Je cours à en perdre haleine. La peur coule dans mes veines me poussant à courir encore et toujours, malgré les gouttes de sueur qui m'aveuglent. Je ne sais pas ce que je fuis mais mon instinct me pousse à continuer de le faire alors que mes poumons brûlent. J'observe autour de moi, à la recherche d'une cachette mais la forêt baigne dans une obscurité insondable. Je ne vois pas plus loin que deux mètres autour de moi. Je suis comme entourée d'un rideau noir qui ondule au rythme effréné des battements de mon cœur. Je réalise que je suis perdue. Je tourne en rond mais tout se ressemble. Soudain un éclair doré attire mon attention. Je sens alors une brûlure au niveau de ma gorge. J'y porte mes mains, le souffle court, et je sens un liquide chaud glisser entre mes doigts. Je panique, j'essaye de retenir un maximum le sang mais il coule sans s'arrêter. Chaque seconde une parcelle de vie me quitte et je me rapproche inexorablement de la mort. Je tombe à genoux, fébrile. Je me penche en avant, une main sur le sol, l'autre sur ma gorge déchirée. A travers mes larmes je vois un crochet doré sur le sol, à côté de ma main. Semblable à ceux que portaient les pirates dans mes livres d'enfants. Des gouttes de sang mêlées à des larmes salées tombent dessus. Je me sens soudain très fatiguée. Je m'allonge sur le côté en me disant que peut-être, comme ça, l'hémorragie s'arrêtera. Je vois alors deux yeux dans l'obscurité de la forêt environnante. Je tends la main, essayant de crier à l'aide. Je comprends en voyant les yeux briller de plaisir cruel que je ne m'en sortirai pas. J'expire une ultime fois et la dernière étincelle de vie s'éteint dans mes yeux.
Je me réveille en sursaut, la peau dégoulinante de sueur. Je peine à retrouver mon souffle, paniquée. J'ai fait un horrible cauchemar pourtant la seule chose donc je me souviens est de m'être fait égorgée. Je regarde autour de moi avec angoisse. Je me trouve bien dans ma chambre et cela m'apaise un peu. J'entends un soupir à côté de moi et je réalise que Peter dort profondément. Son visage endormi semble tellement vulnérable. Le drap est descendu jusqu'à son bassin, dévoilant son torse parfaitement musclé. Je rougis en souriant de fierté. Je jette un coup d'œil au réveil : 7h03. Je sais que je ne me rendormirai pas alors je me lève et me dirige vers la salle de bain.Le froid me réveille. Je cherche de la chaleur auprès de Violette mais tout ce que ma main rencontre sont des draps glacés. Je me redresse inquiet, enfile un teeshirt et cherche Violette dans l'appartement. Je la trouve dans la cuisine, entrain de boire un café. Elle a les traits tirés et semble perdues dans ses pensées. Je m'appuie sur le mur, soulagé de la voir. Elle ne remarque pas ma présence, les yeux fixant le vide. Sa respiration est saccadée et ses mains tremblent. Je viens l'enlacer par derrière la faisant sursauter. Je lui caresse le dos pour la rassurer. Je sens ses larmes couler sur mon bras. Je comprends qu'elle a encore fait un cauchemar.
"- Tu as rêvé de quoi cette fois ?
- Je me faisais égorger dans une forêt obscure, sa voix se brise, et il y avait encore ces yeux bleu glace, remplis de cruauté."
Elle explose alors en sanglots. Je la retourne et la sers fort contre moi. Je m'en veux. Je m'étais promis de la protéger et pourtant j'ai dormi toute la nuit. Cela fait bientôt une semaine que toutes les nuits elle rêve de sa mort. La première fois, elle m'avait appelé en pleurant et j'étais venu le plus vite possible. Depuis, toutes les nuits je veille sur elle, la réveillant quand je vois que son sommeil tourne au cauchemar. Mais cette nuit la fatigue a eu raison de moi. Je sens ses larmes mouiller mon teeshirt et je réalise que je suis fatigué de lui mentir et de devoir la surveiller sans qu'elle ne me remarque. Pour la seconde fois depuis 2 siècles, je suis prêt à raconter encore une fois mon histoire. Il le faut si je veux que la femme que j'aime reste en vie. Car j'ai compris que même si je la quittais, Hook la tuerait pour me faire souffrir.
Je lui prends la main et l'emmène sur le canapé. Elle me regarde avec des yeux interrogateurs. J'essuie les larmes qui roulent doucement sur ses joues.
"- Il faut que je te raconte quelque chose à propos de moi.
- Euh d'accord, rien de grave?
- Ça se sera à toi de déterminer, je lui réponds en haussant les épaules. Promets-moi juste de ne pas m'interrompre.
- D'accord, je te le promets."
Je la regarde, avec amusement, s'installer confortablement et prendre un air très sérieux. Après ces révélations tout sera différent : soit elle m'accepte tel que je suis et nous pourrons faire face au danger en affrontant Hook, soit elle me rejette en me traitant de monstre et je devrai alors la protéger contre sa volonté en toute discrétion, luttant seul contre Hook.
"- C'est l'histoire d'un jeune homme de 26 ans qui rêvait de liberté...."D'accord, donc en 2 heures je viens d'apprendre que mon copain est victime d'une malédiction qui l'a rendue immortel, qu'il a vu sa femme mourir dans ses bras, empoisonnée, découvert sa fille adoptive égorgée dans son lit, qu'il est à l'origine du conte de Peter Pan et que ma mère sort avec un pirate psychopathe. Moi qui trouvais ma vie banale, me voilà servie.
Je ne sais pas quoi dire. Il me faut du temps pour assimiler toute ces révélations mais je vois à l'air grave de Peter que nous n'avons pas ce temps. Je me lève et commence à faire les cent pas. Arrivé à la fenêtre, je me retourne et mon regard se fixe sur lui. Je détaille chaque parcelle de son visage comme pour les graver dans ma mémoire. Mon cœur se met à paniquer alors je reprends mes pas. Je suis perdue dans mes pensées et je ne le vois pas se lever, aller dans l'entrée et enfiler ses chaussures. Je réalise qu'il va partir qu'une fois qu'il met sa veste. J'ai alors la certitude que je ne le laisserai pas tomber malgré la folie de toute cette histoire. Je me précipite dans l'entrée pour le retenir. J'attrape son bras et le force à me regarder en face. Son visage est si triste et résigné que ça me brise le cœur.
"- Attends.
- Pourquoi ? Je sais bien que tu me considère soit comme un monstre soit comme un menteur."
Il n'a pas tort, n'importe qui trouverait son histoire tordue mais je ne suis pas n'importe qui. Peut-être ne sommes nous ensemble que depuis 2 mois, pourtant je lis en lui comme dans un livre ouvert et ses yeux ne mentent pas quand il raconte les morts qui ont marquées sa vie. En plus la sensation d'effroi qui me saisit quand je pense à mon beau-père et mes récents cauchemars viennent corroborer son histoire.
"- Tu n'es pas un monstre et je ne crois pas que tu me mentes. J'ai tout de suite senti que quelque chose n'aller pas avec mon beau-père.
Peter paraît surpris par ma réponse puis soulagé, finalement les larmes lui montent aux yeux et il me sert dans ses bras. Je lui caresse doucement le dos. J'ai la certitude profonde qu'il ne me laissera pas seule face au danger. Je me fais alors la promesse d'être à ses côtés quoiqu'il arrive, même si je dois tuer un homme.
"- Au fait, comment veux-tu te débarrasser de lui alors que vous êtes immortel ?
Il se redresse et me regarde, surpris :
- A oui, je n'y avais pas pensé.
- Il va falloir qu'on y réfléchisse sérieusement alors.
- On ?
- Bien sûr, tu crois que je vais te laisser tout faire seul ? Je te rappelle que ma mère est en danger aussi !"
Il me regarde fixement, un tourbillon d'émotions passe sur son visage et je n'arrive pas à savoir s'il est fier ou blessé. Soudain il se penche vers moi et m'embrasse passionnément. Je suis d'abord surprise puis je me laisse faire, heureuse qu'il me fasse confiance. Il prend ma main et m'entraîne dans la chambre. Nous viendrons à bout de Hook, ensemble. Nous nous le promettons dans l'intimité de nos corps mêlés.
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Le garçon qui ne pouvait pas grandir
Ficțiune generală"Deuxième étoile à droite et tout droit jusqu'au matin" James Matthew Barrie