Invariable

Coucher de soleil

-Tu n'es qu'une débutante! répète mon coach
Bordel qu'est-ce que je fous encore la? Et pourquoi mon coeur se serre?
-Tu pourrais pas un peu te concentrer? Hé oh! Célesteeeeee! Y'a quelqu'un ?
Je le regarde comme s'il venait de dire quelque chose que je n'avais pas compris pourtant j'ai très bien assimilé ses reproches qui pour moi ne sont pas justes. Selon lui l'équitation c'est simplement de la technique et rien d'autre. Pour moi c'est un échappatoire de la vie réelle. J'ai juste le temps de lui répondre un petit oui, avant qu'il nous annonce que la séance est terminée. Encore une qui se finit mal...

-Dis tu voudrais pas enlever tes pieds du siège Céleste, grogne maman
-hummm, marmonais-je
Je m'exécute sans rien dire de plus.Une fois arrivées à la maison je me précipite dans ma chambre, mon second échappatoire. Je vérifie d'avoir bien terminé mes devoirs et m'affale sur mon lit. Pas besoin d'être un génie pour savoir que dans deux minutes maman va rappliquer en me disant de venir mettre la table, qu'est ce que c'est chiant...Après avoir effectué ma prédiction j'avale un plat de pâtes sans broncher, puis retourne dans ma taverne ; il faut dire que je suis assez bordélique et que ranger, m'arrive tout les 36 du mois.Mon moment préféré arrive, celui où j'éteins la lumière, où mes pensées et mes rêves créent des scénarios fantastiques, où je me sens moi, sans soucis ni stress, là où je vis vraiment. Mes yeux se ferment délicatement, ma tête est déjà ailleurs, je vois une plage, de sable fin, avec au loin une silhouette floue qui m'appelle. Je lui fais des gestes mais elle ne me voit pas, je me retourne et m'aperçois qu'elle fait signe à une jeune fille, plus jolie que moi, assise sur un rocher. Elle a des yeux bleus, des cheveux longs et soyeux. Elle est belle, j'aimerai lui ressembler. A quoi définissons-nous la beauté? Au regard des autres... ceci étant ma réponse, j'y accorde beaucoup d'importance ; montrer une belle image de soi pour que les gens nous aiment. Seulement en étant « aimé » par « beaucoup » de personnes on finit par ne plus s'aimer soi-même et on se rends compte que ni le nombre ni l'apparence sont révélateurs des âmes pensantes qui résident dans nos corps fabriqués d'atomes.Ce rêve je le vis et le revis sans cesse, avec à chaque fois un détail de plus, mais ma tête en a décidé autrement ce matin, je ne connaîtrais pas l'identité de cette silhouette.

Bip bip bip biiiiip. Putain de réveil. 6h30, l'heure de se préparer pour aller en cours... génial! Vite, il faut que je choisisse ce que je vais mettre! Jean gris? Non il est troué ! Jean bleu? Non j'ai mes règles j'ai peur d'avoir une tâche! Jupe? Certainement pas! Hum bon bah on va opter pour la tenue du lundi, toujours la même, jean noir, pull trop grand et vans noires, ça fera l'affaire. Et hop je file à la douche. L'eau bouillante brûle ma peau, et la fait rougir. Je sens chaque parcelle de mon corps se ramollir sous l'effet de la chaleur. 7h30 je pars au lycée à pied, avec du Orelsan dans les oreilles comme d'habitude. Toujours la même routine, toujours la même musique, toujours ce vieux chauffeur de bus qui me salue en me voyant passer, toujours cette mamie qui fait du vélo, toujours cette odeur matinale, toujours cette envie de dormir, toujours cette envie de partir.

Je vois au loin mon groupe d'amies et comme tout les lundis matins je vais les ignorer, elles savent que j'ai besoin d'être seule et que même avec elles je m'ennuie. Je m'assoie devant ma salle et attends que le temps passe, j'ai l'impression d'être observée et remarque qu'un prof de sciences est assis en face de moi me regardant de haut en bas. Il a quoi en fait? Je m'aperçois alors que je me suis accidentellement assise sur le carrelage fraîchement mouillé, où une pancarte indiquait bien : «interdit de passage ». Merde merde merde! Le prof se lève et s'avance vers moi, je me relève et part en courant, laissant derrière moi, mon carnet de correspondance, tombé à la renverse. Et merde! Je déteste définitivement le lundi matin! J'apprends finalement en fin d'après- midi que j'ai juste eu un avertissement de comportement, enfin juste n'est pas le mot approprié! J'ai eu un avertissement!!! Ma mère va me tuer! Et si elle m'envoyait en internat ? Et si elle me privait de mes livres? Et si ? Et si ? Et si? Non non non non non arrête!Céleste tu délires complément!

Ma journée se termine avec la boule au ventre, j'ai peur d'annoncer à ma mère mon acte qu'elle jugera déviant voire délinquant. Alors pour retarder ce moment de stress, je file à la plage. Le coucher de soleil est juste magnifique! Je ferme les yeux un instant. La brise d'air frais du soir vient effleurer mes joues rosées par le froid timide. L'air marin fait onduler mes cheveux parfaitement lisses. Et le sable chaud vient se coincer dans les moindres recoins de mes vans noires délavées.Soudain une voix m'arrête dans mes pensées.
-C'est beau non? lance la voix grave et mystérieuse
Incapable de répondre, je continue d'apprécier le moment, en espérant que la voix va disparaitre.
-Je veux dire, c'est beau de vous voir ainsi... relance-t-elle
La peur s'empare de mes jambes, ma tête ne réponds plus, mes mains sont moites, mon coeur accélère. Cette voix...est si...familière?
Je me retourne finalement et n'aperçoit personne, juste des gamins de 7 ans jouer au foot et se chamailler pour des bonbons. Mais je suis sure de ne pas l'avoir rêver! Je l'ai entendu, la voix et je sentais sa présence!