Prologue

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  Le rouge à lèvre avait un peu débordé, et elle prit un coton-tige pour essuyer ce qui dépassait avant d'en repasser sur sa lèvre inférieur. Lorsqu'elle en était à ce stade de sa routine matinale, Laura Girond pouvait se dire qu'elle était fin prête pour démarrer sa journée. Elle scruta une dernière fois tous les recoins de son visage à la recherche de la moindre imperfection, et remarqua que une de ses épingles à cheveux, celle du côté droit, n'était pas vraiment mise de la même façon que celle de gauche, ce qu'elle s'empressa de rectifier. Maintenant elle avait retrouvé son visage parfait, celui qui avait rendu tant de femmes jalouses, certes maintenant un peu marqué par l'âge, mais cela lui rajoutait un certain charme.

Ce n'est seulement au moment où elle prit un 9 mm qu'elle avait préalablement caché sous le matelas de son côté du lit, que Madame Girond commença à bouleverser son rituel du matin.

A 9 heures ce matin là, Laura Girond marchait dans les Champs-Élysées dans ses talons aiguilles toujours plus inconfortables, mais elle se promit que aujourd'hui serait le dernier jour qu'elle en porterait. Elle avait mis ses lunettes de soleil ce matin, elle les mettait souvent pour sortir (même quand il n'y avait pas de Soleil, et il y en avait rarement à Paris), d'une part pour ne pas avoir à parler avec des gens qui pourraient potentiellement la connaître ou la reconnaître, car elle pensait être méconnaissable en les portant, mais aussi – et aujourd'hui en l'occurrence c'était surtout pour ça – pour que personne ne puisse deviner ses sentiments par son regard, ou même ses ambitions.

A 9 heures 30 ce matin là, elle se trouvait devant une grande tour, une tour qu'elle détestait tellement, et qui n'était ni plus ni moins que le siège social de l'entreprise régi par son mari. Elle savait évidemment que aujourd'hui, il serait dans son bureau, au dernier étage, où il pouvait contempler tout Paris par la fenêtre, comme si c'était son royaume.

A 9 heures 38 ce matin là, Laura Girond était dans l'ascenseur qui allait la faire monter au dernier étage de cette putain de tour trop grande et trop laide, qui faisait tâche dans le paysage parisien. Au fur et à mesure que l'ascenseur montait, que les gens rentraient sans la regarder mais sortaient en la dévisageant, surpris qu'ils étaient de ne pas la voir sortir – surtout dans les derniers étages, quand elle ne faisait que croiser les membres (les hommes, évidemment) les plus importants de la société – son cœur battait de plus en plus vite. Elle le sentait battre dans sa poitrine, elle sentait aussi comme une boule qui se tordait dans sa gorge et qui la gênait de plus en plus pour respirer. Elle passa discrètement son bras à l'intérieur de son sac à main et caressa son 9 mm en fermant les yeux et soufflant doucement pour ne pas attirer l'attention.

A 9 heures 46 ce matin là, l'ascenseur déposa enfin Laura Girond au dernier étage de la tour, elle pouvait voir la porte du bureau de son mari qui se trouvait au bout d'un long couloir, très long couloir, trop long couloir. Elle ne prêta même pas attention aux tableaux assez laids accrochés aux murs, qui étaient soit des «œuvres d'arts», ou alors étaient des sortes de photos encadrées des anciens patrons de l'entreprise en train de poser, comme les rois ou les princes et nobles du temps de la monarchie. Elle ne faisait que fixer la porte, et au fur et à mesure qu'elle avançait, elle arrivait à discerner les mots «Président Directeur Général» en dessous de «Monsieur Marc Girond» sur la plaque collée à la porte. Le bruit de ses talons aiguilles qui tapaient sur le parquet résonnait dans tout le couloir. C'était sûrement cela d'ailleurs qui avait fait venir deux gardes du corps qui s'étaient posés devant la porte et la regardaient arriver.

Elle finit enfin de traverser le couloir et leur montra qu'elle désirait rentrer mais ils ne semblaient pas vouloir la laisser passer. L'un des deux gardes du corps lança un «Qui êtes vous?» et Laura prit le temps d'arriver à leur niveau et de les regarder. Elle sortit sa carte d'identité de son sac à main, et avait bien fait attention à ne pas montrer l'arme cachée dans le fond.

La Femme du PDGOù les histoires vivent. Découvrez maintenant