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Le pire jour de ma vie était le jour du départ d’Isaac. La veille, durant toute la nuit, je suis restée éveiller pour profiter de mes derniers instants avec lui. Même s'il dormait, je voulais le regarder, le toucher, le sentir près de moi.


Anderson était venue en personne pour récupérer son fils. Il était arrivé 2 jours avant le départ, il ne pouvait pas arriver plus tôt car son travail lui demandait beaucoup de temps et il ne pouvait pas se permettre de s'absenter trop longtemps.

Isaac s'était réveillé à l'entrée de son père dans notre maison. Il était sans expression, je crois qu'il ressentait ma douleur et ma tristesse. Il bougeait avec nonchalance, quant à moi, j'essayais de rester forte, de ne pas craquer, à chaque fois que mes yeux tombaient dans les yeux de mon fils, je ressentais une douleur dans le cœur et cette douleur était de plus en plus forte.
Je n'arrivais pas à décrocher un seul mot.

Anderson, lui, me consolait comme il le pouvait. Il me répétait sans cesse de ne pas m'inquiéter, qu'il serait entre de bonnes mains, qu'il en prendrait soin, que j'aurais des nouvelles de lui le plus souvent possible.
Même si nous nous étions séparés en très mauvais terme, nous avions toujours été connectés, très compatibles, j’appréciais sa présence et lui la mienne et cela même après notre rupture. Donc être dans ses bras, entendre ses mots, sentir son parfum m'a été d'un bien fou.


Des personnes du quartier qui tenaient à mon fils étaient passées lui dire au revoir.
Lorsque ces personnes étaient parties, il ne restait que mes parents, les parents d'Anderson, mon frère et ma sœur.
Mon père et mon «  ex beau-père » allaient accompagner Anderson et Isaac à l'aéroport.

J'ai préféré ne pas les accompagner car j'aurais été capable d'arrêter l'embarcation, de retarder le vol, tout cela pour récupérer mon fils et ne pas voir l'avion dans lequel il aurait été décoller et partir loin du pays. J'ai préféré le regarder partir dans la voiture que dans l'avion.

Avant de monter dans la voiture, Anderson était venu me rassurer une dernière fois. Puis Isaac couru dans mes bras et se logea dans mon cou pendant quelques minutes. Après ses embrassades, il me demanda de tendre l'oreille et il me dit : «  mwen renmen'w manman » ( je t'aime maman). Pour moi c'était vraiment la goutte de trop. J'étais obligée de laisser couler quelques perles salées. L'émotion était à son apogée. Plusieurs sentiments se mélangeaient à l'intérieur de moi.
Ce fut la première fois qu'il me dit «  je t'aime ». Certes mon fils et moi étions fusionnels mais jamais ces deux mots étaient sortir de sa bouche avant cet instant.
Il me fit un bisou sur la joue et il partit rejoindre son père dans la voiture avec une grande lenteur. Moi, je restai là, accroupi, encore abasourdie.
Je me suis ressaisi lorsque que j'ai vu la voiture s’éloigner de mon champs de vision.


À partir de ce moment, j'ai vécu de longues heures interminables. J'étais en panique totale, comme c'était la première fois que mon enfant était aussi éloigné de moi, je me demandais s'ils étaient bien arrivés, s'ils avaient eu un problème et mes scénarios ont continués jusqu'au moment où j'aperçu une notification apparaître sur mon téléphone : c'était Anderson qui m’annonçait qu'ils venaient tout juste d'atterrir. J'ai ressenti un énorme soulagement, mon cœur reprenait peu à peu son rythme cardiaque normal.

Après cette annonce, je décida de rentrer chez moi. Je ne voulais pas plus déranger ma mère et mon père. De plus, je voulais rester seule, sans personne.
Je me lava et me coucha sur mon lit qui me paraissait si grand. Je caressa la place vide qui était à côté de moi et je me remémorais tout mes anciens souvenirs.
Toujours plongée dans mes souvenirs, je me leva pour aller chercher une des peluches qu'Isaac avait laissé pour la serer contre ma poitrine.

