Léopard

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Après avoir quitté sa tribu, Hilin'A ressentit un vide nouveau en elle. Elle avait beau avoir vécu trois ans seule dans une petite pièce, elle savait que des gens vivaient autour d'elle, qu'elle n'était pas vraiment abandonnée. 

En ce moment elle sentait une grande solitude mêlée d'une certaine nostalgie peser sur sa poitrine. Ce sentiment la poussait à se retourner et partir en courant vers les membres de sa tribu, ceux qui n'en avaient eu cure de sa captivité parce que c'était la tradition.

Hilin'A secoua la tête comme pour effacer toutes ces idées farfelues de l'esprit et continua à marcher sur le sentier de montagne, determinée à ne pas faiblir. Sa grand-mère comptait sur elle. Elle devait trouver La Masteria. 

Elle avançait chaque jours de plusieurs kilomètres, marchant d'un pas soutenu de l'aube au coucher du soleil. Néanmoins, sa captivité et le manque d'activité qu'elle avait engendré ne lui permettait pas de marcher toute la journée. Elle faisait une pause à l'ombre d'un arbre lorsque le soleil brillait trop fort, vers midi, partait à la recherche d'eau, pas très rare dans la région puis mangeait un peu avant de faire une sieste pour repartir quelques heures plus tard.

Une semaine passa de cette façon.

Elle avait ainsi traversé une vallée très verte, remplie d'animaux divers qu'elle n'avait jamais vu de sa vie, avant d'arriver vers un col. Elle avait difficilement escaladé le chemin pour y accèder, suivant les zigzags tortueux qui semblaient avoir été emprunté pour la dernière fois il y aau moins une décennie. Arrivé en haut, elle observa le paysage qui s'étendait à ses pieds. 

Sur une distance qui lui semblait infinie serpentait une rivière qui détonnait sur le brun jaunâtre du désert qui l'entourait. Des petites touches vaguement vertes parsemaient la platitude de la plaine. 

Hilin'A était arrivée dans ce que ces ancêtres avaient quitté des générations auparavant, cette grande plaine qui avait été dévastée par les guerres des hommes avant que la Cérémonie ne soit mise en place et que les traités ne soient signés. On racontait dans son village que cette étendue désertique était, avant les Hommes, Le Jardin d'Eden promis par Dieu aux Hommes bons.

Hilin'A n'y croyait pas. Selon elle, Dieu n'aurait jamais laissé les Hommes destructeurs se balader librement dans ce qu'Il avait fait de plus beau. Cependant,toujours selon elle, Dieu n'aurait jamais accepté que les Hommes soient dirigés par une entité qui ne soit pas lui, et pourtant, La Masteria existait.

De toute façon, quel que soit son avis sur Dieu et le Jardin d'Eden, même si ce dernier avait un jour existé, il n'en restait plus rien aujourd'hui.

Au moment où Hilin'A allait commencer à descendre vers le désert, elle entendit une plainte qui lui déchira le coeur, comme un animal blessé voire agonisant.

S'aidant de son ouïe fine, elle s'avança discrètement vers la source du bruit, un petit buisson qu'elle n'avait pas remarqué. Elle s'arrêta devant, tendit l'oreille et entendit à nouveau la plainte, plus doucement qu'avant. Elle écarta les branches du buisson et regarda à l'intérieur. Elle entrevit vaguement une forme grisâtre.

La jeune fille s'accroupit et plia les branches fines de l'arbuste sur le côté pour en dégager l'animal -car c'en était un- et en souleva délicatement le petit corps. L'animal émit une légère plainte et tenta de relever sa tête en vain. Hilin'A sortit un foulard de son sac, le mit à terre et déposa l'animal blessé dessus.

Elle put alors l'observer à son aise et devina que c'était un léopard des neiges à ses taches et sa couleur. C'était de surcoît un bébé, au vu de sa taille plutôt minuscule, et il était plutôt mal en point. Hilin'A réfléchit un instant avant de se rendre compte que ce léopard des neiges n'avait aucune raison de se trouver dans un environnement aussi sec que ce col menant au désert. Comment avait-il pu finir dans ce buisson, blessé et presque mort?

Le Vrai NomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant