Take My Heart With You (Sous contrat d'édition)

1 - Nous ne venons pas du même monde

Hope

Deux jours plus tôt

Mon réveil rugit brusquement, interrompant ainsi un fabuleux rêve, et je cherche à tâtons mon téléphone pour couper la sonnerie. Je me lève à contre cœur et grimace en apercevant mon reflet dans le miroir. Je ne suis généralement pas quelqu'un qui se soucie réellement de son apparence. Mais, comme tout le monde, il y a des jours où je n'assume pas du tout mon aspect physique, ce qui impacte inévitablement mon moral. Aujourd'hui, c'est le cas. Et je pense que je vais avoir besoin d'une bonne dose d'anticerne pour me sentir prête à affronter cette nouvelle journée.

Je tape trois fois sur la porte de la salle de bain avant d'y entrer. Comme je la partage avec ma sœur, nous avons mis en place ce système afin de savoir quand est-ce que nous pouvons l'utiliser. Si personne ne répond, alors la voie est libre. J'y entre tout en baillant quand j'aperçois Julia assise à moitié nue sur le rebord de la baignoire.

- Bon sang, mais pourquoi tu n'as rien dit quand j'ai frappé à la porte ! crié-je tout en me couvrant les yeux avec mes mains. Je n'avais sincèrement pas besoin de voir tes nichons de si bon matin.

- Ah... salut sœurette. Désolée, je n'avais pas entendu.

Sa voix terne m'interpelle aussitôt et je reporte mon regard sur son visage. C'est alors que je remarque ses yeux rouges et gonflés, comme si elle avait passé la nuit à pleurer. À tous les coups, elle a encore dû se disputer avec Tate, son abruti de petit-ami avec qui elle passe son temps à se rabibocher. Ce fils à papa, dont l'avenir est déjà tout tracé, est certes riche mais cela ne le rend pas pour autant plus intelligent. Ni plus attirant. Enfin, selon moi.

Je lui ai déjà dit à plusieurs reprises de le plaquer une bonne fois pour toute, qu'elle pouvait trouver mille fois mieux, mais je ne sais pas pourquoi elle s'entête à rester avec lui. Je me doute quand même que notre mère y est pour quelque chose. Depuis qu'on est petites, elle n'a jamais cessé de nous rappeler que pour avoir une vie heureuse, il fallait trouver un homme capable de nous entretenir. Je ne comprends pas trop comment elle peut tenir de tels propos, d'ailleurs, puisque mon père est loin de correspondre à ce critère. D'après ce que j'ai cru comprendre, cela lui viendrait de son éducation de fille du Sud. Mais bon, peu importe, cela n'a pas vraiment d'importance pour moi. Je n'ai jamais adhéré à sa façon de penser et c'est pour cela que Julia a toujours été sa préférée. Plus d'une fois, elle ne s'est pas gênée pour me faire savoir que je n'arriverai jamais à sa hauteur. Selon elle, je ne suis pas assez belle, intelligente et raffinée. Tout le contraire de mon aînée ! Pourtant, nous sommes physiquement similaires. Mais il est vrai que ma sœur a ce je-ne-sais-quoi qui la fait ressortir du lot. Elle est plus grande, plus fine et mieux proportionnée. Son sourire est plus chaleureux, sa chevelure plus brillante et ses yeux sont bien moins maussades que les miens. Si autrefois je vivais très mal ce favoritisme, aujourd'hui je n'y prête plus attention. Ou du moins, c'est ce que j'essaie de me dire.

Avec le temps, j'ai fini par comprendre que ma mère ne me regarderait jamais de la même manière que Julia. C'est pour cela que, de façon naturelle, je me suis davantage rapprochée de mon père. Mon petit côté garçon manqué vient de là, d'ailleurs. Pendant que ma sœur se préparait à passer des concours de beauté avec ma mère, je jouais au baseball ou passais mon temps à la bibliothèque avec mon père. C'est pourquoi je n'ai jamais ressenti de manque affectif. Le seul problème, maintenant, c'est que mes centres d'intérêt sont loin d'être les mêmes que ceux d'une fille normale de mon âge. Je ne m'intéresse pas vraiment au maquillage ou aux dernières tendances à la mode. Je me contente bien souvent du strict nécessaire, à savoir mon mascara et mon anticerne. Et je déteste faire du shopping, sauf si c'est pour acheter des livres. Ma vie n'a rien d'extraordinaire, mais j'ai déjà vécu des centaines d'aventures à travers mes bouquins, ce qui me suffit amplement.