Ça y est le jour J est arrivé. Jai passé un mois, enfermée dans ma chambre, seule, réfléchissant à ce que je vais bien pouvoir dire. Le docteur Stanfield est venue me voir deux ou trois fois par semaine. Cest la seule visite que jacceptais. Mes amis du lycée sont venus mais personne ne leur a ouvert, Nick aussi est venu. Mon téléphone est resté éteint pendant ce long mois. Mes nuits étaient rythmées par des cauchemars et des insomniesJe ne voyais que ma famille dautrefois qui me maltraitait. Je subissais les coups, les insultes, sans aucun échappatoire possible. Chaque nuit je me réveillai en sueur, désorientée, le corps crispé, le touchant pour voir si tout allait bien. Je revoyais leurs visages cyniques, affichant un regard satisfait devant mon corps presque inerte et meurtris par leurs coups. Aucun enfant ne devrait avoir à subir cela, surtout venant de ses parents. Je suis énervée contre eux et contre moi pour ne pas avoir réussi à en parler ou même de fuir dès le début. Peut-être que je me disais que ça cesserait un jour ou lautremais cela ne sest jamais arrêté. Si je nétais pas partie, je giserais surement sur le sol, inerte, la peau dun blanc cadavérique. Je me suis échappée pour survivre.
La voix de ma cousine de lautre côté de la porte me sort de mes pensées.
-Kaitlyn, es-tu prête ? demande-t-elle dune petite voix.
Devant le miroir je me prépare. Mon visage est marqué par la tristesse et langoisse. La pâleur de ma peau renforce la teinte bleutée des cernes présentes sous mes yeux. Je fais peur à voir. Jattache mes cheveux en une queue de cheval lâche et enfile un pull XL.
-Jarrive dans une minute.
Ma voix me paraît si étrange. Cela fait un mois que je nai pas parlé à voix haute. Je rejoins ma nouvelle famille dans le salon et pars en direction du tribunal. Je veux en finir au plus vite. Un klaxon signale larrivée du taxi dans la cour. Le trajet jusquà Blockburry me paraît interminable. Mais ma tante et mon oncle ont préféré prendre un taxi plutôt que le train pour ne pas avoir à traverser la ville à pied, épiés par les journalistes et autres personnes étant au courant de ma venue. Cest pour cette même raison que jai rabattu ma capuche sur ma tête lorsque nous sommes rentrés dans mon ancienne ville. La ville dans laquelle jespérai ne jamais avoir à remettre les pieds na pas changé. Mais quels changements espérais-je ? Rien na changé évidemment, la vie a continué son cours. Et puis de toute façon que voulais-je quil se passe, personne na été au courant de cette histoire depuis mon départ, de mon histoire. La ville est restée exactement comme que je lavais laissé. La place de la mairie abrite toujours le marché hebdomadaire, les enfants jouent toujours au parc, situé non loin du tribunal et moi je suis toujours cette pauvre fille qui na jamais été comme les autres enfants, la fille qui a été emprisonnée par ses parents, victime de la douleur quelle soit physique ou psychologique. Lorsque le taxi aux vitres teintées sarrête devant les marches du tribunal, je sens que mon calvaire ne fait que commencer. Dès que jouvre ma portière, une foule de personnes et de journalistes, armés de leurs micros et bloc-notes, sempressent de me questionner. Je suis vite entourée dune masse impressionnante de jeunes, et de moins jeunes me communiquant leur soutien. Un vigile apparait soudain devant moi, pour les écarter et de ce fait, me faciliter le passage jusquà la porte dentrée. Le hall du tribunal est immense. Deux vigiles nous escortent, ma famille et moi jusquà des portiques et nous emmènent ensuite dans la salle où va se dérouler laudience. Lorsque jentre dans la pièce en question, poussant la lourde porte en bois, tous les regards convergent dans ma direction, des regards inquisiteurs, curieux qui me dévisagent. Mais pourquoi y-a-t-il autant de monde ? Sont-ils là pour me soutenir ou seulement par curiosité, pour faire de moi leur principal sujet de discussion lors dun repas entre amis ? Jai peur. Mes mains tremblent dans mes poches et mes yeux ne savent pas où regarder pour fuir les regards. Tandis que javance vers le juge, ce sentiment de crainte et doppressions ne fait quaugmenter. Ma tante, mon oncle et Sophie sinstallent au premier rang, me laissant aller seule me placer à ma place de témoin. Je suis à présent face à lassemblée, à côté du juge. La séance est sur le point de commencer. Madame la juge demande le silence.
Quand, quelques minutes plus tard, les accusés rejoignent à leur tour leur place, mon corps se glace. Ils nont pas changés. Ma mère et mon père ont toujours ce regard sinistre. Mais je ne suis pas au bout de mes surprises car le jeune homme qui se tient à côté de mes parents nest autre que Jim McCoy. Et là je crois mévanouir. Comment cela se fait-il que je nai pas vu la ressemblance avec mon frère que jappelais Noah ? Je pense que je ne voulais pas le voir et cest pour cela que Jim ne minspirait pas confiances dès le début. Mais comment ai-je pu ne pas le reconnaître, même cinq ans plus tard, les cheveux roux et non plus blonds et son changement didentité ? Jaurais dû cest mon frère. Madame la juge remarque immédiatement mon malaise et débute la séance « pour en finir au plus vite » dit-elle. Jacquiesce et commence linterrogatoire sur mon passé. Je reste évasive et ne dis que le stricte nécessaire pour faire condamner mes parents. Je ne men sors pas trop mal jusquà ce que lavocat chargé de les défendre émet une objection.
-Comment pouvons-nous être sûrs que cette enfant a été battue ?
Il na pas tort, les faits datent dil y a cinq ans et il ny a pas de preuve. Seulement pourquoi irai-je jusquà faire condamner ma famille pour des faits quils nauraient pas commis ? Je suis la preuve vivante du mal quils mont fait car même cinq ans plus tard, mon corps est toujours marqué. Jémets à mon tour une objection.
-Que vous faut-il de plus ? Allez-vous réellement défendre des coupables ? jinterviens.
-Sans preuves mademoiselle je ne peux les considérer comme des coupables. Je ne fais que mon travail.
Mon sang ne fait quun tour et je relève le bas de mon pull sans réfléchir.
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Vivre, me battre et aimer...
RomanceKaitlyn, une jeune fille de 17 ans, tente de reconstruire sa vie, après un incident qui a eu lieu cinq ans auparavant et qui continue de la hanter. Accompagnée par le docteur Stanfield, sa cousine Soph', sa tante et son oncle, qui sont à présent sa...