Le garçon qui ne pouvait pas grandir

1☆Neverland

Je fixe mon reflet dans la vitre du magasin. Je suis enfermé dans une bulle, le bruit de la foule qui m'entoure me parvient de manière étouffée. La période des fêtes de fin d'année approche et les boutiques sont illuminées pour attirer le plus de personnes. Mon regard a été attiré par une vitrine en particulier. Celle devant laquelle je suis figé depuis plusieurs minutes, immobile dans le froid. C'est une de ces vitrines animées qui font briller les yeux des enfants. Dans celle-ci on peut voir Big Ben et un groupe d'enfants qui s'envolent vers le ciel. Vers deux étoiles qui brillent au loin. Le mécanisme les fait décoller des aiguilles de l'horloge. Plus à droite une autre scène est représentée : huit garçons qui marchent dans la forêt en chantant. Mon regard se détache de l'éclairage et se fixe sur mon propre reflet.

Je suis plutôt petit, un mètre soixante-cinq à tout casser, donc les gens me remarquent peu et tant mieux. Mes yeux marron en amande ressortent sur mon visage au teint pâle et mes cheveux brins accentuent encore plus ma pâleur. Ma capuche est rabattue et plonge dans l'ombre le haut de mon visage. Ainsi personne ne voit mon expression blasée et le masque de tristesse que je porte. Les seules personnes qui auraient pu me remarquer n'auront aucun souvenir de moi, comme si elles avaient eu l'impression de croiser un fantôme. Après tout n'est-ce pas ce que je suis? Un fantôme du passé?

Je pense à ces enfants qui partent vers un monde imaginaire, Neverland comme ils l'appellent, un monde rempli de merveilles et d'aventures. Si seulement ils savaient. Je me détourne et prends le chemin de mon appartement.

***

Le réveil sonne depuis maintenant plus d'une minute. Je refuse toujours de me lever. Pourquoi est-ce qu'il a fallu que j'aie la bonne intention de mettre un réveil le jour de préparation des fêtes pour être plus efficace? Je finis par saisir mon téléphone, fais taire la musique et me dirige tant bien que mal vers ma salle de bain. Une longue journée m'attend entre recherches de recettes, cadeaux et décorations. Cette année ma mère et ma sœur viennent chez moi pour le fêter. Or Noël est dans une semaine et je n'ai toujours rien préparé. Après une bonne douche je suis gonflée à bloque et je passe la matinée à établir la liste des plats, des ingrédients et des objets dont j'aurai besoin. Pour la décoration j'opte pour quelque chose d'assez sobre dans les tons bleu foncé et argenté.
Je mange quelque chose vite fait et me prépare à sortir affronter le froid et la foule. Je suis le palier lorsque mon téléphone sonne. C'est ma mère :
"- Allô
- Bonjour ma chérie comment vas tu?
- Ça va et toi? J'allais sortir faire les courses pour Noël.
- A d'accord mais ne te ruine pas surtout! A propos de Noël je voulais te demander quelque chose.
- Oui ?
- Est-il possible de rajouter un couvert? J'ai une surprise pour ta sœur et toi!, La joie transparaît dans sa voix.
- Oui bien-sûr, pas de soucis!
- Merci! "
Je rigole et lui souhaite une bonne journée.

Me voilà déambulant dans les rues remplies de monde où flotte un parfum de marrons chaud tout en repensant à la conversation que j'ai eue avec ma mère. Comme ça elle aurait quelqu'un à nous présenter? Ça doit être une histoire très sérieuse car après la mort de notre père il y a 5 ans elle ne nous a jamais présenté quelqu'un. Ma sœur et moi savons que de temps en temps elle a une relation avec quelqu'un mais quelques semaines plus tard c'est déjà fini. Cela m'attriste un peu car ma mère mérite de vivre heureuse.

Je fends la foule animée en regardant tout autour de moi. J'adore la période de Noël durant laquelle toutes les boutiques rivalisent d'ingéniosité pour créer des vitrines qui feront briller les yeux des enfants (et vider le porte monnaie des parents par la même occasion!). Mon regard est soudain attiré par une devanture en particulier. Je m'arrête quelques instants pour regarder le mécanisme faire s'envoler 4 enfants des aiguilles d'une horloge. Je souris tandis que les scènes de mon conte préféré prennent vie sous mes yeux. Je finis par reprendre ma quête de cadeaux, le sourire aux lèvres et l'esprit parti vers un monde imaginaire.