Durant mon enfance, on m'a toujours considérée comme une fille joyeuse, un peu trop envahissante, qui s'énerve vite et qui crie tout le temps.
Pourtant, à mon adolescence, j'ai arrêté de parler.
Pourquoi ?
Selon les gens, il s'agit tout simplement de ma crise d'adolescence.
Mais, pour moi, ce n'est pas aussi simple. Tout est passé si vite, je ne l'ai tout simplement pas vu venir.
Pour commencer, j'ai toujours adoré cinq choses : lire, écrire, dessiner, chanter et danser. Mais, pourquoi étais-je la seule? Toute ma famille, dans le grand complet, a toujours descendu de grands matheux. J'étais le contraste, la différence, l'anomalie, l'adoptée. Et ça, je ne le supportais pas. Je voyais mes parents me regarder avec crainte quand je leurs disais que je voulais devenir peintre, écrivaine, chanteuse. Mes rêves ne sont jamais partis, mais j'ai très rapidement compris que si je devenais artiste, mes parents ne me supporteraient jamais à cent pour cent. Que si je ne devenais pas ingénieur, mon père serait déçu. Peut-être avais-je tord, peut-être avais-je raison. Ce doute est toujours resté. Mais, très vite, j'ai eu un grand problème à exprimer ce que je voulais à mes parents, ayant peur de les décevoir avec mon âme d'artiste, leur contraire. Sans qu'ils ne s'en rendent compte, un grand ravin s'était formé entre ma famille et moi. Et, j'étais seule de l'autre côté.
J'avais, quand j'étais toute petite, une meilleure amie, B. Cheveux noirs, yeux noirs... Je me rappelle de notre rencontre comme si c'était hier. J'étais dans ma classe en train de faire je ne sais pas quoi, quand elle est entrée. On l'a présenté comme nouvelle, et on a annoncé qu'une aide lui serait désignée dans la classe pour la faire entrer dans le lot. Je me souviens très bien de mon envie vraiment forte d'être son aide, elle m'inspirait confiance. Et, quand j'y repense, mon mal de ventre de la déception de ne pas avoir été choisie revient. J'étais tellement jalouse de mon amie que je ne lui parlais même plus.
Mais après, j'ai été invitée chez des nouveaux amis de mes parents. Et à ma grande surprise, je l'ai rencontrée une deuxième fois, mais cette fois-ci plus en profondeur. Quand nous sommes arrivés, B. était en train de pleurer parce qu'elle s'était fait piquer par une guêpe –ou une abeille, cette différence est toujours restée confuse– sur la langue. Alors, après que ma mère, médecin, l'ait soignée, nous avons fait connaissance, avec un peu de mal de sa part. Nous sommes rapidement devenues très proches, s'alternant les lundis et mardis des jeudis et vendredis pour qui mangerait l'une chez l'autre, refusant à la sortie de l'école de se séparer, s'accrochant l'une à l'autre sous prétexte que nous étions des jumelles siamoises... Une grande et vraie amitié était née. Alors, quand j'ai déménagé très loin d'elle et qu'on s'est perdues de vue, je l'ai très mal pris et est tombée dans une petite dépression en arrêtant de manger. L'anorexie est vite arrivée, et pour me stopper dans mon élan, ma mère m'a rapidement accompagnée à l'hôpital, duquel je suis ressortie complètement bouleversée, si bien que je m'en souviens encore.Puis, j'ai rencontrée A, dont la seule entente de son nom m'horripile. Pour tout vous avouer, je restais sceptique au départ, de cette jeune fille. Mais, la voir seule m'a fait de la peine et je suis partie lui parler. Jusqu'à la fin du CM2, je ne le regrettais pas, je n'avais même pas peur d'entrer au collège puisque je savais qu'elle serait à mes côtés. Elle était ma nouvelle B –plus communément appelée par ma sœur : la B numéro deux–. Mais, en cette fin de CM2, une grande dispute a éclatée. Ce n'était pas la première, et on s'était toujours réconciliées. Mais, une amitié sans dispute est un monde sans planète. L'amitié n'est que superficielle si elle n'est pas mouvementée par des désaccords.
Pourtant à la rentrée, je me suis fait, comme on le dit si bien, royalement ignorée.
Je suis entrée, pour la première fois depuis mon arrivée, dans une classe différente d'A.
Alors, je voulais retomber. J'avais enfin retrouvé une personne en qui je pouvais tout donner, pourquoi m'abandonnait-on une seconde fois ?
Mais, je n'ai pas eu le temps de m'apitoyer sur mon sort car un autre problème est arrivé comme un coup de poignard dans le ventre, me coupant la respiration : la pression. Cette école, considérée comme l'élite de la région, enviée de toutes les autres qui faisaient tâche à côté, avait en réalité fondée sa réputation sur un mensonge. Cette promesse de nous tirer vers le haut était, en réalité, cette thématique : « Cette falaise, vous la voyez ? Bas maintenant montez, on vous attend en haut. Démerdez-vous. »Voilà la véritable thématique de cette école.