Mon regard vagabonde sur le paysage qui défile, changeant doucement au gré des kilomètres. Les champs dorés s'étendent à perte de vue, ondulant sous la brise estivale. Pourtant, cette beauté tranquille ne m'apaise pas. Je suis trop absorbé par mes pensées, mon attention oscillant entre le paysage et la musique qui résonne dans mes écouteurs. Chaque morceau s'enchaîne comme si une playlist invisible voulait accompagner mon humeur : mélancolique, un peu rebelle, et franchement blasée.
Je laisse ma tête reposer contre la vitre de la voiture. Le froid du verre est une bouffée de fraîcheur bien trop rare dans cet habitacle étouffant. Il fait vingt-sept degrés, et même avec la climatisation, l'air reste chaud et lourd, presque poisseux. Typique de ce mois de juillet.
Mes pensées s'embrouillent, mon esprit tournant en rond comme un disque rayé. Tout ce que je veux, là, maintenant, c'est oublier. Oublier cette voiture. Oublier mes parents qui me trimballent comme un colis. Oublier ce foutu camp de vacances. Mais mon estomac, lui, a d'autres priorités. La faim me frappe comme une alarme impossible à ignorer. Je n'ai rien mangé depuis des heures, et chaque kilomètre semble étirer ma patience un peu plus.
Quatre heures. Quatre heures que nous roulons vers Busan. Le trajet aurait pu être agréable, si seulement j'étais dans un train, seule avec mes pensées et ma musique. Mais non, mes parents ont décidé de m'emmener eux-mêmes, insistant comme si leur présence allait rendre ce voyage plus supportable. Spoiler alert : ce n'est pas le cas.
Ce camp de vacances, c'est leur idée. Leur solution parfaite pour m'éloigner pendant l'été, sous prétexte qu'ils seront en voyage d'affaires. Mais je sais bien que ce n'est qu'un prétexte. Ils ont peur que je fête mes dix-huit ans dans notre maison de luxe. Comme si j'avais l'intention d'organiser une rave ou je ne sais quoi.
Mon plan d'anniversaire était simple. Une soirée tranquille avec mes trois meilleurs amis. Commander des pizzas, faire des blind tests de séries, et regarder Le Roi Lion en pyjama. Rien de grandiose, rien de scandaleux. Mais visiblement, même ça, c'était trop demander. Alors me voilà, en route pour un camp paumé, à des kilomètres de chez moi, pour un été qui s'annonce comme le plus pourri de ma vie. Joyeux anniversaire, Jihyuk.
Je soupire profondément, cherchant à étouffer la frustration qui bouillonne en moi. Mes doigts tapotent machinalement ma cuisse au rythme de la musique. Je chantonne un peu, espérant que les paroles familières de My First Story m'apporteront un semblant de réconfort.
Puis, sans prévenir, une main arrache l'un de mes écouteurs. Je sursaute légèrement, tiré brusquement de ma bulle. Je tourne la tête pour voir ma mère, penchée vers moi avec un sourire doux mais légèrement fatigué.
« — Jihyuk, on s'arrête à une station-service. Tu veux un sandwich ? »
Je cligne des yeux, réalisant à peine ses paroles. Mon regard glisse vers l'extérieur. La station est sombre, presque lugubre, mais il y a une certaine esthétique dans ses néons clignotants et son architecture vieillotte. L'endroit pourrait presque être la scène d'un thriller, mais au moins, il promet de la nourriture.
« — Ouais, au poulet, s'il te plaît. Et des chips barbecue aussi ! »
Elle acquiesce avec un sourire, relayant ma commande à mon père, qui attend déjà dehors. Je remets mon écouteur en place, augmentant légèrement le volume. La voix de Hiro, le chanteur de My First Story, emplit mes oreilles, et je me mets à fredonner. La musique a toujours été mon refuge. Elle parle pour moi quand je ne trouve pas les mots, quand je me sens incompris ou en colère.
Les minutes passent, et enfin, mon père revient avec un petit sac plastique qu'il me tend à travers la fenêtre.
« — Tiens, et je t'ai pris du Fanta aussi. »
Je prends le sac avec un sourire, murmurant un « merci » sincère. Mon humeur s'améliore légèrement à l'idée de manger. J'ouvre le sac avec impatience, extirpant le sandwich encore tiède. Je prends une bouchée et soupire de soulagement. Enfin, quelque chose de positif dans cette journée.
Le paysage continue de changer. Les champs disparaissent peu à peu, remplacés par une forêt dense. Les grands arbres se dressent comme des géants silencieux, leurs ombres s'étirant à mesure que le soleil décline. Une légère appréhension s'insinue en moi. Je n'ai jamais aimé les forêts. Trop sombres, trop imprévisibles. On ne sait jamais ce qui pourrait s'y cacher.
Un rire nerveux m'échappe. Ils veulent m'abandonner comme le Petit Poucet ? Très drôle. Je fais mine d'être courageux, mais une petite voix dans ma tête murmure des avertissements. Peut-être que j'aurais dû éviter tous ces films d'horreur que j'ai regardés au lieu de réviser mes maths. Mais bon, qui a besoin de maths quand on a des scénarios d'apocalypse en tête ?
Une main passe soudain devant mes yeux, me tirant brutalement de mes pensées. Je sursaute, mon cœur battant la chamade. Pendant un instant, je pense avoir vu une hallucination, mais ce n'est que ma mère, encore elle, essayant d'attirer mon attention.
« — Plus. Jamais. Ça, » je murmure en plaquant une main sur ma poitrine pour calmer mon cœur affolé.
Elle lève un sourcil, amusée. « — Quoi ? »
« — On arrive dans dix minutes. Finis vite ton repas, » dit-elle en ignorant ma remarque.
Dix minutes ? Je jette un coup d'œil à l'extérieur. La forêt semble s'étendre à l'infini, les troncs massifs se succédant comme les barreaux d'une cage. Une boule d'appréhension se forme dans mon estomac, mais je l'ignore.
Je prends une dernière bouchée de mon sandwich, décidant que je vais affronter cet endroit comme tout le reste. À contrecœur, peut-être, mais avec un minimum de dignité.
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Shadow ᵇᵗˢˑʲʲᵏ
Mystère / Thriller[EN REECRITURE] Son ombre me poursuit, je vois et entends des choses irréelles, comment c'est possible ? • ⚠️ Les personnages, leur personnalité et leur comportement est totalement fictif ⚠️
