Il fait noir, très noir dans les petites rues de ce pays. Ce pays qui n'est pas le mien, ce pays qui me semble si sombre, presque claustrophobique. Je suis assise, recroquevillée tel un bébé dans le ventre de sa mère. Je ne comprends toujours pas ce qui a pu m'arriver pour que je sois ici, sur ce sol gelé à m'en brûler la peau. Mais je n'ai pas le choix, je dois rester brinquebalante sur ces pavés qui me servent de sommier. Parfois, je me perds à rêver, d'un ciel rempli de cocotiers et d'un monde qui serait différent du mien. Un monde où chacun sans aucune exception aurait le droit d'exister, de penser, de s'exprimer et où chaque parole prononcée ne serait pas regrettée. Je sais que tout ça ne risque pas d'arriver de si tôt mais personne ne peut m'empêcher de rêvasser. C'est bien la seule chose qu'ils n'ont pas pu me prendre : mon imagination. Je ne sais plus ce que j'ai été. Je sais que je m'appelle Naya et que j'ai 13 ans, mais c'est tout ce qu'il me reste. Je me souviens du jour où j'ai été sortie d'un camion pour être lancée sauvagement dans cette rue « La rue des affamés ». Cette rue porte tellement bien son nom que ça en est troublant. Je ne me rappelle pas avoir vu ne serait-ce qu'une personne manger à sa faim dans ce trou.
Ce jour où, mon corps a heurté le sol, est mon plus lointain souvenir. Je n'ai ni famille, ni ami, ni rien qui pourrait ressembler à une enfance digne de ce nom dans ma tête. Je n'ai que ces quelques pavés qui me font maison.
Aujourd'hui je ne comprends pas ce qu'il se passe, comme à son habitude, le dimanche accueille un petit nombre de gens vêtus comme des rois qui cherchent de quoi nettoyer leur palace. Un nouvel électroménager ? Sûrement pas. Ces grands costumes noirs emmènent avec eux l'un ou l'autre affamé comme esclave domestique. Ils n'ont aucune expression sur leur visage de pierre, pas un sourire ou un rictus ne sort de leur tête de marbre. Les costumes noirs harponnent la rue des affamés lentement, les yeux mis clos et un masque sur le visage. Énormément de maladies dont la peste traîne par ici. Etrangement, comme ils ont un beau costume, ils peuvent être guéris et peuvent même empêcher d'être atteints par celle-ci. Un grand homme au cuir chevelu presque disparu s'approche de moi d'un air dur. A ses côtés se tient un garçon un peu chétif et mal habillé. Il a l'air jeune et pas sûr de lui. Costume noir sans cheveux dit d'une façon monotone et froidement: « Emmenez-la ! ».
C'est alors que deux hommes monstrueux et affreusement costauds en plus du garçon chétif apparaissent derrière Sans Cheveux.
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Naya
Short StoryJ'aurais voulu raconter mon histoire au monde entier. Être capable de prouver que l'esclavagisme existe sous toutes les formes et que parfois, je ne sais par quel miracle, les forces sont de notre côté malgré la vie chavirante que nous pouvons mener...