Chapitre 1: Le gigot d'agneau

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«Maman, il est où Papa?

–Il est au travail Charlie, tu le sais bien...

–Pourquoi il travaille?

–Eh ben, il travaille pour gagner de l'argent... Pour pouvoir acheter une maison, manger, nous habiller et tout...

–Et il fait quoi... Il fait quoi au travail?

–Euh ben il travaille au travail qu'est-ce que tu veux que je te dise... Allez va jouer avec ta sœur maintenant!»

Voilà une question que Laura Girond n'aimait pas qu'on lui pose. Qu'est-ce que faisait son mari? Elle trouvait que c'était une question très indiscrète et que ça ne regardait personne, même pas elle. Elle savait vaguement qu'il était le PDG d'une entreprise qui devait s'appeler ACV pour... Amplitude de Commerce et Vente quelque chose comme ça? Et d'après le nom ils devaient faire de l'amplitude de commerce et de la vente... Elle ne savait pas ce que ça voulait dire, si ça voulait seulement dire quelque chose... Elle ne voulait pas s'intéresser à ça, car ça ne la regardait pas, et que de toute façon elle savait qu'elle ne comprendrait pas. Une des employés de son mari avait tenté de lui expliquer un jour, et elle pensait avoir compris mais avait oublié peu de temps après. Et de toute façon, elle ne pouvait pas comprendre ce qu'il faisait, car il travaillait très dur, tous les jours et tout le temps, ce qui montrait bien que c'était quelque chose de très compliqué que peu de gens pouvait comprendre.

Laura-Éloïse de Montbel était née dans le seizième arrondissement de Paris, d'une famille riche, très riche, de la «haute société» comme on disait. Son père, Jean-Emmanuel de Montbel, époux de Anne-Catherine de Montbel, était le PDG d'une entreprise qui s'occupait des transports, et qui s'appelait RUF pour Réseau Urbain de France, et ça, Laura en était quasiment sûre. Sa mère, quand à elle, n'avait fait que très peu d'études, mais dans la famille de Montbel à cette époque, et sûrement pas que dans sa famille d'ailleurs, la tradition était que les femmes soient en quelques sortes au service de leur mari, qu'elles soient un soutien, s'occupent des enfants et de la décoration intérieure, et se fassent belles pour les réunions importantes.

Laura-Éloïse de Montbel n'avait donc fait que très peu d'études, elle n'avait pas non plus eu beaucoup le choix, son père n'appréciait que très peu l'idée que sa fille puisse faire autre chose que rester à la maison et vivre dans l'ombre de son futur mari. Elle était donc allée au lycée, le plus prestigieux de tout Paris, puisqu'il fallait qu'elle y aille, pour décrocher son baccalauréat série A, ayant toujours été intéressé par les langues et l'art. Après ça, elle était restée à la maison pour aider sa mère dans ses tâches quotidiennes, puis était brièvement allée à l'Université, le temps surtout de se trouver quelqu'un.

Cela n'avait pas été la même histoire pour son frère, Louis-Édouard de Montbel, que son père avait harcelé pour qu'il ait les meilleurs résultats possibles dans ses études d'économie, afin qu'il puisse lui succéder et que leur nom perdure et soit rattaché le plus longtemps possible au poste ô combien prestigieux de président directeur général de leur entreprise de transport.

«Maman on mange quoi?

-Oh mais on attend que votre père arrive il ne va plus tarder! Vous pouvez pas vous amuser un peu non?!»

Pour le dîné de ce soir, Laura avait préparé un gigot d'agneau en marinade d'herbes aromatiques, servi avec tomates et légumes. Elle avait bien dû passé près de trois heures à le préparer, et s'y était pris la veille pour préparer la marinade. Elle aimait bien cuisiner, cela la détendait, et elle appréciait voir son mari savourer son repas, qui avait le pouvoir de le détendre. Plus elle le savait tendu, et plus elle s'acharnait sur la cuisine. Et en ce milieu de semaine et au vu de son humeur de la veille, un bon gigot d'agneau s'imposait.

La Femme du PDGOù les histoires vivent. Découvrez maintenant