Pouvoir

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Elle entra en trombe dans la petite pièce, faisant se tourner tous les visages dans sa direction. Tous étaient passablement âgés et fumaient quelque chose qui dégageait une odeur nauséabonde dans la salle de restauration de l'auberge. 

Une fois entrée, Hilin'A toussa, peu habituée à la fumée puis s'avança d'un pas décidé vers le comptoir. Son coeur battait au rythme de son pas et son idée motivée par la rage ne lui semblait plus aussi intelligente et pleine de sens que quand elle avait décidé de rentrer dans ce repaire à fumeurs qui l'angoissaient.

Du haut de son mètre soixante-cinq, elle tenta de toiser l'hôtesse de lieu, une vieille dame qui ruminait plus qu'elle ne mâchait son bout de basilic pour l'haleine tout en nettoyant des verres qui ne semblaient pas plus propres que ceux qui étaient utilisés.

La vieille dame releva le regard face à cette jeune fille toute blanche qui essayait de l'intimider. Cette jeune ne savait apparemment pas qu'elle était la Mater du village et donc la forme d'autorité la plus haute dans tout Zapopan.

La jeune fille commença alors à parler d'un air énervé mais si doucement que la vieille Mater ne pouvait que regarder ses sourcils se froncer en espérant comprendre pourquoi elle se plaignait.

Tandis que la jeune fille continuait à froncer les sourcils en remuant les bras, la vieille aubergiste remarqua le regard lubrique des vieux veufs -qu'on soupçonnait d'avoir tué leurs femmes pour marier des plus jeunes et jolies- sur la blonde. Tous l'observaient comme si elle allait être leur prochain repas tandis que les vieilles radoteuses tout au fond se faisaient des confidences en riant d'un air méprisant.

La Mater connaissait les villageois et leur réputation et elle pouvait déterminer aux sourires sadiques des vielles aigries qu'elles avaient joué un mauvais tour à cette étrangère.

Elle chercha dans sa mémoire où elle avait bien pu avoir vu l'étrangère en question avant de se rappeler l'incident de la Fiesta del arco iris, dont les gens en avaient parlé pendant quelques jours. En tant que Mater mais aussi aubergiste du village, elle était toujours au courant de tout ce qui se passait. 

Ce jour-là elle n'était pas sur la grande place mais chez des amis pour fêter en petit comité le seul moment de l'année où l'on n'avait pas besoin de ses services de cheffe de village, les villageois se débrouillant assez bien tous seuls.

C'était dès le lendemain, quand elle avait réouvert l'auberge que des bruits avaient commencé à courir sur la destruction intentionnelle ou non de l'étal du sculpteur de bois. Personne n'aimait vraiment ce marchand, trop odieux pour la populace, mais ce que les gens de Zapopan craignaient par-dessus tout, c'étaient les étrangers.

Depuis des générations on apprenait à tout Zapopano qui se respecte que les étrangers sont tous des voleurs ou des envahisseurs qui tentent de leur soutirer leur Nombre Real à force de ruses sournoises, et ainsi dominer leur petit village.

La Mater ne croyait pas à ces fables mais elle se devait de réfléchir en tant que membre du village et pas critique d'éducation Zapopana.

La jeune fille finit par se rendre compte que son interlocutrice ne l'écoutait plus vraiment et s'arrêta de parler en soupirant. De toute façon, à quoi bon se plaindre, personne ne la comprenait vraiment.

Une immense clameur parvint alors de la salle. Hilin'A se retourna et vit Luminosa à côté de la porte d'entrée, un grand sourire aux lèvres. Les villageois l'acclamaient comme si elle était la reine de ce pays et les vieux auparavant si indifférents souriaient de toutes leurs pauvres dents tandis que les vielles auparavant médisante lui faisaient des signes de la main pour qu'elle vienne leur faire un câlin, un sourire presque sincère aux lèvres.

Le Vrai NomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant