souris

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Merci pour votre indulgence.
Bonne lecture <3

Les larmes ne vous aident pas à surmonter la douleur, elle expriment simplement la façon de tristesse

- La douleur déforme les traits du visage

Et encore après quelques cris, elle se mit à pleurer.

              D'abord, elle tomba à terre, au bruit de ses genoux frappant contre le carrelage froid de la salle de bain. Puis ses bras vinrent les encercler pour se consoler et elle en imagina d'autres, autour d'elle, autour des siens, dans son dos brûlant. Elle les pensa grand, elle les sentit forts et lointains, et sa solitude trop profonde les chassa. Elle préférait ces grandes ailes encrées en elle, ces longues ailes blanches qui n'étaient plus venues depuis si longtemps. Elle s'en entoura, s'y cacha. Jamais elle ne s'était sentie si faible.

                     Elle ne voulait plus souffrir, elle avait décidé de ne plus penser au malheur, à la bêtise. Pourtant, en quelques minutes, après avoir prononcé son bonheur si haut, tout s'était renversé. Du calme à sa joie, tout était retombé.

                    Comme chaque fois, elle voulut se relever. Elle prit une grande inspiration avant de s'appuyer sur ses jambes tremblantes. Elle se retenue sur le bord des lavabos, ne sachant pas si elle tiendrait. Elle plongea son regard dans le sien, aperçu son reflet. Elle vit son maquillage noir qui avait accentué ses cernes et taché ses joues. Elle vit ses yeux rouges, trempés.

                     Sa tête devint lourde, elle oublia la paire d'aile, s'approcha de son miroir, laissant ses fronts si proche de s'épouser. Elle ne voyait qu'elle, que son visage, si près, si réel, si triste. Elle cessa presque de pleurer et de trembler. Le temps sembla s'arrêter, lui accorder un instant. Elle se surprit, à apprécier ces yeux mouillés, ces sils emmêlés, ce mascara épuisé, le crayon effacé. Elle admira le vert de ses yeux, ce vert plein de mensonges, de peurs, de tristesse, d'amour et de haine. Elle aima cette facette inconnue de son visage.

Si seulement la souffrance et la douleur pouvait être aussi belle...

 
Et elle se perdit dans son reflet.

           Elle se fit attraper, tromper, emporter, engloutir par son imagination vers une vision qu'elle ne prit même pas la peine de trouver épouvantable tant elle pensait à ces lignes qu'elle écrirait. C'était laid, c'était frais, tout ceci devait être noté. Sa conscience devint narratrice de cette scène.

        Elle se concentra sur ses yeux désormais trop rougis par les larmes qui emportèrent avec lourdeur la peau si fine et noircie qui les retenaient. Elle y vit les veines de se yeux se vider sans vouloir les retenir ni éprouver aucun dégout. Elle observa ses joues devenir flasques, liquides, elles s'enfonçaient et se plissaient vers sa mâchoire pour tirer ses lèvres et y faire apparaître un des pires sourires. Un sourire qui avait mal, victime de cette métamorphose dû au trop plein d'émotion qu'elle avait pu accumuler. Ses sourcils glissèrent également, tirés involontairement dans cette chute, et accentuèrent cette mine terrassée par la douleur et le dégout.

          Bien évidemment, la peau ne pouvait pas témoigner d'autant d'élasticité sans un jour se déchirer. Ce moment se montra simple. Sans douleur, elle se fissura sur une ligne à l'horizontale de son front. La peau se déchira sans qu'elle ne pensa à la rattraper ou la retenir. Elle n'agissait toujours pas et se contentait d'admirer, de trouver si beau ce visage qu'était le sien, qui se décomposait devant elle, qui devenait si laid en vérité.

        Son nez chuta de manière peu gracieuse, en avant, plus lourd et épais. Il emporta  dans son détachement toute la peau qui recouvrait auparavant cette chaire et se crâne désormais visible. Le sourire d'horreur qui avait sa place à ses lèvres ne laissa derrière lui qu'un large sourire forcé, figé, marqué par la ligne de sa dentition. Ses yeux étaient comme deux larges billes en verre blanc, peintes avec un réalisme captivant. Toujours si merveilleux, si remplis de messages, mais plein d'étonnement et de surprise marqués par la rondeur parfaite qu'ils formaient.

        Mais alors, à la place du visage pleurant qu'elle avait affiché, qu'elle trouvait si beau à admirer, elle y vit comme un signe de mort. Sa chaire à l'air, son crâne partiellement visible et commun aux autres. Elle voulut arrêter de sourire aussi bêtement et faussement. Elle voulait montrer la vérité. Impossible, il était figé. Demain, en cours, face à tous ceux qu'elle aimait et à qui elle ne voulait mentir ou cacher, elle ne pourrait leur montrer que ce sourire. Ils seraient incapables de deviner, elle n'oserait leur dire.

Et encore une fois, elle serait seule avec sa douleur et ses souvenirs, cachés par ce monstrueux sourire.

CapharnaümOù les histoires vivent. Découvrez maintenant