Chapitre 3 - 03

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Les rayons du soleil essaient de se frayer un chemin pour atteindre l'intérieur de la pièce. La lumière se hissait sur la pointe des pieds pour déverser sa chaleur. Un couloir de clarté réussit à se poser sur le coussin de la jeune femme. Cette dernière lâche une plainte alors que le sommeil la quitte peu à peu. Elle se tourne doucement, le drap glisse entre ses courbes. Ses paupières se détachent. Elle aperçoit la blancheur de la surface de son lit. Des tâches de couleur se présentent à ses yeux encore enflés. Elle passe une main sous la couverture et rencontre la fraîcheur du tissu.

Les draps sont froids. Elle sursaute.

Quelle heure est-il ? La matinée est déjà bien avancée.

Où est-elle ? Aucune réponse.

Jennie saute du lit. Elle pénètre chaque pièce de l'appartement, mais personne pour l'accueillir. Vaincue, elle se laisse tomber, assise, sur son lit. Le vide la reçoit. Elle lâche un râle. Que s'est-il passé la nuit dernière ? Elle se revoit sur le pas de la porte appartenant à son immeuble. Elle se revoit noyée dans les iris sombres de Jisoo.

Kim Jisoo. Où es-tu ?

« Merci. »

Oui, Kim Jisoo l'a remerciée. Lorsqu'elle se remémore ce moment de la soirée, la jeune femme se laisse tomber dans la volupté de ses draps. Toujours froids.

Et ensuite ? Ensuite, il ne lui reste plus que le néant. Les souvenirs de cette nuit lui échappent. Avait-elle bu assez pour perdre la mémoire ? Une image traverse son esprit. Dans son salon, elles avaient bu un verre de vin. Un bordeaux, de France. Un cadeau du patron de sa mère. Jisoo méritait amplement ce présent. Un hymne à sa beauté. Elle pouvait bien lui offrir tous les joyaux de la Terre. Rien n'était trop beau pour la créature divine qu'elle était. Quitte à lui donner sa vie, si elle le désirait bien.

Jennie se redresse. Depuis quand est-elle si importante à ses yeux ? Depuis quand quelqu'un a-t-il tant de valeur ? Elle n'a jamais idéalisé qui que ce soit. Le mannequin n'est pourtant rentré dans sa vie que depuis peu. Et quand bien même. Elle n'a rien de particulier pour mériter tant d'estime. Jennie secoue sa tête de gauche à droite. Cela n'a aucun sens. Elle se réprimande. Elle se résonne. Ce n'est qu'une femme parmi tant d'autres. Une beauté parmi tant d'autres. Une beauté comme elle n'en a jamais vu ... Non, ça suffit ! Elle s'égare.

Fatiguée de ces contradictions, elle se lève pour déjeuner. Elle se demande si elle doit raconter ce qu'il s'est passé à ses deux amies. Finalement, elle se retient. Jennie décide de garder ce souvenir comme un secret, ce sera son petit trésor à elle, elle le cachera dans une boîte fermée à double tour.

La journée se poursuit. La jeune femme révise ses cours. Demain, elle reprend la fac. Elle travaille assidument. Elle s'occupe l'esprit.

Etait-ce un rêve ? Peut-être l'œuvre de son imagination. Mais, après tout, peu importe. Si c'est un rêve alors elle le savoure avec plaisir. Jennie n'est pas du genre à se tourmenter pour si peu, ce n'est rien. Rien qui mérite qu'elle se torde l'esprit. Son cerveau est déjà bien occupé par les études.

La soirée se passe tranquillement. Elle dine avec ses parents. Ils racontent leur week-end à Busan. Inévitablement, elle pense au séjour de Jisoo dans la ville portuaire. Les rumeurs qui courent à son sujet. Le visage de l'artiste indépendant, Mino, lui effleure l'esprit. Elle aime son travail. Parfois, elle se laisse avec plaisir envouter par la singularité de ses traits. Le charisme qu'il dégage lui provoque des battements cardiaques plutôt irréguliers. Alors, elle sourit. Ses deux fantasmes sont donc ensemble ? Que la vie est drôle ! pense-t-elle.

Et puis, elle replonge ses baguettes dans les plats savoureux. La cuisine coréenne lui plaît. Toutefois, elle remercie ses parents de lui faire de temps en temps des plats occidentaux puisqu'elle y a été habituée pendant toute son enfance. Et une partie de son adolescence. La Nouvelle-Zélande lui manque déjà.

Ce n'est pas par hasard qu'elle s'est inscrite dans cette faculté. Sa mère devait revenir en Corée du Sud pour le travail. Son père étant professeur, on lui a dit qu'il serait facile pour lui de trouver un emploi ici. Mais la question était de savoir ce qu'allait faire leur fille. Naturellement, elle avait pensé à étudier la langue coréenne. En attendant de savoir ce qu'elle allait bien pouvoir faire de sa vie. Les études lui plaisaient, alors elle continuait sur cette lancée. Elle ne savait pas où elle allait mais elle savait que ce qu'elle faisait, elle l'aimait. La jeune femme passait du bon temps. Les soirées étudiantes, la science qui s'offrait à elle, les échanges que ses cours lui amenaient. C'était enrichissant, et pour l'instant elle n'en demande pas davantage.

« Et toi, alors ? Qu'as-tu fait de ton week-end ?

- Je suis sortie hier soir ... »

Un sourire se dessine sur ses lèvres.

Ses parents continuent à lui faire la conversation mais elle n'écoute que d'une oreille. Les images défilent dans sa tête. Les prunelles noires de Jisoo, ses lèvres douces ...

Elle s'interrompt un instant. Lèvres douces –comment ? A-t-elle par hasard ... ? Elle ne sait plus. Peut-être les imaginent-t-elles douces. Oui, sûrement. Il est impossible qu'elles se soient ... Non !

Les parents de Jennie aperçoivent son trouble. Ils l'interrogent. Elle répond à la négative. Ce n'est rien, une étourderie. Elle continue de manger et de participer à la discussion qui se poursuit naturellement. Ils parlent de choses et d'autres, sans grands intérêts. La jeune femme se surprend à s'ennuyer. Elle trouve les sujets inintéressants, sans importance aucune. Les baguettes tournent dans les plats, elles tourbillonnent enrôlées dans une tornade, elles se perdent à contre-courant. Les aliments ont un goût amer. Ses forces l'abandonnent. Elle a besoin de prendre l'air.

Finalement, le repas se termine. Elle enfile ses chaussures de ville, les écouteurs enfoncés dans les oreilles. Elle referme la porte sans avertir ses parents. Ils ne protestent pas. Elle appuie sur le bouton de l'ascenseur nerveusement.

Dans le parc à côté de son immeuble, elle cherche un endroit où il n'y a personne. Elle s'étale de tout son long sur l'herbe fraîche. Les souvenirs s'entrechoquent dans son esprit. Elle tombe dans une valse infernale. Elle se heurte aux images qui lui passent par la tête. Ce n'est que désordre et trouble. La douceur de son corps. Elle caresse, elle soupire, elle danse. Ses doigts se glissent dans les courbes de sa silhouette. Elle embrasse à pleine bouche l'intimité de la délicieuse créature. Des pétales de cerisiers choient pour ensevelir leurs formes en mouvement. Les draps d'un blanc immaculé se colorent de tendresse. L'onctuosité se mêle à la tiédeur. Les soupirs se métamorphosent en chant. 

𝗪𝗛𝗜𝗦𝗣𝗘𝗥, jeƞsσσOù les histoires vivent. Découvrez maintenant