9.

3K 214 117
                                        

Le peu de nuages qui traînent dans le ciel bouge lentement, aussi lentement que le temps passe. Chaque seconde semble durer une éternité alors que je suis là, plantée dans cette foutue forêt, les jambes enroulées autour de mon corps, comme si le sol était mon seul refuge. Rien à faire. Rien à voir.

Je m'ennuie autant que lorsque j'étais avec les deux idiots. Je me demande ce qu'ils foutent, à courir comme des gamins sans se soucier de moi. En attendant, je suis ici, seule avec mes pensées. Ça fait précisément une heure et trois minutes que je suis assise par terre dans cette foutue forêt, et je vous rassure, je n'ai vu aucun wendigo.

Un écureuil attire soudainement mon attention. Il se faufile entre les buissons, ses petites pattes effleurant le sol avec précaution. Il regarde autour de lui, sûrement à la recherche de son déjeuner, un gland ou une noisette, peu importe. Soudain, une pensée complètement déplacée traverse mon esprit. « Là, il va me regarder avec des yeux de chien affamé et m'attaquer. » Je me fais violence pour repousser cette idée qui ne fait que gâcher mon calme.

Je regarde autour de moi, le sol est jonché de feuilles mortes. Au loin, je repère un petit gland, bien plus gros que ceux que j'ai vus ces dernières minutes. Je le saisis et, avec douceur, je le pose près de l'écureuil, m'efforçant de ne pas bouger brusquement.

L'écureuil m'a repérée dès que je me suis penchée. Ses petits yeux se fixent sur moi, et une lueur de curiosité les traverse. Il s'avance précautionneusement, s'arrête, me regarde une dernière fois comme pour s'assurer que je ne suis pas un piège, puis se rue sur le gland. En un clin d'œil, il a disparu, se faufilant dans l'arbre d'où il était venu. Je souris. J'ai l'impression d'avoir fait un bon geste, même si c'était trivial.

Je jette un œil à mon bracelet, l'ennui me ronge. « J'espère qu'un jour, quelqu'un viendra me chercher pour m'emmener au camp », je pense. Je vais sûrement me faire engueuler pour être restée là, à m'éterniser. Mais les garçons sont pires, ils sont partis sans même me regarder, sans même se soucier de savoir où j'étais.

« Bah allez vous faire foutre », je marmonne tout haut. « Je partagerai plus mes clopes avec le castor, mais je lui piquerai toujours les siennes. » J'espère qu'ils m'entendront, même si je suis seule ici.

Je jette un œil à mon téléphone. L'écran affiche presque plus de batterie. « Super. » Et bien sûr, il est 15h33. On doit être de retour au camp à 16h00 pour aller à la plage. La plage... Je fronce les sourcils. D'ailleurs, y a-t-il une plage ici ? Je n'y avais même pas pensé. C'est drôle, j'ai l'impression que mes vacances commenceront seulement quand quelqu'un viendra me chercher.

Un bruit de brindille qui se brise me tire de mes pensées. Je tourne immédiatement le regard vers la droite, du côté où les garçons sont partis. Aucun bruit supplémentaire, personne en vue. C'est sûrement un animal. Ou un wendigo. « Non, si c'était un wendigo, je serais déjà morte, et ça, depuis bien deux minutes. J'aurais même pas eu le temps de regarder d'où venait le bruit. » Je secoue la tête pour chasser cette idée absurde.

Je reporte mes yeux sur le ciel. De moins en moins de nuages. Le temps est agréable, ni trop chaud, ni trop froid. Une brise légère balaie l'air. C'est supportable, mais ça ne fait pas oublier que je suis seule.

Soudain, un bruit sourd derrière moi me fait sursauter, puis je sens une prise ferme me soulever par le ventre. « Yah ! » Je me redresse, complètement déstabilisée. Je me retrouve sur une épaule, les jambes pendantes.

« Ferme-la », une voix grave et familière me fait frissonner. Je fronce les sourcils, le corps tendu, prête à me battre. Mais, à l'instant même où je reconnais la voix de Jungkook, un soulagement me traverse. Bon, d'accord, ça va.

« Repose-moi ! » je grogne, essayant de me débattre.

« Non », me répond-il, indifférent.

Je fronce les sourcils, sentant déjà la colère monter. « Dépêche-toi », je râle, une moue de mécontentement sur le visage.

Et là, sans crier gare, il me colle une claque sur les fesses. J'arrête de bouger, choquée par son geste.

« Mais... tu t'es cru chez mémé ou quoi ? » Je serre les poings. « D'où tu te permets de me toucher les fesses ?! »

Bien décidée à ne pas me laisser faire, je commence à me débattre dans tous les sens. Ça semble l'agacer, il soupire.

Il me lâche soudainement, et je tombe. Un cri de surprise m'échappe alors que je m'écrase au sol, me rattrapant maladroitement avec mes jambes. Je sens une douleur fulgurante dans ma cheville. Je grogne, soufflant de frustration.

« Putain, tu fais chier, Jungkook ! » je crie, massant ma cheville qui commence déjà à enfler.

Il ne semble même pas désolé. « Maintenant, j'ai une raison de te porter », il dit, et me montre son dos. « Monte. »

Je le fixe, totalement déstabilisée par son attitude. « C'est quoi ton problème ? » je lâche enfin.

« Ça ira plus vite. Donc monte ou je te laisse là et je dirai que je t'ai pas trouvée. » Il me fixe, les bras croisés, l'air déterminé.

« J'ai mon brace- »

Il m'arrache le bracelet de ma cheville, et je le vois le jeter quelque part, à l'aveugle.

« Mais putain, il est vraiment insupportable, ce gamin », je grogne. Pourtant, je soupire, m'agace un peu plus, mais je monte finalement sur son dos, enroulant mes jambes autour de sa taille et mes bras autour de son cou.

« Content ? » je lui lance, une note d'irritation dans la voix.

Il ne répond toujours rien et commence à marcher, ses pas lourds résonnant sous nos pieds. Un silence pesant s'installe entre nous. Je suis énervée, je me sens coincée, mais je ne peux rien faire. Je suis là, suspendue à son dos, m'ennuyant ferme.

Franchement, faut lui dire que la drogue c'est mal. Non, parce que là, j'ai jamais vu un cas aussi chiant que lui.

Je scrute son visage avec plus d'attention cette fois. Un regard vide, comme si rien n'avait de sens. Il ne montre aucune émotion, juste une expression de déconnexion totale. Ses yeux sont fixes, comme s'il n'avait rien à foutre de ce qui se passait autour de lui.

Je remarque une cicatrice sur sa joue. Je n'avais pas vu ça ce matin. Il s'est battu ? Peut-être... vu son caractère de cochon. Je souris un peu, plus pour moi-même. Un castor avec un caractère de cochon... Je me demande combien de temps ça peut durer.

Ses yeux se tournent furtivement vers moi, et dans cet instant, je crois que je vais mourir. Il me fixe d'un regard glacial, dénué de toute chaleur. Je détourne immédiatement les yeux. « Putain, tu peux pas mettre un peu de chaleur dans tes yeux, non ? Juste histoire de ne pas flipper quand on te regarde ? Parce que bordel, ce que tu fais peur, p'tit con. »

Je pose ma tête sur mon bras, fermant les yeux un instant. Puis, je réfléchis à tout ça. J'espère juste que je ne vais pas me faire engueuler pour mon comportement de gamine.

Mais bon... c'est pas ma faute si je me fais chier ici.

Shadow ᵇᵗˢˑʲʲᵏOù les histoires vivent. Découvrez maintenant