Récit d'une apprentie aventurière au pays d'Oz

QUI DIT PREMIÈRE GUEULE DE BOIS, DIT PREMIÈRE CONDUITE A GAUCHE

Aie ! Le réveil est coriace ! Dur d'ouvrir les yeux et mal de tète en perspective. Première gueule de bois sur le sol australien.

Qui dit première gueule de bois, dit première conduite à gauche.

Pendant le petit déjeuner, Jeff m'annonce que je vais prendre ma première leçon de conduite dans le bush australien.

Pourquoi faut il toujours qu'on attende les lendemains de soirée pour demander aux gens de faire des choses compliqués. Non pas que je ne sache pas conduire, loin de là. Mais, conduire avec une gueule de bois, à gauche, et qui plus est une espèce de mini van avec une boîte de vitesse manuelle ... Cela va me demander un effort surhumain pour réussir à y parvenir sans tuer personne.

Je n'ai pas réellement le choix. Je vais devoir conduire les enfants tous les jours à l'école et aller les chercher. Même si pour l'instant j'y suis allée à pattes, la voiture aura au moins le mérite de trois choses : premièrement cela sera bien plus rapide, deuxièmement ça m'évitera de marcher sous une chaleur assommante, et troisièmement ça m'évitera également d'avoir à courir après tout le monde en leur criant de m'attendre avant de traverser au passage piéton.

Je débute donc le domptage du mini van, ce qui s'avère encore plus coriace à manier que ce que je me l'étais imaginé. Le boîte de vitesse est manuelle et se trouve sur la gauche. Je m'y fais assez vite. En revanche la taille imposante du véhicule me pose plus de problème. Difficile d'évaluer la place que cet engin prend sur la route.

Mais le plus dur, vous l'aurez compris, ce n'est pas la taille de la voiture. Devoir rester sur la gauche, changer les vitesses avec la main gauche, les clignotants du coté droit ... De petites choses, qui au final demande de l'attention. Une chance pour moi que les pédales, allez savoir pourquoi ne changent pas de sens.

Le point positif : les routes sont toujours droites, donc pas besoin de faire trop d'effort pour tourner le volant.

Point négatif : les ronds point eux aussi changent de sens. Tu fais le tour par la gauche et la priorité est à droite.

Je finis par m'y habituer et arrive même à profiter du paysage. C'est juste waouh ! Désertique, la terre est de couleur rouge. Ça vaut le coup d'œil, même si pour cela, je dois conduire sur des routes étroites, pleines de trous, qui montent et descendent.

Jeff me donne quelques règles de sécurité :

– Si jamais en conduisant tu croises un kangourou sur la route, n'essaie pas de l'éviter. C'est trop dangereux. C'est plus dangereux d'essayer de l'éviter que de lui rentrer dedans.

– Ah, OK ! Et pourquoi ? (Je me vois déjà obligé d'ôter la vie à un gentil petit kangourou, sniff).

– Parce que si tu essaies de l'éviter, tu risques d'avoir un accident et ça peut être grave. Tu peux te tuer en tournant violemment le volant et tomber sur le bas coté de la chaussée. Donc, il vaut mieux que tu tues un kangourou plutôt que tu aies un accident.

Hum génialissime. C'est rassurant tout ça dit donc. Je n'aime déjà pas conduire de façon général, mais la c'est sûr, il vient de me vacciner et je n'ai même pas encore eu d'accident à cause d'un pauvre et malheureux kangourou.

Durant le trajet je croise le cadavre d'un kangourou et d'une hyène. Ça me donne envie de pleurer. Il m'a démoralisé avec son histoire d'accident et de kangourou mort. On s'arrête sur le bas coté pour que je puisse prendre des photos du paysage. En regardant au sol je trouve des ossements d'animaux. De plus en plus rassurant et joyeux tout ça. Je ne sais pas pourquoi, je suis fascinée par ces ossements, j'ai l'impression de faire une fouille archéologique. Je trouve une partie d'une mâchoire, qui selon Jeff appartiendrait à un kangourou. Moi, tout ce que je demande, c'est de ne pas tomber sur des restes humains. D'ici à ce qu'un psychopathe sévisse dans la région. Oui bon d'accord, j'ai trop d'imagination. Vous comprenez pourquoi je n'aime pas regarder de films d'horreur, après je suis capable de psychoter pendant plusieurs semaines.

C'est bien joli mais nous finissons par faire demi-tour pour rentrer à la maison.

Sur le chemin du retour, je roule sur un énorme truc qui se trouve au milieu de la voie. Jeff me fait signe de m'arrêter pour vérifier ce que c'était. Il est fort probable que ce soit un serpent. Un serpent ? Sérieux ? Mais le truc il faisait au moins toute la largeur de la route !

Pff !! J'en ai marre. Ça ne fait pas un quart d'heure que j'ai commencé mon apprentissage de la conduite à gauche et je tue déjà un animal. Même si il s'agit d'un serpent, ça me fait de la peine.

C'est bon ! Je veux plus jamais conduire dans le bush australien, c'est trop dangereux et trop triste surtout. J'espère juste que ça ne sera pas comme ça à chaque fois que je prendrais le volant.

En rentrant à la maison, Jeff s'empresse de se venter de mon « exploit », ils sont tous halluciné. Jeff et Kelly vont vérifier que le cadavre du serpent ne se soit pas resté coincé sous la voiture.

Tout ça pour dire : cette première conduite fut mouvementée et je vais mettre un petit moment à m'adapter à la conduite à gauche et aux priorités. Mais pour aujourd'hui, la conduite c'est fini. Et si on passait à table ?

Le week-end c'est barbecue chez les L. Comme un petit air de vacances d'été qui s'annonce. Et dire que chez moi c'est bientôt l'hiver, qu'ils ont froid et moi je suis ici, tranquille, en train de siroter une Smirnoff, « Ice Double Black », mélange subtile de vodka et de red bull accompagné d'un ... qui préserve les canettes de la chaleur et permet de protéger mes doigts du froid.

Jeff, roi du barbecue est fier de me montrer son agilité à cuire un énorme steak sur un grill, pendant qu'avec Kelly on rigole autour de notre breuvage de ma performance de non alcoolique de la veille.

Sur ces entrefaites, je m'en vais faire une petite sieste. Le week-end est fait pour ça non ? Et ce soir je vais justement en profiter pour finir de me détendre en faisant un Skype avec ma famille. J'ai tellement de choses à leur raconter sur tout ce qui m'est arrivée durant cette semaine de folie. Les revoir me fera le plus grand bien. Une semaine à peine, et ils me manquent déjà.