A tout prix !

33 2 0
                                    

-Kaitlyn reviens ici !

Ils avaient beau mappeler je nécoutais pas, je ne voulais pas entendre ces voix qui mavaient hurlé dessus un bon nombre de fois. Les bleus qui recouvraient mon corps mempêchaient doublier. Toute cette violence sans fondements que je ne pouvais plus supporter était la principale raison de ma fuite. Où allais-je aller ? Je nen savais rien. Mais une chose était sûre. Je voulais à tous prix fuir lenfer. Je ne me retournais sous aucun prétexte lors de ma course effrénée, de peur quils me rattrapent et que je ne puisse plus repartir. Dans cette maison située au bout de Walk Street javais tout laissé : mes affaires, ma vie davant, ma mère, mon père et mon frère. Mais je néprouvais pas de remords, juste un colère profonde. Depuis le début ils voulaient que je parte mais quavais-je fait pour mériter cela ? Le froid de ce mois de décembre sengouffrait dans ma chemise de nuit, le gout métallique du sang dans ma bouche me donnait la nausée. Je luttais contre lenvie de marrêter et de meffondrer par terre. Je serais en paix alors quest-ce qui men empêcherait ? Lâcher prise jy avais pensé de nombreuses fois. Mais je n'avais que douze ans. Jétais trop jeune et javais toute la vie devant moi. Si je lâchais prise maintenant je les laisserais gagner et cela métais impensable, ils devaient payer pour ce quils mavaient fait subir. Javais envie de laisser cette vie derrière moi pour tout recommencer : nouvelle famille, nouvel habitat Cétait cet espoir de renouveau qui me faisait tenir. Je courais dans la forêt, les arbres me fouettaient le visage mais je ne marrêtais pas. Je nosais pas imaginer ce quils me feraient subir sils me rattrapaient. Jarrivais dans le centre du village, essoufflée, les jambes flageolantes, menaçant de ne plus pouvoir me porter, mes forces mabandonnant. Je me dirigeais vers une ruelle lugubre. Seule une ampoule à la lumière faiblissante léclairait et je ne voyais rien à plus de cinq mètres. Désormais la pénombre serait ma cachette, mon allié. Demain je quitterai Blockburry et ny reviendrai jamais, jen fais la promesse. Mais avant de partir pour ma grande expédition je devais reprendre des forces. Je trouvai un carton par terre et my engouffrai avant de replier mes jambes contre ma poitrine et de blottir ma tête dedans. Petit à petit la fatigue eu raison de moi et je mendormis seule mais en sécurité loin deux.

Je restai là encore cinq jours, me nourrissant de ce que je trouvais dans les poubelles. Heureusement que les habitants gaspillaient autant, sans sen rendre compte ils faisaient mon bonheur. Cétait décidé ce jour-là je partais. La tête baissée je me frayais un chemin parmi les passants, la plupart sécartaient sur mon passage, jétais la bête noire du village. Je me faisais même peur à moi-même. Jattirais trop lattention. Je pris une ruelle sur ma droite pour ne pas me faire remarquer davantage et marchai dun rythme soutenu en direction de la gare : ma porte de sortie, mon espoir, ma chance. Je me faufilai sur le quai et pris le premier train pour Broken Valley, javais de la famille là-bas, une famille sur qui je pouvais compter. Voyageant sans papier je dus me cacher derrière des valises. A chaque arrêt je changeais de wagons. Tout comme en ville jétais la risée du train. Les passagers murmuraient sur mon passage, dautres me donnaient des coups de sacs. Mais je ne réagissais pas, je savais que mon heure de liberté ne tarderait pas, cétait la seule chose qui me permettait encore de tenir debout.

Je marrête dans mon récit, les larmes aux yeux, le souffle court. Voilà ce que je me rappelle de ma fuite. En face de moi le Docteur Stanfield me regarde, les mains croisées sur ses genoux. Elle aussi le voit bien. Les séquelles sont toujours présentes dans mon esprit. Même après tout ce temps, je ne cesse de ressasser mon enfance. A chaque fois que jévoque cet épisode douloureux, la peur me tord les entrailles. Je suis toujours aussi fragile que cinq ans auparavant.

-Bien, nous reprendrons ce récit samedi prochain, dans une semaine et demie. Passe une bonne journée Kaitlyn, me dit le médecin en mescortant vers la sortie.

Vivre, me battre et aimer...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant