Je ne pourrais pas dire quel jour ça a commencé. Je ne sais plus. Je devais être au collège, en permanence.
Il y avait cette fille d'un an de moins. Une jolie rousse qui parlait de comment elle avait taillé ses veines. Elle montrait ses cicatrices flagrantes sur son poignet.
J'étais derrière elle, je suivais avec distance la conversation qu'elle avait avec le garçon à côté de moi. Ma première pensée a été :"elle a dû avoir tellement mal"
Ma deuxième a été:" et si c'était la solution"J'avais donc sortis mon compas. Un petit maped rouge. J'ai posé la pointe sur mon avant bras gauche. Ça piquait. Puis, j'ai commencé à tracer des cercles. Plus ou moins grands, plus ou moins profondément. Ça brûlait. J'avais le bras strié, rouge avec des traces blanches.
C'était drôle cette sensation. C'était cool, il n'y avait pas d'autres mots. Je m'étais jamais autant senti satisfaite de moi-même depuis un bon bout de temps.
J'avais eu l'impression d'avoir trouvé la réponse à la remise en question que je vivais à ce moment précis.
Mais comment expliquer que 4 ans plus tard, je sors de l'infirmerie de mon lycée avec le devoir de téléphoner à ma mère pour lui demander une façon d'organiser mes semaines en internat pour pouvoir voir un psychologue.
J'ai perdu le contrôle, ça m'a filé entre les doigts sans que je ne m'en rende compte. C'est entré en moi, ça m'a prit à la gorge pour m'étouffer. Je me suis noyé dans mes propres larmes. Je me suis étranglée avec mes propres mensonges.
J'ai besoin d'aide je le sais. Et, au fond, je le veux. Mais dire à mes parents, les regarder dans les yeux, et leur avouer que j'ai peur de ce que je suis capable de me faire, qu'actuellement, j'ai la corde au cou.
Ils m'aiment, ils veulent m'aider. Je le sais, je sais tout, j'ai tout compris mais sont-ils capables, eux, de le comprendre, que là, en ce moment ce n'est plus assez, que là, en ce moment, ils ne peuvent plus rien faire.
Je suis pas tout le temps comme ça, il ne faut pas croire. J'ai des phases dépressives, des phases euphoriques, mais trop euphoriques pour être vraies, mais ça, il n'y a que moi qu'il le sait. Cependant, je sais sourire, je sais rire, je sais survivre mais je n'ai jamais compris comment vivre.
J'aimerais que tout aille mieux, trouver les interrupteurs pour allumer la lumière. Mais je suis trop aveugler par la noirceur dans ma tête, par les corbeaux dans mon cœur.
Je vois plus rien, ne n'entends plus rien, ne sens plus rien. Tout ce que je distincte c'est moi sautant d'une falaise, le retentissements de mes cris dans ma chute, et le vent fouettant mes joues trempées.
La matinée s'était déroulée tout tranquillement. Les cours se sont enchaînés les uns après les autres puis c'était déjà l'heure du self.
J'ai mangé avec mes amis, rien de spécial. Ce fut un repas normal. Un repas où je me suis retenue de finir mon assiette.L'après-midi à l'internat s'était déroulé sans encombre. Je me suis même amusée, j'ai rigolé, danser, jouer. Jusqu'à ce que ma mère m'envoie un message pour me prévenir que je pouvais l'appeler.
Elle décrocha au bout de quelques sonneries:
- Coucou ma chérie, comment ça va ?
-Salut... Ça va et toi ?
-Ça va. Comment s'est passé ce début de semaine?
J'ai cru lâcher maman....
- J'ai du aller voir l'infirmière.
Alors je lui ai expliqué, brièvement mon rendez-vous. Je lui ai aussi demandé d'aller voir le médecin, le plus vite possible.
- Il y a autre chose Maman. L'infirmière m'a proposé de voir quelqu'un, ici, soufflé-je presque
- Un psy ?
- Oui..., murmurai-je, mais je sais pas si j'aimerais, si je..
- Si c'est ce qu'il peut t'aider alors on le fera Yeho, me coupa-t-elle
Je ne pus m'empêcher de sourire. J'avais très vite changer de sujet mais la compréhension sans limite de ma mère me surpris. Je savais que cet été, mes parents avaient enfin compris la gravité de la situation et avaient décidé d'agir. Cependant, je ne pensais pas, non je n'avais pas réalisé, qu'ils en avaient à ce point conscience et qu'ils seraient à ce point derrière moi.
J'ai de la chance, beaucoup trop de chance.
Je n'ai pas de raison d'aller mal non ?
Une famille, des amis, de bonnes notes...
Alors c'est tout ce qui compte dans notre monde.
Le bien être intérieur n'a plus de valeur si tu as des êtres autour de toi ?
La solitude mentale est futile si tu ne dors pas seule et en plus, sous un toit.
La faim de bonheur est inutile si tu manges à ta faim, ta soif de liberté n'est que poussière si tu as de l'eau à ton robinet.
Ainsi va la vie. Ton monde ne se compare pas au monde entier. On s'en fiche de ta petite personne. Regarde toi, tu as tout pour être heureuse. Ouvre les yeux, il y en a des plus malheureux.
Alors je culpabilise.
L'infirmière m'a demandé pourquoi je remettais tout sur moi. Peut-être parce que tout est ma faute.
J'ai dû aller manger le dîner après puis à mon deuxième rendez-vous avec l'infirmière.
Je lui ai dis que finalement il n'y avait pas besoin d'appeler car ma mère avait compris. Elle m'a alors proposé des médicaments anti stress. Je ne sors plus en ce moment.
Je l'ai ai pris le soir, ça ne m'a pas plus aider. Il faudrait quelque chose de bien plus puissant. Mais ce n'est pas grave, plus rien n'est grave.
Et encore le lendemain matin, j'ai dû y retourner. Alors là, elle m'a donner un flacon de médicaments, pour en prendre le matin même, le soir et avant d'aller me coucher.
J'ai pu sentir lorsqu'ils n'ont plus fais effet. Je suis devenue exécrable. Une vraie peste.
Et lorsque, le soir, dans ma chambre j'ai sorti mon flacon pour en reprendre. J'ai vu par le fenêtre mon amie, l'une de mes plus proches, qui revenait d'aller fumer avec Sam.
Je n'ai pas pu retenir l'unique et seule larme de rage couler. Elle l'avait fait. J'étais là, toute seule avec mes démons et elle, elle réussissait à vivre une vie de sociabilité exubérante. Elle venait de vivre son petit moment avec Sam. Pas moi. Il ne connaissait même pas mon prénom.
À force de me renfermer, les gens ne sont plus venus vers moi. Je me suis fais des amis, des vrais, mais les connaissances, les gens que tu croises comme ça, avec qui tu rigoles un peu, tu sors juste au quelquefois pour de bons délires. Je n'en avais pas. On ne me voyait pas.
Je ne voyais même plus moi-même, ce soir là, dans mon miroir.
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INSIDE MY LOCKED HEART
Non-FictionL'adolescence. Ce passage à la grille plus ou moins grande, aux barbelés plus ou moins aiguisés. Certains passent avec quelques égratignures, d'autres s'arrachent la peau et y laissent un peu de leur cœur. Chacun le vit à sa façon, chacun à sa propr...