Je finis de préparer la table lorsque la sonnette retentit.
Je passe devant le miroir inspecter ma tenue avant d'aller ouvrir.
Mes cheveux ébène sont ramenés en une couronne de tresses striées de mèches violette. Depuis mon adolescence je fais ces mèches. La raison en est toute simple : je m'appelle Violette et, bien qu'âgée de 24 ans, j'aime apporter de l'originalité à ma coiffure en variant les teintes de violet selon mon humeur. Mon teint hâlé est rehaussé par un maquillage très simple et j'ai revêtu une jupe noire et un chemisier bordeaux assez classique.
Satisfaite de mon reflet je vais ouvrir la porte. Ma sœur se trouve, tout sourire, sur le palier. Je la sers dans mes bras et nous entendons des rires se diriger vers nous. Nous voyions soudain ma mère arriver, accompagnée d'un homme inconnu. Il paraît une quarantaine d'années, assez grand, le visage fin, les traits soulignés par une barbe soigneusement taillée.
Ils s'approchent de nous et je décide de faire rentrer tout le monde dans mon appartement. Ma mère se comporte comme une adolescente amoureuse, mi- excitée de nous présenter son nouveau copain et en même temps toute timide, sûrement effrayée que le courant ne passe pas entre nous 3. C'est assez amusant à voir. Nous nous regardons avec ma sœur puis décidons de nous présenter pour couper court à se silence gênant.
" - Bonsoir, moi c'est Violette...
- Et moi Maëlle!
- Deux jolis prénoms originaux, nous répond -il en souriant, je m'appelle James. "Son visage est traversé par un sourire qui se veut chaleureux mais bizarrement ses yeux bleu clair restent froids comme la glace. Une impression de malaise m'envahit mais je me dépêche de la chasser en me disant que c'est simplement dû au fait que cet homme est encore un parfait inconnu. J'invite tout le monde à se dévêtir et à aller s'asseoir dans le salon pendant que j'apporte l'apéritif.
La soirée se déroule tranquillement et nous sommes à table, en train de manger de la dinde accompagnée de morceaux de patates douces sautés lorsque ma sœur attire discrètement mon attention en me donnant un coup de genoux. Nous avons toujours été complices donc un simple regard de sa part me permet de deviner qu'elle veut me montrer quelque chose à propos de James. J'essaye de le détailler discrètement mais je ne remarque rien de particulier. Il se tient droit sur sa chaise et mange de manière assez distinguée ce qui, finalement, correspond bien à ces habits somme toute assez sophistiqués. Je renvoie un regard interrogateur à ma sœur et elle secoue simplement la tête. Je sais que cela signifie qu'elle attendra qu'on soit seule pour me parler. Curieuse je décide donc d'accélérer un peu les choses, voyant que tout le monde a fini son plat. Je lui propose de m'aider à débarrasser et elle accepte en me jetant un regard complice. Une fois dans la cuisine je n'attends plus:
"- Qu'est ce que tu voulais me montrer?
- Tu n'as rien remarqué? Cela m'étonne de toi sœurette!
- Hormis le fait qu'il se comporte légèrement comme un aristo je ne vois pas.
- Oui c'est vrai mais il y a autre chose. Tu n'as pas vu sa main droite? C'est une fausse!
-Quoi?!
Je me penche le plus discrètement possible par la porte et observe. Sa main gauche caresse la joue de ma mère alors que la droite est posée sur la table. En effet elle paraît figée, comme si elle était paralysée. En me focalisant dessus je finis par voir qu'en fait elle est faite de cire ou en tout cas un matériau y ressemblant et le rendu est extrêmement réaliste.
- Wow, tu as raison! Elle est très bien faite, je n'avais rien remarqué!"
Ma sœur me regarde très fière d'elle. J'éclate de rire devant sa tête et lui donne les assiettes à dessert.
Nous revenons à table et la bûche fait son effet. Chacun rit, raconte des blagues, apprend à faire connaissance avec James. Bien qu'essayant de suivre la conversation, cette histoire de main m'obnubile quand même. Je me mets alors à observer inconsciemment notre nouveau beau-père.Je ne me sens pas vraiment à l'aise depuis qu'il est là et pourtant il n'y a aucune raison pour que ce soit le cas. Je suis une fille plutôt sociale, entourée de ma famille dans mon appartement. Je ne comprends pas pourquoi je persiste à rester légèrement en retrait. Au bout d'un moment la réponse me frappe. Son regard. Il m'avait semblé froid lorsqu'il était arrivé et j'avais mis ça sur le fait de la première rencontre mais là, après 2 heures passé ensemble, il semble toujours aussi distant. Son visage est tourné vers ma mère, souriant, tout en lui porte à croire qu'il est joyeux, tout pousse à lui faire confiance et pourtant ses yeux restent comme distants. Comme une personne ayant vu des choses horribles dans sa vie et qui voudrait pourtant faire croire à son entourage que tout va bien. Mais les yeux sont les fenêtres de l'âme. Et cette âme ne m'inspire pas confiance. Un sentiment de danger m'envahit. J'ai envie de fuir loin de cet homme et pourtant je reste clouée sur ma chaise, incapable de bouger. Je souris lorsqu'il faut sourire, ris lorsqu'il faut rire et essaye de me faire le plus discrète et la plus sympathique possible. La soirée s'étire jusqu'à tard dans la nuit, j'ai l'impression qu'elle ne finira jamais. Mon appartement c'est transformé en cage. Je suis prisonnière dans cette cage avec un fauve qui ignore que j'ai vu clair dans son jeu.
Finalement la soirée s'essouffle et tout le monde décide de repartir. Je serre ma sœur dans mes bras, embrasse ma mère le cœur battant et sers la main gauche de James en souriant le plus naturellement possible. Une fois la porte refermée je m'adosse au mur et souffle un bon coup. Les pensées fusent dans tout les sens dans ma tête et mon imagination est entrain de mettre le bazar dans mes souvenirs. Je me secoue et décide d'analyser tout ça le lendemain, après une bonne nuit de sommeil, même si à cette heure-là ce sera plus une matinée de sommeil. Je laisse toute la vaisselle en plan et pars prendre une douche afin de me vider la tête. A peine séchée je m'écroule sur mon lit. Mon sommeil sera hanté de cauchemars remplis de crocodiles aux yeux bleu glace essayant de me manger.
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Le garçon qui ne pouvait pas grandir
Ficción General"Deuxième étoile à droite et tout droit jusqu'au matin" James Matthew Barrie