j'ai maudit l'inexorable néant

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je ne saurais te dire où on est. je sais seulement qu'on y est, qu'on est deux, que c'est désert, et que le temps nous frappe à poings fermés, fouette notre visage comme l'air glacial de ce soir d'hiver. j'aimerais combler ton vide émotionnel, quand je te vois, les yeux perdus au loin; ton dos brisé par le poids de mes sentiments et celui de la vie. tu n'as pas parlé, ce soir-là. j'ignore si nous étions loin de ta maison, proche de la mienne, ou sur un toit inconnu. mais on y était, et il y faisait gris, et il y faisait nuit. je ne sais pas où nous étions assis, je ne saurais te dire si c'était des tuiles, de l'herbe, du goudron ou du sable. je sais que c'était agréable, sûrement parce que t'y étais.
j'ai maudit l'inexorable néant; si puissant; celui qu'on ne pourra combattre, celui qui nous coince dans l'incohérence de cet interminable espace-temps. on se laisse assourdir par les minutes qui défilent, le vent, et le peu de vie à l'extérieur qui nous laissent penser que ce qui nous arrive est normal, qu'à aucun moment nous ne nous sommes détruits. tu ne m'as pas spécialement faite mal, je me suis simplement faite beaucoup d'idées, souvent, j'ai eu peur; peur de l'abandon, peur de l'injustice, de l'indifférence, de l'humiliation, j'ai eu peur que tu m'oublies, qu'un jour je n'existe plus à tes yeux, que tu voies quelqu'un d'autre, que je sois trop jalouse, que tu te sentes étouffée par mon amour, que je n'en donne pas assez, j'ai eu peur que tu ne saches pas vraiment qui je suis, j'ai eu peur de te décevoir, de te trahir, que tu te trompes à mon sujet, j'ai eu peur que tu révèles mes secrets, que tu ne sois pas vraiment toi, j'ai eu peur de te faire mal; et je t'ai fait du mal. je sais que dire pardon ne suffira pas.

ambre et crème brûléeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant