8☆La dernière étoile

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Nous regardons les gouttes carmin tomber et éclabousser le sol. Nous restons hypnotisés par le filet pourpre qui s'écoule de la coupure depuis presque 1 minute. Nous nous regardons, médusés : Peter saigne et ça ne s'arrête pas. D'habitude en quelques secondes la blessure arrête de saigner, puis après quelques minutes elle commence à cicatriser, pour finalement être totalement guérie le lendemain.
Nous sommes donc comme tétanisés devant cette coupure qui saigne, encore et toujours. Peter cuisinait lorsqu'il c'est entaillé la main.
Je me secoue et cours dans la salle de bain chercher de quoi le soigner. Je reviens dans la cuisine et il est toujours figé au milieu de la pièce. Je lui désinfecte la plaie et commence de lui faire un pansement. Je relève les yeux et croise son regard. Son visage est inquiet et ses yeux expriment un mélange de joie et d'inquiétude qui me trouble.

Je saigne. Sans arrêt. Depuis 1 minute. Figé je regarde un bandage blanc recouvrir ma plaie puis se tâcher de rouge. Un pansement. Pour la première fois depuis 2 siècles ? Je relève la tête et observe Violette. Elle est totalement désappointée. Moi aussi. Brusquement, je retire ma main de celle de Violette, me retourne et vais dans la cuisine. Je retire la casserole du feu et plaque ma main dessus. Tous mes muscles se contractent pour me faire retirer la main mais je me force à la laisser, les dents serrées et les larmes aux yeux. J'entends Violette hurler d'horreur et se précipiter vers moi. Elle attrape mon bras mais je la repousse violemment. Son dos heurte le bord du lavabo. Elle glapit de douleur mais reviens aussitôt à la charge. Cette fois je la laisse prendre mon bras et noyer ma main sous l'eau froide. La morsure du froid sur ma paume brûlante est extrêmement douloureuse. Normalement, et au vu des cloques qui recouvrent ma main, cinq minutes seront nécessaires pour que l'eau froide fasse disparaître ma brûlure. Je ferme les yeux de peur que mon vœux le plus cher mais aussi ma plus grande peur se réalise. Au bout de 6 minutes Violette stoppe l'eau et sa main se crispe sur mon poignet :
"C'est malin, tu aurais pu trouver un autre moyen pour prouver ta théorie franchement."
Elle lâche ma main et s'éloigne en grommelant. J'ouvre doucement les yeux et mon cœur loupe un battement. Ma paume est couverte de cloques et reste très douloureuse. Mon esprit cherche une explication à tout ça lorsque Violette revient avec un tube de crème et des bandages.
"Tiens, bienvenue dans le monde des gens qui ont besoins de se soigner."
Elle est en colère contre moi, inquiète aussi, et plaque tout dans ma main valide. Je la regarde, désemparé, comme un enfant de 5 ans. Le rouleau de bandage tombe et se déroule sur le sol de manière grotesque. Elle soupire en allant le ramasser et me fait assoir sur une chaise. Pendant qu'elle applique de la crème aussi délicatement que possible elle marmonne qu'il faudra que nous allions aux urgences vu l'état de la brûlure. Je suis tétanisé, perdu entre mes pensées et la réalité. Entre mon passé et mon futur. Des larmes de frustration et d'incompréhension me montent aux yeux. J'ai désormais un futur possible avec Violette mais ce futur verra-t-il le jour ? Des dizaines de scénarios et de questions tournent dans ma tête mais parmi eux une revient en boucle : pourquoi ne suis-je donc plus immortel ?

Notre plan est au point, maintenant c'est à nous de l'appliquer sans trop faire souffrir ma mère. Nous devons réussir. Nous devons survivre. Pour notre futur, pour son futur.

Je roule dans la poussière et m'abrite derrière une voiture tandis qu'une demi-douzaine de balles viennent se loger dans la carrosserie cabossée.
Notre plan a presque fonctionner. La mère de Violette nous a cru, bizarrement, et a cesser de voir Hook. De notre côté nous lui avons donné rendez-vous dans la vieille casse à l'extérieur de la ville. Ainsi nous savions que personne d'autre ne serait blessé.
Hook était arrivé, fier et vengeur.
Nous avions un plan. Mais comme pour tout les plans A, il vaut mieux en avoir un B.
Je cherche Violette autour de moi et l'aperçois derrière un van dont les vitres sont éclatées. Elle me voit et fait un mouvement pour me joindre mais une balle vient se loger juste à côté de sa tête. Hook prend du plaisir. Il sait où nous sommes. Il sait que nous sommes à sa merci. Alors il joue avec nous.
Ma colère monte : cela fait deux siècles que je joue le rôle de la souris, il est temps que j'endosse celui du chat. Je regarde autour de moi et vois que les voitures forment comme un arc de cercle autour de Hook. Si seulement je pouvais le contourner. Je jette un œil vers Violette et je vois qu'elle a compris mon intention. Elle se redresse et s'avance assez bruyamment entre les carcasses de voitures.
"- Tu crois réellement pouvoir m'échapper fillette ? Hook éclate d'un rire mauvais.
Je te tuerai comme j'ai tué sa femme Wendy et sa fille Pearl. L'une empoisonnée et l'autre égorgée. Pour toi j'hésite encore. Sûrement une balle bien placée. Ainsi je pourrai voir la souffrance dans les yeux de ce maudit Peter pendant que tu te videras lentement de ton sang dans ses bras. Il me suppliera de l'achever, privé de sa raison de vivre !"
La colère boue en moi. Pourtant la diversion a marché et je suis derrière mon ennemi. Je m'avance doucement pendant qu'il continue de menacer Violette en tirant quelques balles. Je glisse ma main jusqu'à ma poche et saisi ma dague. C'est une vieille dague que je gardais en plan B. J'empoigne le manche et la lève au dessus de ma tête, prêt à frapper.

