1 : Mes ennuis se basent sur une règle de conjugaison

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    - NOON !
    Je me réveille en sursaut. Tout va bien. Je suis sous un pont, celui sous lequel je me suis couchée après une fatigante journée de marche.  Mes mains sont moites, de la sueur froide perle à mon front. Mon cœur bat à toute allure.  J'arrive à me calmer en inspirant et expirant profondément. Puis je réfléchis : quel cauchemar épouvantable ! Ce n'est pas la première fois que je rêve de dieux. La dernière fois c'était... c'était quand ? Je ne m'en souviens plus. Peut-être que mes rêves sont liés à un traumatisme quelconque... Ah ! Au fait, je ne me suis pas présentée ! Je suis une elfe nommée Arya. Je dois rejoindre une école de magie au plus vite. Je voyage depuis trois mois. Ma sœur jumelle me manque. Elle représentait pour moi toute ma famille. Ce qui me reste d'elle est deux livres : un de géographie et un autre d'ethnologie. Enfin bref. Je ne peux plus faire demi-tour. J'ai accepté la promesse d'une louve Runique ! Je ne dois pas si vite déshonorer ma parole. En plus, quand on a été enfermée dans un palais pendant neuf ans, et bien, traverser le continent... les doigts dans le nez ! Enfin pas littéralement, hein. Je vous rassure... même si je ne suis pas un modèle de bonnes manières, je sais qu'il n'est pas très propre ni très ragoutant de se curer le nez. Humm... je ferme la parenthèse. Ma situation ne se résume pas vraiment à un débat hygiénique. Je vais plutôt me concentrer sur le fait que mon cri a ameuté les habitants d'un petit village( fort mignon ) de Turquoise. Seulement, les habitants de Turquoise sont des gens très très superstitieux. Et pour cause : il y a chez eux de grandes forêts d'arbres tordus. Bref, j'ai des raisons de leur faire peur. Non, c'est ironique, c'est pour dire qu'ils ont peur de tout, ces gens là... Mon physique se résume à peu près à ça : mes cheveux n'ont pas connu de lavage depuis deux mois. Normalement, ils sont bruns foncé mais là, ils sont carrément noirs, filasses et crasseux. Une paysanne doit bien le remarquer. Elle brandit sa fourche vers moi :
    - Retourne sous terre, démon !
    J'écarte son arme délicatement.
    - Alors déjà on dit démone car je suis une fille et je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas accorder ce mot. En raison des règles de grammaire rudimentaires, les noms s'accordent toujours en genre et en nombre. Comme un poisson, une poissonne. Heu... non ?
    - Au secours ! À moi !
    Mais... elle est cinglée de crier comme ça ? Ce n'est pas de ma faute si elle ne connaît  pas ses accords. Ceci dit, elle a ameuté tout le village. Des femmes, des hommes, des enfants... tous brandissant des torches enflammées, des pieux et des faux. Mon premier réflexe : fuir. Mon deuxième : négocier. Essayons.
    - Écoutez, je ne sais pas si vous avez déjà fait des cauchemars mais moi...
    Déclic. Ce n'est pas la terreur de mon mauvais rêve que voulaient m'infliger les dieux. Mais les conséquences de celle-ci. Je me reporte à mon premier réflexe. Je fuis. Je cours. Je m'enfonce dans la sombre forêt, en espérant qu'ils ne viennent pas me chercher. Seuls les plus braves s'y aventurent. Cette scène ne vous rappelle pas quelque chose ? Moi si. Et voilà ce que j'en pense : on ne grandit pas. On remplace juste son terrain de jeu par un autre.
Je grimpe à un arbre en serrant la sacoche des livres d'Aelia. Je dois utiliser mes aptitudes d'elfe pour sauver ma peau. C'est à dire, m'unifier avec la Nature et son environnement. Mais un homme lance sa torche vers moi. Je parviens à l'éviter de justesse mais l'arbre prend feu. Contrainte de sauter, j'atterris bruyamment sur des branches pointues. Puis je protège ma tête et effectue un roulé-boulé pour éviter de me faire écraser par l'arbre incandescent qui, consumé, tombe. Je ne dois pas pleurer. Ma main se pose sur mon poignard mais je me ravise. Je dois faire la morte. C'est l'unique chance de m'en sortir, bien que minime. Je m'allonge, sur le sol, ferme les yeux, entrouvre la bouche et je laisse pendre ma tête sur le côté. Je bloque ma respiration et j'essaye de rester impassible quand les villageois viennent me voir.
    - Tu crois qu'il est mort ?
    - Je sais pas. Ouais sûrement. En tout cas je vais pas vérifier.
    - Moi non plus. Je ne m'approche pas de ce truc. C'est sûrement de sa faute si il y a cette foutue épidémie de peste !
    - De toutes façons, il finira bien par attraper la crève.
    Je crois qu'il ont un problème avec les noms féminins. C'est bon. Ils sont partis. Je me traîne péniblement jusqu'à un lac paisible.
Cette fois-ci, je fais peur. Mais cheveux sont couverts de boue et de sang.  Une partie de mon bras droit est brûlée, la chair est à vif. Un large filet de sang s'échappe de mon nez et ma lèvre inférieure est fendue.
Cela doit cesser.
Ces violences que subissent les inconnus et surtout les femmes sont inadmissibles.  Il faut apprendre à se connaître et à ne pas juger les autres sur leur apparence physique. Ce n'est pas cela compte.

Moi même, en temps normal, je n'ai pas un physique très flatteur avec mes longues oreilles, mes poches sous les yeux, mes joues décharnées, mon nez un peu trop pointu et mes pupilles un peu trop verticales.

L'étang est soudain animé. Il se met à... luire ! Je m'approche... encore un peu... trop tard. Je bascule.

La Quête d'Arya tome 2 : Arbores Elementum [EN CORRECTION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant