GLORIOUS HORRORS

IV • PAROLE DE WHISKEY

Ma routine habituelle reprend place les jours suivants. Henry s'assoit toujours à une place d'écart de la mienne dans l'amphithéâtre et me lance parfois des regards interrogateurs. Je secoue toujours la tête en guise de réponse. Il comprend que j'ai besoin d'un peu de temps pour m'éclaircir les idées et je suis content qu'il n'insiste pas. Ou du moins, jusqu'à maintenant.

— Victor, cessez donc de faire l'hermite et venez avec moi au Milly's. Je vous présenterai Don, le tenancier. C'est un homme charmant, vous verrez.

— Je ne-

— Et cessez vos fausses excuses, me coupe-t-il. Vous êtes bien trop renfermé sur vous-même, si je puis me permettre. Il est temps que vous sortiez un peu, cela vous fera le plus grand bien.

Après le Henry calculateur et mystérieux, place au Henry excentrique et égocentrique. C'est dans ce genre de moments que l'on remarque qu'on ne doit pas souvent lui dire non. Devant moi, il enfile d'un geste souple et élégant sa veste en brocart bleue marine. On peut dire ce que l'on veut d'Henry Jekyll, il reste le seul à pouvoir porter des vêtements classiquement originaux tout en gardant fière allure. Il passe une main dans ses cheveux noirs qui retombent tout de suite au dessus de ses épaules. J'ai fini par remarquer que ce geste était plus un toc guindé qu'une nécessité, Henry est toujours parfaitement soigné.

— Je vous préviens, je ne compte pas rester longtemps, dis-je fermement.

— Comme il vous plaira, mon ami. Je suis déjà content de vous avoir convaincu de venir. Vous allez voir, Don sert un Brandy fabuleux.

C'est sans surprise que sa diligence nous attend devant l'université. Je me demande comme je peux encore être surpris par ce genre de chose. De la part d'Henry, c'est même étonnant qu'il ne soit pas un secrétaire qui le suive partout. Je souris à cette pensée en prenant place dans la voiture.

Le Milly's est un pub assez chic sans en faire trop. Dans le hall principal se trouve le grand bar en chêne massif parfaitement lustré, des chaises hautes avec une assise en velours carmin son disposées devant à distance égale. Tous les alcools sont parfaitement alignés sur des étagères et dans des placards derrière le grand bar. De petites tables en bois encadré de fauteuils en velours assorti au chaises hautes son dispersés dans la salle. La plupart des clients viennent de la bonne société, avocats, médecins, banquier, riche commerçant. Je ne doute par que plus d'une affaire a due se conclure dans ce pub. Pour les habitués et les privilégier, le Milly's propose des salles privées. C'est sans surprise que l'une d'elle est en permanence réservée à Henry. J'ai d'ailleurs perdu le compte de notre de mains qu'il a serré depuis notre entrée.

Les salles privées sont séparées du hall principal par un épais rideau en velours bordeaux. C'est un véritable petit salon. Les fauteuils — simples et doubles — sont immenses et garni de coussin que je devine en soie. La salle dispose aussi ne table ronde de six personnes, d'un meuble bibliothèque et d'un échiquier. Je suis bien obligé d'admettre que ce pub est assez chaleureux, bien que l'odeur d'alcool et tabac de cigarette mélangé à celui de cigare me fasse un peu tourner la tête.

Un majordome vient prendre nos mentaux et demande ce que nous souhaitons boire. Henry demande deux brandy sans me consulter, et le majordome s'incline légèrement avant de partir. Nous nous installons sur les fauteuils à côté de la bibliothèque. Ils sont aussi confortables qu'ils en ont l'air.

— Je suis content que vous soyez là. Nous allons bientôt être surchargés de travail, et je pense que vous ne vous détendez pas assez. (Son regard dévie derrière moi et un sourire apparait sur son visage.) Don ! C'est un plaisir de vous revoir.

Henry se lève pour accueillir le tenancier d'une poignée de main chaleureuse avec une tape dans le dos. C'est un aucun doute qu'ils se connaissent depuis longtemps.