Le départ

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Je vais partir et ne plus jamais revenir. Fuck les faux amis et la famille.

Combien de fois on s'est dit ça ?
C'est impossible à compter.

Je voulais partir. Loin, très loin. Ne plus avoir les règles de la maison et celle du collège. Ne plus voir la
même bande de pote avec une morosité constante et une famille trop étouffante. Ce que je voulais surtout, c'était fuir. Fuir loin de tout ce que j'ai vécu dans ce collège de malheur et cette chambre qui m'a vu dans mes états les plus épouvantables. Je voulais voler avec mes ailes brûlées et faire fleurir la demeure du diable. Ma demeure.

Alors je suis partie. Loin, très loin.

Et maintenant, ce que je veux, c'est revenir. Et ceux qui sont restés parce qu'ils ne voulaient pas tout quitter, ils veulent partir. C'est drôle. Même si la distance ne donne envie de chialer. C'est quand même amusant de voir les comportements se modifiés et les principes s'échanger.

Ce que je veux maintenant, c'est connaître à nouveau ces dimanche après-midi où on regardait des films en famille. C'était mes parents qui choisissaient, c'était nul, ça me saoulait. Tout simplement parce que je ne me rendais pas compte de la chance que j'avais. C'était bien plus puissant que la magie, ça avait plus de valeur que tout l'or du monde. Parce
que ce que j'avais, c'était une famille. Deux parents qui par force et confiance s'aimaient depuis plus de vingt ans. Et des sœurs. Que Dieu m'a offert plus âgées et bien plus différentes que moi mais avec une bienveillance inconditionnelle. Je n'étais pas seule.

Mais ça, je l'ai compris quand je me suis barrée. Et que la solitude est devenue ma plus grande compagnie. Mon memo est maintenant mon meilleur ami et les cours, l'histoire de ma vie. Parce que j'ai rien à d'autres à me raccrocher.

J'ai tout perdu.

La famille, je l'ai toujours. Je la vois tous les week-ends. Mais c'est pas la même chose, c'est tellement différent. Tout d'abord, rares sont les fois où j'ai mes deux sœurs et plus rares encore, sont les week-ends où personne n'a quelque chose de prévu et que l'on est ensemble vraiment pendant une soirée et une journée. Ce n'est encore jamais arrivéa vrai dire. Ça n'arrivera probablement, même sûrement jamais. Et ce n'est pas fini. Ce sera pire après.

Bah oui, puisqu'on va continuer de grandir et de plus en plus s'ignorer. On va faire nos études et nous marier.

Notre enfance commune va être souffler par le vent du l'évolution et s'envoler loin dans nos souvenirs que plus tard on racontera à nos enfants et petits enfants qui rêvent d'être grands. Et on leur dira :"Profites-en, c'est précieux ce que tu vis en ce moment". Mais comme nous, ils voudront être adultes, trop vite, et ils vont regretter, plus tard, avec un goût amer et âcre, ils se diront "Merde, j'aurais du l'écouter l'autre vieille", exactement comme nous.

Mais je suis heureuse. Genre, vraiment. Je peux le dire maintenant. Je suis heureuse.

Vous allez me dire, "Pourquoi ?! Depuis tout à l'heure tu te plains de ta vie ?"

Alors pourquoi ? La réponse est dans la question.
Tout simplement parce que je vis, et ça, c'est le plus important. Un trésor à garder, protéger et partager.

La vie, c'est compliqué. On tombe, on se casse la gueule dans des flaques de mensonges et d'hypocrisie et on se relève, trempé de culpabilité. On se dit qu'avec une bonne douche, tout ça disparaître. Mais on a beau frotter avec du savon les blessures. Elle restent. Encrées en nous au fer rouge, inscrites dans notre chair, elles sont ce que nous sommes. Elles font que dans les moments difficiles, on continuera de sourire et de continuer, parce qu'elles nous rappellent, tous les jours, qu'on en a vécu des choses, bien pires et qu'on est toujours debout, malgré tout.

Alors ouais, je suis heureuse. La vie m'échappe et le temps me file entre les doigts mais ça ne veut pas dire que demain, je pourrais pas me poser avec ma mère, mon père et mes sœurs pour parler de la vie. De notre vie qui change. Le changement fait peur mais la famille est belle: équilibre parfait. Jamais seule, toujours entourée, toujours debout à sourire ridiculement au passage du  papillon, parce que c'est ça la vie.

Carpe diem.

INSIDE MY LOCKED HEARTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant