa fourchette. Il n'était pas là, ce qui ne le surprit pas réellement.