Je suis rentrée vendredi soir dans ma petite bourgade qui m'a vu grandir. Je suis rentrée vendredi soir dans ma maison qui m'a sourire. Je suis rentrée vendredi soir dans la chambre qui m'a vu souffrir.Ma sœur a dû s'absenter comme tous les vendredis soirs pour aller à son entraînement de basket. Donc, comme tous les vendredis soirs, je me suis retrouvée avec mes parents pour un petit apéritif au coin du feu avec saucisson, vin rouge pour eux, Ice Tea pour moi. En conséquence, comme tous les vendredis soirs, ils m'ont demandé comment s'était passé ma semaine et ce vendredi soir en particulier j'ai dû m'expliquer.
Je n'avais pas envie de m'expliquer sur le pourquoi du comment je me suis retrouvée à l'infirmerie. Cependant, mes parents m'ont inculpé l'honnêteté et la confiance familiale.
Alors j'ai expliqué. Du pourquoi du comment je ne suis retrouvée à renifler à l'infirmerie.
Sauf que j'ai avoué ce qu'avais provoqué ma crise de larmes. J'ai admis que c'était lorsque Epoline m'a dit de parler moins fort que le barrage s'est ouvert et qu'un déferlement d'eau salée a envahit mon visage.
La conversation a dévié sur le fait que j'étais un peu trop susceptible et que je pouvais aussi répondre mais ce qui m'a le plus blessé c'est quand mon père à toucher le point faible:
"Commence à te poser les bonnes questions Yeho ! Quand tu étais ici, ça n'allait pas avec tes amis, quand tu es partis là-bas, ça n'allait pas avec Clémence, maintenant c'est Epoline ! Pourquoi c'est toujours avec toi que ça ne va pas ?"
Parce que je suis le problème. Sûrement. Mais ça, je l'ai compris depuis longtemps. Je sais pas m'entendre avec les gens.
Je suis une solitaire. Il y a toujours un truc qui me repousse chez les gens. Qui me repousse ou qui me blesse. Les deux en fait, parce que les deux engendrent l'autre et provoque ce sentiment d'infériorité. Constamment. Tout le temps. Avec n'importe qui.
Sauf mes parents. Mes parents, ils ont un pouvoir en plus de celui de me comprendre en un mot, en un regard. Mes parents, je ne les connais jamais vraiment car ils ont vécu des choses qui font que je me sens moins seule et en plus de cela, ils ne jugent pas.
Mes parents, ils ne m'ont jamais jugé sur mes choix, mon style, ma personnalité. Ils m'ont toujours encouragé pour tout.
Certains diront que j'ai de la chance. Je leur répondrais que j'ai simplement laissé mes parents être mes parents. Je leur ai fait confiance. J'ai cru en eux autant qu'ils ont cru en moi. Ça peut sonner bizarre mais croire en ses parents c'est important. Car si on croit en eux, on les laisse entrer dans nos vies, et lorsqu'ils sont dans nos vies, ils savent la comprendre et l'améliorer.
Seule la famille est capable de ça.
Parce que dans l'état où je suis, me mettant la tête dans une flaque de peurs. Les amis c'est cool, c'est sympa, on rigole bien. Mais au final, même si tu peux te confier mais pas sur tout. Tu peux pas dire qu'ils te font souffrir d'une manière parce qu'ils réussissent plus que toi sur certains points. Tu seras traitée de jalouse à deux balles, d'une pisseuse, d'une fragile.
Jamais mes parents m'ont fais me sentir inférieure. Alors peut-être que oui, j'ai peut-être un peu de chance d'être tombé malencontreusement sur eux.
C'est bien l'une des rares chutes que je ne regrette pas.
Est-ce que j'ai dis que je les aimais ?
Je ne crois pas non.
Est-ce que je le regrette ?
Bien sûr que oui, parce que comme tout le monde je leur dirais en face lorsqu'ils seront dans une boîte.
Nouvelle résolution pour cette année,je n'ai pas le droit de passer l'année prochaine si je n'ai pas dis à mes parents que je les aimais. C'est mon devoir.
Ce sera peut-être l'une des rares résolutions que je tiendrais. Mais c'est sûrement la plus importante.
Je dis tout ces mots alors que je suis dans le train. Retour à l'internat. C'est drôle mon correcteur automatique ne fait que me proposer retour à la maison. Mais l'internat n'est pas ma maison et ne le sera jamais. Jamais.
Parce que la maison, comme m'a dit ma maman ce week-end comme par hasard, c'est la sécurité. Dehors c'est peut-être le monde extérieur, mais on n'est en sécurité qu'à la maison. Et jamais je ne me sentirais en sécurité à l'internat.
Donc oui, j'ai de la chance. Car pas tout le monde ne se sent pas en sécurité chez soi. Et toutes ces personnes j'aimerais les inviter chez moi. Pas parce qu'ils y a mes parents mais parce que j'ai un grand jardin que j'aime traverser en courant avec mon chien et grimper sur la pierre, là-bas dans le talus.
De là, on a une vue sans frontières, l'horizon est fait d'arbres et le paysage est imprenable. C'est la liberté avec un grand L. Et j'arrive à sentir le voyage, l'aventure, aucune limite, tout ça chez moi car je me sens en sécurité.
Alors quand je suis à l'internat, je me pose devant la fenêtre et j'essaie,
tant bien que mal, de m'imaginer tous ces champs,
de faire ressortir tous ces sentiments,
Mais sans la présence de papa et maman,
Tout cela ne reste qu'un pauvre essai.Je ne resterais pas pour toujours chez moi, déjà je sais que je suis en train de faire mes adieux à toute une époque car je reviendrais jamais vraiment chez moi. Dans trois ans, à la fin du lycée, je vais normalement partir en ville et je devrais prendre un appartement seule ou accompagnée, de ma cousine ou d'un chat, ou des deux, je ne sais pas.
Mais jamais je reviendrais tous les soirs pour manger mon goûter devant la télé à attendre le retour de papa et maman pour enfin commencer à bosser. C'est fini. C'est terminé. Et je dois retenir mes larmes pour pas pleurer dans le train à cause de ces mots.
Parce que ça me manque. Toute cette époque est révolue. Et dire à 15 ans qu'une période est révolue ça fait putain de peur. Ça fait putain de mal.
Qu'est-ce que je disais sur les résolutions... Celle d'être moins vulgaire est morte...
Comme mes espoirs de retour à la normale. Parce qu'il n'y a plus de normale.
Sans mes parents.
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INSIDE MY LOCKED HEART
Non-FictionL'adolescence. Ce passage à la grille plus ou moins grande, aux barbelés plus ou moins aiguisés. Certains passent avec quelques égratignures, d'autres s'arrachent la peau et y laissent un peu de leur cœur. Chacun le vit à sa façon, chacun à sa propr...