Ce soir-là je n'étais pas dans la capacité de gérer mon restaurant. J'ai fais totalement confiance à Nessia, elle était très responsable et assidue, je n'avais pas à m'inquiéter.


Maintenant je crois bien que je me dois de vous expliquer mon parcours.
Je suis Shahila Bazin. Comme vous avez pu le comprendre je suis née en Haïti, ma famille et mes ancêtres viennent d'Haïti.

J'ai toujours été réservée. Je n'aimais pas trop l'école, ce que je préférais c'était voir ma mère cuisiner et ainsi apprendre avec elle. D'où l'idée d'ouvrir mon restaurant.
A mes 17 ans j'ai commencé à fréquenter Anderson. A mes 19 ans je suis tombée enceinte, nous avions décidés d'assumer.

Nos parents étaient déçus mais surtout les siens. J'ai eu du mal à me faire accepter dans sa famille. Pour eux, j'étais la cause des problèmes de leur fils. Quant à mes parents, eux, m'ont fait la morale. J'étais persuadée que j'allais passer un très mauvais moment, qu'enceinte ou pas ils allaient me frapper mais non. Ils ont plutôt optés pour la communication que pour les coups.

J'ai récupéré la maison de ma tante qui vivait à l'époque en République Dominicaine. Avec Anderson nous nous sommes installés là et c'est à partir de là que les problèmes ont commencés.
J'étais obligée de travailler pour subvenir à nos besoins. Nous pouvions compter sur personnes, nous devions nous débrouiller seuls car nous nous étions mis dans le pétrin seuls.

Anderson avait fait un accident en moto. Il s'était cassé la clavicule. Sa guérison tardait, elle a prit plus de temps que prévue.
Il ne pouvait pas trop bouger, c'était donc impossible pour lui de travailler.
Mes parents même s'il le voulait, ils n'auraient pas pu m'aider, eux aussi à cette époque passaient un moment difficile financièrement parlant.

Je faisais l'intrépide qui pouvait aller travailler en étant enceinte mais lorsque j'arrivais devant les tâches qui m'étaient destinées c'était tout le contraire.
Je devais m'occuper de l'entretien d'une assez grande maison. Les responsabilités étaient trop pour une personne alors imaginez pour une personne enceinte.
Je rentrais chez moi le soir, avec des douleurs au dos et aux jambes. J'avais à peine le temps de manger qu'il fallait absolument que j'aille dormir pour récupérer des forces pour le lendemain.
J'ai fais cette «  routine » jusqu'à mon septième mois.

Un jour, l'on m'a trouvé étendue sur le ventre en bas de l'escalier. Lorsque que je descendis, je loupa une marche, mon ventre m'empêchait de voir mes pieds.
On a dû m'emmener à l'hôpital d'urgence et à partir de ce moment j'ai pu trouver du répit. J'avais l'interdiction de bouger. La journée l'on s'occupait de moi, l'on m'aidait à m'habiller, à me laver, à me lever etc. Je ne pouvais rien faire par moi-même.

Cela a duré 1 mois.
Isaac était arrivé prématurément, 1 mois avant. Il est né en exellente santé et sans aucun problème.

Avant sa naissance, je n'arrivais pas à me projeter dans le futur, je vivais au jour le jour. Je répétais sans cesse « on verra de quoi sera fait demain» mais dès que je l'ai tenu pour la première fois, ma manière de penser a radicalement changé.
Avec lui, j'avais un projet clair et net pour le lendemain, le surlendemain, pour le futur.
Avec son père, nous avons été très très heureux les premières années, même si je n'avais que des sentiments pour Anderson.

Nous nous sommes déchirés et je l'admets, tout cela était de ma faute.



Amer est mon cœur. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant