15. S'effacer dans la brise

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LOCHAN.


C'était un jour nouveau, qui débutait par une légère brise et une clarté camouflée par des altostratus. J'ignorais pourquoi Isaac avait décidé de m'embrasser, notamment après sa première réaction lorsque c'est moi qui ai franchit le pas. 

Je veux vraiment croire qu'il ne l'a pas fait dans le simple but de me remonter le moral.

Je veux vraiment croire qu'à cet instant, je peux compter sur lui.

Je me sentais envahir par un inqualifiable sentiment, proche du regret, car même si mon frère venait de mourir, j'avais le cœur qui souriait. Je sais que je n'avais pas le droit de ressentir une quelconque joie en ce moment précis, mais me rappeler les lèvres d'Isaac au contact des miennes consumait ma tristesse.

Temporairement.

Nos parents, du moins ce qu'il en reste, sont venus me rendre visite après l'enterrement. J'ai refusé de partir, même étant conscient qu'ils ne me laisseraient bientôt plus le choix.

«Nous avons passé trop de temps à vous laisser des libertés, avait dit ma mère sur un ton glacial. »

Traduction : Nous ne nous sommes jamais occupés de vous et voilà ce que vous êtes devenus.

Un fils mort, et un bon à rien.

Qui plus est, aimant les queues plutôt que les chattes.

Ce à quoi, j'ai du répondre quelque chose d'épouvantable, puisque la claque que je reçu résonnait dans toute la maison.

Une maison, que mon père adorait puisqu'il en était propriétaire. 

Il détestait simplement ceux qui l'habitaient.

Celui qui l'habitait, désormais.

Je ne sais pas trop, mais j'ai toujours l'impression que Lyd va revenir. Qu'il va revenir avec un paquet de clopes à la main, un croissant dans l'autre, en me criant :

-Je suis revenu, taré !

On commencerait alors à s'installer devant la télé, à jouer à n'importe quel jeu de console qui traîne, en s'insultant de tous les noms. Parce que c'est ce que les frères font la plupart du temps, quand ils ne sont pas occupés à se battre : ils s'insultent.

Mais mon frère n'est pas revenu.

Il est juste parti sans dire au revoir et sans laisser de traces.

Comme s'il n'avait jamais existé.

Et plus j'essaie d'y penser, plus son visage s'efface.

Ce n'était bientôt plus un jour nouveau, c'était une fin de journée qui finissait par un orage assourdissant et fracassant.



HétérochromieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant