Vaine tentative d'approche

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Point de vue de Harry

C'est aujourd'hui.
J'ai un plan mûrement réfléchi, je l'ai minutieusement planifié, et je me prépare moi même psychologiquement depuis une semaine.
Allez Hary. C'est une occasion que tu ne peux pas rater ! De toute manière, tu les a ses colis, tu ne peux plus revenir en arrière maintenant. 
Ma conscience me glisse vicieusement que je pourrais tout simplement les lui déposer mardi prochain, comme d'habitude ; je préfère l'ignorer.

Un soupire m'échappe et je me redresse. En un geste de la main, je rassemble mes boucles brunes et les attache en un rapide chignon.
Un coup d'œil à ma montre me rappelle que le temps ne m'attend pas et qu'il file à une vitesse vertigineuse. Je devrais être sur le point de partir, toquer à sa porte au delà de 9h ne serait pas professionnel.

-Aaron, je vais y aller, criais-je à l'intention de l'énergumène qui déjeune dans ma cuisine.

-Tu comptes enfin lui rendre ses affaires ? plaisanta-t-il légèrement.

-J'aimerais bien t'y voir toi !

Il se moqua gentiment:
-Mais tu sais bien que moi ça ne m'arriverais jamais !

-Ah ça non, toi tu n'as pas de coeur, répliquais-je.

-Je suis libre comme l'air moi.

-Tes plans culs aussi.

Il se mit à pouffer devant sa tartine et me fit signe de m'en aller.

-Tu ne voudrais pas rater ton rendez-vous avec ton prince tout de même !

Je ne prends pas la peine de lui répondre, attrape ma veste et sors de chez moi.
Aaron est un de mes meilleurs amis, il habite chez moi depuis quelques semaines. Son dernier mec ne supportait plus ses libertinages et l'a viré de l'appartement. En fait, il n'a aucun domicile fixe, il bouge, il évolue en fonction de ses rencontres. Et avec sa gueule d'ange, rares sont les personnes à lui refuser quoi que ce soit !

Le coeur battant, j'enfile mes gants et grimpe sur ma moto. L'engin gronde quand je mets le contact et je m'élance sur la route en direction de l'appartement de Louis.
Celui-ci a une apparence aussi délicate que la sienne.
Comme d'habitude, je monte les marche deux par deux et arrive rapidement au 2ème étages.

Vas y Harry, c'est ton boulot c'est pas comme si c'était la première fois que tu toquais à sa porte...
C'est parti. Je souffle un bon coup et laisse mes doigts gratter contre la vieille porte en bois.
J'attends un peu.

-Monsieur Tomlinson ?

Aucun son. Personne ne semble daigner me répondre.
Il ne peut pas être en train de dormir ! Il est toujours debout, je me demande même s'il lui arrive de dormir...
Je connais ce petit bout d'homme depuis deux ans maintenant, je sais à quel point il peut être timide, surtout lorsque je débarque à l'improviste !

-Monsieur Tomlinson ?

Toujours rien.

-Excusez moi pour le dérangement, vous avez dû remarquer que vous n'aviez pas reçu la totalité de votre commande mardi. Pour tout vous dire c'est un peu de ma faute, j'avais égaré votre colis chez moi et je ne le retrouvais plus...

Durant un instant, je crue l'entendre prononcer un mot mais ce ne fut -à mon grand malheur- pas assez fort pour que je ne comprenne quoi que ce soit. Je renchérie :

-Donc...Je suis venue vous le rapporter. Vous m'ouvrez ?

Les mots eurent à peine le temps de franchir la barrière de mes lèvres que je m'administrais une claque mentale. Bien sûr ! Le mec que tu kiffe un peu parano du monde sur les bords que tu n'as jamais vu de toute ta vie va t'ouvrir tranquillement la porte de chez lui à toi, un inconnu qui lui apporte juste le courrier une fois par semaine ? Je me repris immédiatement :

-Ou je vous le laisse sur le pas de la porte ? Vous préférez surement.

Je me penche et dépose ce qui lui appartient sur le sol. Je peux presque le sentir soupirer de l'autre côté de la porte. Je me creuse les méninges pour tenter de trouver quelque chose d'autre à lui dire. J'ai du mal à me séparer de lui sur un tel échec. Soudain, une idée me vient à l'esprit.

-Vous savez, depuis 2 ans que je suis votre facteur, c'est la première fois que je n'ai pas droit à vos cookies. C'est dommage, vous êtes un très bon pâtissier !

J'attends quelques secondes et me dégonfle un peu. Ça valait le coup de lui piquer ses bouquins pour passer à l'improviste tiens ! Quelle grande idée ! J'esquisse un mouvement vers les escaliers en murmurant pour moi-même un : Tant pis pour moi...

Soudain, des bruits étouffés me parviennent de l'appartement. Un frisson d'espoir me parcoure l'échine. Et comme une récompense à cette attente et ce dévouement morbide que je voue à cet homme, je vois bientôt le coin d'une feuille de papier glisser maladroitement sous la porte. Je me baisse vers le sol et attrape délicatement le présent.

-Oh...c'est très beau Louis, m'exclamais-je, je ne savais pas que tu dessinais. Enfin si ! Je le savais, après tout c'est moi qui monte les deux étages les bras chargés de carnet à croquis et de palette de couleurs !

Un rire m'échappe et repart aussi vite qu'il est apparu, de peur de vexer mon interlocuteur.

-En tout cas, lorsque j'ai abordé le sujet des cookies ce n'était pas pour vous réclamer un cadeau, mais maintenant que j'ai un dessin de vous, je le garde !

Cela me paraît toujours étrange de le vouvoyer, après tout j'ai l'impression de le connaitre par coeur, je sais ce qu'il aime à travers les différents colis que je lui emmène, je connais les noms d'une partie de sa famille grâce aux différentes lettres qu'il reçoit parfois...mes rêves y sont sûrement pour quelque chose ! Plus de deux ans qu'il hante mes nuits, mon subconscient le met en scène à partir d'une seule photo que j'ai pu apercevoir un jour, lorsque j'ai été contraint de lui demander sa pièce d'identité pour une pièce de collection acheté à un vieil antiquaire. Je devais être sûr de l'identité de l'acheteur. M'enfin moi je l'étais mais ça fait partie de mon boulot, et puis j'avais très envie de découvrir à quoi ressembler cet ange !

Voyant que je n'obtient aucune réaction, (en même temps, à quoi tu t'attendais ...) je décide de clore le chapitre et de le laisser tranquille pour aujourd'hui.

-Je vais y aller, à mardi.

Apres un dernier regard en direction de la porte, je tourne les talons et sors de l'immeuble. Un long soupire m'échappe et je me laisse tomber contre ma bécane. Je m'attendais à mieux, je m'attendais à pire. Au fond de moi j'avais l'espoir qu'en passant à l'improviste, il m'ouvre la porte, ou que la surprise lui débloquerait quelque chose, je ne sais pas... Je place de doux espoirs en ce mec. Il est sur un piédestal dans ma vie depuis que je le connais et qu'il a attiré mon attention. Un jeune adulte de 18 ans cloîtré dans un appartement qui refuse tout contact avec l'extérieur ça à de quoi attiser une certaine curiosité !
Au départ ce n'était que ça, de la curiosité, et petit à petit ça s'est transformé en sympathie, en affection. J'ai l'impression de partager un truc avec Louis, d'avoir des moments privilégiés, intimes. Tout me paraît intime avec lui.

En tout cas, le résumé de cette matinée peut me faire affirmer une chose : Aaron va prendre un malin plaisir à se moquer de moi encore une éternité.

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