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Je tourne en rond dans cette salle d'accueil. J'observe les allées et venues des résidants, je constate que pour la majorité ils sont assez jeunes. Des photos de groupes épinglées sur un mur m'attirent l'œil. Je n'y avais pas fait attention jusque là et m'en approche. En commençant à les contempler des frissons me parcourent la colonne vertébrale, encore cette odeur... Je n'ai pas le temps de réagir qu'on me tapote l'épaule. Je me retourne dans un mouvement brusque de sursaut.

- Oh ! pardon, je ne voulais pas vous faire peur.

- Non... non ça va... bégayais-je.

- Vous devez être Christabelle Morin ?

Il me tend sa main mais je suis tellement hypnotisée par la couleur de ses yeux que je ne manifeste aucune réaction. Je crois deviner que ses lèvres bougent mais je n'entends rien, cet homme est un émerveillement à lui tout seul... Son raclement de gorge me remet les idées en place.

- Vous êtes vraiment sûre mademoiselle que tout va bien ?

- Oui, pardonnez-moi... vous disiez ?

- J'étais en train de vous dire que je m'appelle Benjamin Mercier, vous vouliez me rencontrer ?

Je dois me ressaisir et vite, je ne suis pas là pour admirer un dieu grec mais pour retrouver la trace de ma sœur.

- Enchantez monsieur Mercier, oui je souhaitais vous rencontrer. Et éventuellement savoir si vous pouviez m'aider dans ma recherche.

Cette fois ci, c'est moi qui lui tends la main, qu'il attrape avec fermeté. Son contact m'électrise comme si un courant nous avait traversés.

- Vous allez m'expliquer mon utilité dans cette étape, suivez-moi.

Nous prenons le même couloir que pour aller à la machine à café et continuons un peu plus loin. Nous arrivons devant une énième porte où il est inscrit « ARCHIVES ». Il l'ouvre et me fait signe de le précéder. La pièce n'est pas très grande, je m'attendais à descendre dans des sous sols et avoir un espace beaucoup plus important. Des cartons numérotés par année emplissent toutes les étagères, il y en a partout du sol au plafond. Une table de bureau très simple est disposée au centre, avec un ordinateur et un tas de paperasse sûrement en cours.

Je m'installe sur une chaise que le beau gosse vient de déplier à mon attention. Elle n'a tout de même pas l'air très stable. Les visites doivent être assez rares dans cette pièce. Il rejoint son fauteuil confortable et s'installe face à moi derrière son bureau.

- Alors, dites-moi tout.

Ses yeux me déstabilisent mais je lui raconte les grandes lignes de mon histoire. Je lui explique que je voudrais savoir si ma sœur avait pu passer par ce foyer il y a quelques années.

- Mademoiselle, j'entends bien votre demande et vos démarches seulement je suis vraiment désolé, je n'ai pas le droit de vous indiquer si votre sœur a séjourné ici. Le secret professionnel est obligatoire. Il me faut des documents officiels qui me prouvent que c'est bien votre sœur et là, peut-être que je pourrais faire des recherches...

Je m'attendais à cette réponse, je sais qu'il n'a pas le droit. J'ai déjà rencontré ce genre de résultats mais vu le nombre d'années passées, beaucoup m'ont quand même renseignés. Lui, n'a pas l'air décidé peut-être que si je lui fais les yeux doux cela fonctionnera ?

- S'il vous plait. Essayez au moins de juste regarder, tenez, regardez c'est bien le même nom.

Je lui tends ma carte d'identité mais il y jette à peine un coup d'œil. Mon regard est larmoyant et suppliant, j'essaie de l'attendrir du mieux que je peux.

- Vous êtes mon dernier espoir pour retrouver sa trace.

Cette fois-ci, mes sanglots sont réels, il m'arrive rarement de craquer mais aujourd'hui je suis fatiguée de ne pas avancer. Je ne sais plus où explorer... La honte s'empare de moi. Je me lève, sort de son bureau en courant. Je dois quitter cet endroit et m'isoler. Faire semblant est facile pour moi. Je me suis forgée une carapace depuis toutes ces années à essayer de faire sortir mes parents la tête de l'eau. C'est pour cela que je ne laisse jamais paraître mon mal être ni mes émotions alors ce n'est pas maintenant que ça va commencer et encore moins devant un étranger.

Je me retrouve assise par terre, au fond d'un couloir sombre quand je sens, au bout de quelques minutes, une main se poser sur mon épaule et me surprendre. Son odeur le trahi. Je ne relève pas la tête, je refuse d'être vu dans cet état. Mes yeux doivent être bouffis par mes larmes.

- Laissez-moi tranquille, j'ai compris que je n'obtiendrais rien de vous. Je vous demande juste cinq minutes et je quitte l'établissement.

Je dois reprendre une certaine prestance avant de me redresser et sortir la tête haute mais il me faut encore quelques minutes. Sans lever la tête je sais qu'il est encore là.

- Il y a treize ans, une jeune fille du nom d'Ali Morin a débuté un séjour chez nous. Peut-être que c'est elle ?

Mon cœur a raté un battement à l'annonce de cette nouvelle. Même si cela remonte à des années, c'est au moins une première avancée. Je relève la tête pour lui faire face et rencontre ses yeux verts braqués sur moi. Un sourire, je dois lui sourire, il l'a mérité. Mes lèvres s'étirent légèrement, son regard glisse vers ma bouche, ses pupilles se mettent à pétiller.

- Merci du fond du cœur.

Il me tend une main pour m'aider à me relever. Je la saisis et la presse en signe de remerciement.

- Si je le pouvais je vous laisserai accéder aux dossiers, mais le risque est trop important pour moi. Je ne suis pas indifférent à votre histoire même si vous croyez le contraire.

Sa sollicitude me touche, il faut absolument que je trouve une solution pour y avoir accès.

- J'ai encore des formations à valider avant mon concours, si je travaillais ici ce serait plus simple d'y avoir accès ?

Il me regarde perplexe.

- Ca dépend, si c'est pour faire le ménage non ! Par contre, effectivement certains de mes collègues y ont accès.

Je suis prête à lui sauter au cou mais me ravise rapidement. Je lisse ma jupe pour occuper mes mains.

- Parfait, alors je vais postuler ici pour mon stage. Je suis des études de social.

Me rapprochant de lui, je l'embrasse sur la joue pour le remercier une dernière fois. Nous sommes tous deux surpris par ma réaction spontanée mais je n'ai pas pu m'en empêcher. Je cours à ma voiture chercher mon dossier contenant mes CV que j'apporte toujours avec moi. J'entends la voix de Benjamin derrière moi me demandant ce que je fais. Il doit me prendre pour une cinglée mais mon obsession à retrouver ma sœur l'emporte, je dois décrocher un job chez eux pour en savoir plus.

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N'hésitez pas à laisser vos avis sur l'histoire!! 

A très vite pour la suite des aventures de Christabelle...


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