1 : Allan

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Je viens de finir l'entraînement de hockey des petites stars du quartier, mais coacher des enfants ayant moins de neuf ans m'a épuisé. Il est dix-sept heures et j'attaque avec les joueurs de l'Université de Chicago dans deux heures, je n'ai pas réellement le temps de rentrer faire une petite sieste mais je ne peux pas faire l'impasse sur ma soirée avec Anthony. Il revient d'un an en Europe et la première chose qu'il souhaite c'est me voir.

Je monte dans ma voiture et roule jusqu'à la patinoire du campus tout en écoutant les Twenty One Pilots à la radio. La chanson me fait sourire et je commence à battre le rythme sur le volant. C'est une vieille habitude qui me vient de mon frère et je n'arrive pas à m'en défaire.

En me garant sur le parking j'ai retrouvé un certain dynamisme et sors mes patins du coffre, j'ai envie de glisser sur la glace avant que les garçons arrivent. À chaque fois que je raye la surface lisse de cette patinoire c'est une avalanche de souvenirs qui m'assaille, bons et moins bons. Je me rappelle nos victoires, nos défaites, les entraînements intensifs du coach Burton, ma sélection chez les Blackhawks et ma dernière victoire.

Je suis encore plongé dans mes pensées quand les premiers joueurs arrivent. Je m'éclipse très vite pour laisser l'ensemble de l'équipe prendre place et commencer les échauffements. Je les observe se donner comme si le hockey était toute leur vie. Mais je ne suis pas comme tous les coachs du pays, je ne veux pas que mes joueurs ne voient que le hockey parce que putain ce n'est pas toute la vie.

J'ai joué à très haut niveau pendant cinq ans, j'ai abandonné mes études moins de six mois après mon adhésion à la fac pour entrer chez les Juniors, j'ai mangé hockey, bu hockey et respiré hockey pendant vingt putains d'années. Aujourd'hui même si mon objectif est d'emmener cette équipe au sommet, mes méthodes et ma pensée ont évolué, je ne veux pas que ces jeunes s'oublient pour poursuivre un rêve qui ne dure qu'un temps.

- Coach Carter on va encore devoir faire les danseuses étoiles devant vous combien de temps avant de passer à l'entraînement ?

Curtis est un petit nouveau dans l'équipe, il a du talent mais surtout une grande gueule à rabattre. Il est comme un gosse qui test les limites sans arrêt. Son autre problème est son ego qui ne cesse d'enfler depuis que j'ai été le cherché à Cleveland. Il ne sait pas que cette équipe est sa dernière chance, que je suis arrivé avant qu'il ne se fasse jeter par ses anciens coéquipiers. Mais ici ça ne se passera pas de la même façon.

- Spécialement pour toi Curtis vous allez faire un entraînement sans crosses. Vous pouvez retirer votre équipement et revenir en simple tenue de sport. Aujourd'hui patinage artistique, merci Curtis.

Les gars deviennent bruyants et une envolée de jurons résonne dans la patinoire. Je sais bien qu'ils ont tous du mal avec cette discipline et que leur virilité en prend un coup mais ce n'est pas une punition débile. En réalité on va travailler la technique et la souplesse : deux choses essentielles dans le hockey.

C'est ainsi que s'en suit deux heures intensives avant que je renvoie les gars au vestiaire.

***

- Allan ! Frangin c'est si bon de te revoir.

Anthony me sert dans ses bras d'une accolade presque surjouée, mais il est comme ça et je ne peux pas lui en vouloir d'en faire trop pour apporter du bonheur dans la famille. Mon frère de vingt et un ans ne me ressemble en rien, ses cheveux sont noirs de jais tandis que les miens sont châtain, il a une barbe soyeuse alors que je ne supporte pas dépasser celle de trois jours. De toute façon les garçons Carter ont toujours été tout sauf des copies conformes.

- J'ai une surprise pour toi mais elle n'arrive que dans une heure alors en attendant tu vas pouvoir me raconter à quoi ressemble Chicago sans le meilleur frère au monde.

Autant j'ai tendance à apprendre la modestie à mes joueurs, autant lorsque mon frère fait sa propre éloge je ne peux m'empêcher de sourire à de lui donner une tape dans le dos.

- Parle-moi plutôt de ton voyage, Chicago reste Chicago.