Le soleil se reflète dans la lame de la dague lorsque Peter l'abat sur la nuque de Hook. Mon cœur s'accélère. Ça y est. C'est fini.
Sauf que Peter n'a pas le temps d'achever son geste que Hook se retourne. Il le savait. Il s'amuse encore avec nos vies et nos espoirs. Tel un crocodile, il avance doucement, sûr de sa victoire, vers nos âmes, prêt à les dévorer avec rage et satisfaction. Chaque ondulation vers sa victoire sonne le tic-tac de notre défaite.
Je vois Hook pointer l'arme sur le ventre de Peter mais celui-ci frappe brutalement dans son poignet, le forçant à ouvrir sa main. L'arme tombe à terre et Peter donne un coup de pied dedans pour l'envoyer dans ma direction. Je me précipite dessus pendant que tout deux se débattent. Je saisis l'arme et regarde où ils sont. Je réalise avec horreur que Hook a, lui aussi, sorti un poignard. Dans un autre contexte la situation aurait pu m'amuser : Peter Pan et Capitaine Hook qui se battent au 21éme siècle comme dans les vieux films. Mais là je ne rigole pas.
Je regarde autour de moi pour voir où nous sommes dans la casse. Je repère une Mini rouge dont le pneu avant droit est crevé, et à côté une sorte de vieille grue au bout de laquelle pend une voiture abîmée, retenue par une simple corde. Nous sommes exactement à l'endroit où nous voulions. Il semblerait que la chance soit de notre côté. Je croise le regard de Peter et le vois prendre à bras le corps Hook et se jeter sous la voiture. Notre plan B repose sur cette voiture. Nous avons limé la corde afin qu'elle cède au moindre choc supplémentaire.
Je pointe l'arme vers l'entaille dans la corde. J'essaye de me concentrer mais le fait que Peter soit lui aussi sous la voiture m'empêche de me calmer. Le pistolet tremble dans mes mains. Les secondes paraissent interminables, chacunes d'elles pouvant sonner notre victoire comme notre défaite.
"- Violette ! Vas-y !"
Le cri de Peter fait taire tout les doutes en moi. J'ai confiance en lui. Je dois avoir confiance en lui.
Alors je vise, inspire pour me calmer et arrêter de trembler et expire en appuyant sur la gâchette. La balle part. Elle érafle la corde. Celle-ci se met à grincer, la voiture entame un lent balancement, mais rien d'autre ne se passe. J'ai raté mon coup. La frustration renforce ma colère mais contre moi cette fois. J'ose regarder sous la voiture. Le temps semble suspendu. Hook et Peter sont face à face, ils semblent très proches mais Peter me cache la scène.On dirait qu'ils parlent mais je suis trop loin pour entendre. Soudain il s'éloigne brutalement de Hook, recule de quelques pas et tombe à la renverse. A ce moment tout s'accélère. Je me précipite vers lui mais j'ai le temps de voir le regard satisfait de Hook. Mes yeux descendent jusqu'à sa main et j'y découvre le poignard rougit de sang. Quelques gouttes tombent de la pointe, tâchant le sol. Brusquement le grincement de la corde devient beaucoup plus fort. Je vois dans les yeux de Hook l'inquiétude remplacer la fierté. Il essaye de faire un pas en avant mais il n'a pas le temps de l'achever : la corde cède. La gravité reprend ses droits et la voiture rencontre le sol, et Hook, dans un fracas assourdissant de bruits métalliques et d'os brisés. L'air s'emplit d'un parfum métallique. LE parfum du sang. Le parfum du prix de la liberté. Je reste hypnotisée quelques secondes par le filet de sang qui coule de dessous la voiture comme un fleuve tranquille. Le crocodile c'est noyé.
Je me secoue et tombe à genoux à côté de Peter. Il ne c'est pas relevé et je me demande pourquoi, bien que mon inconscient me murmure la raison mais je ne veux pas le croire. Cependant je découvre avec horreur une tâche qui s'étend comme une rose fleurissante sur le devant du teeshirt de Peter. La panique s'empare de moi et je m'empresse de compresser la plaie. Le sang tâche mes mains, sa vie file entre mes doigts. Les larmes embuent mes yeux. Il ne peut pas me laisser. Pas maintenant.
"- Nous avons réussi !, Je lui hurle. Nous sommes libres.
- Je le sais Violette, sa voix déraille, et j'en suis très heureux."
Son visage est serein. Il pose ses mains sur les miennes et les serre aussi fort que ses dernières forces lui permettent. Consciente que ce sera la dernière fois, je me penche au dessus de lui et l'embrasse, doucement, tendrement. Je sens son sourire sur mes lèvres.
"Je t'aime"
Ses mains se desserrent et, bien que je sente encore le sang imbiber mes vêtements, son souffle sur ma joue s'estompe. J'enfouis ma tête au creux de son cou et éclate en sanglots.
"- A quoi ça sert d'être libre si c'est pour vivre sans toi ?"

Le garçon qui ne pouvait pas grandirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant