Chapitre 1 : Sommes nous responsables de nos désirs ? (3/4)

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Le désir comme force aveugle : La mécanisation des désirs.

D'une part, remarquons qu'on ne peut pas absolument distinguer le désir et le besoin. En fin de compte, on a besoin de manger que si l'on désire manger. Donc, en général, tout besoin est relatif à un désir. Toutefois, c'est la volonté qui reste cruciale car c'est sur elle que repose la maitrise des désirs. Nous devons donc nous demander si la volonté est absolument irrationnelle. Il me semble important de préciser, entre parenthèses, que toute démonstration logique est vraie si et seulement si ses points de départs sont vrais. Il faut donc les démontrer, et pour cela de nouveaux points de départs etc... à l'infini. Le régressus à l'infini est un processus réfutatif. Il permet de prouver la fausseté d'un autre argument dont la justification contient la conclusion.

La différence entre volonté et désir tombe justement sous un régressus à l'infini. En effet, si l'on demande à celui qui a fait preuve de volonté ses raisons d'agir, et les raisons de ses raisons, cela à l'infini, alors il ne pourra répondre. Cela signifie qu'on ne peut point absolument justifier nos actions, et donc que l'on ne peut absolument distinguer volonté et désir. Cet argument logique a une puissance réelle implacable : on ne connait pas les conséquences de nos désirs.

L'homme ivre, par exemple, va ajuster son comportement à sa maladresse et croira agir librement. Pourtant, c'est bien l'alcool qui change son comportement et sa personnalité. Il y a donc en général une illusion qui consiste à croire que nous faisons librement ce qui provient de causes extérieures.

Dans le film Orange Mécanique réalisé par Stanley Kubrick, Pavlov a montré qu'on pouvait causer des désirs chez les chiens en réassociant leurs stimulations comportementales. Or, ce conditionnement des désirs trouvent des correspondances chez l'homme comme le montre l'expérience de Pessigliane et Frith. On peut en effet montrer que les causes réelles de nos désirs sont hors du champ de notre libre arbitre parce que nous les ignorons. C'est la thèse déterministe.

Le baron d'Holbach dans Système de la nature formule la conception de l'Homme que cela implique. Les actions humaines, même si l'Homme l'ignore, ont toujours des causes extérieures. Il agit par des mécanismes complexes mais qui, au fond, ressemblent tous à des mécanismes physiques. De même que l'on pourrait conditionner les désirs des chiens, la connaissance des mécanismes de nos désirs permettrait de les conditionner.

L'hypothèse selon laquelle notre libre-arbitre, capacité à maitriser nos désirs, est une illusion a reçu aujourd'hui de nombreux soutiens scientifiques car elle suppose que nous sommes les auteurs de notre volonté. Mais cette supposition tombe malheureusement sous une objection fatale. Soit elle admet n'avoir aucune cause, venir du néant, ce qui est incompréhensible (Magie ! Elle qui a toujours été contredite dans l'histoire) ; soit elle admet avoir des causes et alors elle admet être déterministe.

Pourtant, le fait qu'on puisse connaitre objectivement l'ensemble des désirs humains comme un système de mécanismes contient un risque : Il est clair comme de l'eau de roche que la maitrise technique des désirs a certains avantages, on peut, par exemple, imaginer des solutions médicales (lanicorette ; la thérapie des phobies etc...). Pourtant, ce qui distingue la tyrannie du totalitarisme c'est précisément le fait que, par la propagande, le totalitarisme parvient à une maitrise massive des désirs. En fin de compte,nier que nous sommes responsables de nos désirs, cela ne reviendrait-il pas à nier la réalité de notre vie politique ?

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