Pendant une heure Anthony résume tout ce qu'il a vu, tous les pays qu'il a visité. Il parle longuement de Paris cette ville magnifique mais bien trop idéalisée par les Américains, mais aussi de Venise qu'il ne faut surtout pas aller voir en été mais plutôt en avril lorsque les touristes se font plus rare et que la chaleur ne fait pas remonter une odeur horrible de l'eau de la ville. Il décrit avec des étoiles plein les yeux les paysages de la côte grecque, la mer azure et brillante lorsque le soleil se reflète à dessus. Alors qu'il me parle de l'Espagne, il s'arrête subitement et un sourire naît sur son visage. Il s'éclipse un instant avant de revenir la seconde d'après une superbe blonde au bras. Cette femme à des yeux très clairs qui m'inspire l'océan. Sa peau bronzée est délicate, je n'ai pas besoin de la toucher pour le savoir.

- Allan, je te présente Daphnee Carter, ma femme.

Cette phrase m'arrête dans mon élan. Je n'imprime pas ce que mon frère vient de me dire. Je ne l'ai pas vu pendant un an, malgré tout j'ai eu des contacts réguliers avec lui mais jamais il ne m'a dit qu'il s'était marié. Je réalise que mon silence doit être gênant en plus d'impoli, alors je plaque mon sourire spécial média sur mon visage avant de les féliciter tous les deux.

Pendant une demie-heure je n'écoute plus vraiment ce qu'Anthony raconte. Je crois qu'ils se sont rencontrés en Grèce et qu'ils sont mariés depuis presque six mois. Daphnee a fait la suite du voyage avec lui mais c'est à peu près tout ce dont je me souviens.

- Je voudrais la présenter aux parents demain au dîner, je peux compter sur toi ?

- Je vais m'arranger.

- Cool ! Et toi alors avec Emily ça avance ou tu ne lui as toujours pas proposé de venir vivre chez toi ?

- On a rompu il y a un mois.

- Merde, désolé. Je pensais que ça devenait sérieux. Tu devrais réellement songer à te caser.

C'est la loose de recevoir des conseils en matière de relation de la part de son frère cadet. Mais je me vois mal lui dire que j'ai trompé Emily une centaine de fois en un an tandis qu'elle l'a fait au moins le double de fois. En effet notre relation purement sexuelle dans les premiers temps a évolué pour que nous en tirions chacun un avantage : je la faisais entrer dans le cercle des Blackhawks et elle était un bon prétexte pour que je quitte la NHL en gardant une bonne image. Les médias ont adoré que le jeune prodige Allan Carter quitte son équipe après avoir trouvé la femme de sa vie. Emily et moi avons continué à nous voir quelques mois pour crédibiliser notre histoire et aussi se satisfaire mutuellement sur un plan physique. Maintenant elle est à fond sur Kevin Richards le capitaine de l'équipe et il a l'air de la trouver à son goût. Je ne peux pas dire ça à mon frère lui qui a une vision encore idéalisée de moi.

- C'est pas dans mes projets immédiats, à vingt-quatre ans j'ai encore le temps de profiter non ?

- J'imagine que tout le monde ne trouve pas l'amour de sa vie aussi jeune.

Lorsque ces mots passent les lèvres d'Anthony se yeux brillent et il sourit à sa nouvelle femme. J'ai toujours du mal à croire qu'il soit marié. Je plaisante sur sa mièvrerie avant de me lever et de m'éloigner vers le bar. Il y a un monde de dingue et j'ai du mal à me faire remarquer par la barmaid malgré ma carrure imposante. Quand je pense qu'elle m'ignore elle lève les yeux sur moi au moment où je cherche son collègue. Je dégaine mon plus beau sourire auquel elle me répond par un haussement de sourcil.

- Je peux vous servir quelque chose ?

Sa voix est rauque mais enroulée d'une fragilité féminine. Je la détaille entièrement avant de répondre. J'ai l'impression de la connaître mais je ne resitue pas notre rencontre. Sa silhouette fine et gracieuse est envoûtante, serait-ce une de mes conquêtes d'un soir ? Je ne suis pas un connard au point de ne plus me souvenir d'elles ou alors il faut vraiment que je me sois retourné la tête avec un bon whisky.

- Une bière s'il vous plaît.

Il lui faut à peine quelques secondes pour déposer une bouteille fraîche et décapsulée devant moi. Je règle ma consommation mais reste là à l'observer. Cette familiarité me trouble au point de m'empêcher de détourner le regard. Je cherche son nom au plus profond de mon esprit et des souvenirs de cette femme magnifique.

Hate To Love You [Elixyria]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant