2 - En dehors du cercle.

6.1K 551 33
                                    



Note à moi-même : « Attention ! La glace, c'est bleu et ça brûle. »

près deux heures enfermée dans la salle de bains, à mener une lutte acharnée contre poils et cheveux récalcitrants, me voici prête. Avant de descendre rejoindre les cousins, je vérifie une dernière fois mon allure dans le miroir. Le résultat est satisfaisant, la tenue parfaite, le maquillage léger et naturel, et le chignon banane complète très bien l'ensemble. Élégante et sobre, c'est tout moi. Surtout pour le côté sobre, car pour l'élégance, j'ai parfois quelques lacunes. D'apparence, on me classe plus dans la catégorie des sportives que dans celle des danseuses. Plutôt discrète et sur la réserve, contrairement à ma cousine exubérante et visuellement agressive.

Confiante, je les rejoins dans le salon en descendant l'escalier avec entrain. Mais en découvrant ma cousine, je m'immobilise sur la dernière marche, pantoise. Oh mon Dieu ! Quelle immonde robe a-t-elle trouvée ? Un créateur a vraiment conçu cette chose ? Je veux dire, sans avoir recours à des drogues dures ? Les yeux ronds, je tente d'analyser ce que je vois. Quand ma cousine bouge, ça se soulève de partout. Le tissu est vivant. Ou plutôt, ça ventile. Elle a enfilé une bête ? Les vêtements avec la climatisation intégrée n'existent pas encore tout de même ? En observant de plus près, je comprends. Ce sont des plumes. Le haut est très près du corps avec un décolleté plongeant, puis cela part sur la taille en longue jupe large et bouffante. On ne voit pas un millimètre de tissu, c'est entièrement recouvert de plumes grises. J'espère que personne ne sera allergique, sinon, ça promet une soirée animée.

L'autruche... non, pardon, Pamela vient vers moi, tellement excitée qu'elle sautille plus qu'elle ne marche. Son plumage est mouvant, chaque pas fait comme des vagues. J'ai vraiment l'impression qu'un volatile me fonce dessus. Un gros pigeon.

— Oh que tu es... jolie, commence-t-elle en perdant de son enthousiasme au fur et à mesure qu'elle me détaille. Ta robe est si... sobre et si... noire. Au moins, tu passeras inaperçue, toi qui aimes la discrétion.

Son sourire forcé montre qu'elle fait preuve de politesse en ne dévoilant pas trop sa déception.

— Tout à fait. Si je peux éviter d'être l'attraction de la soirée, j'en suis ravie. Toi, ta robe est, comment dire... volante. Oui c'est exactement ça, très aérienne.

— Tu es absolument ravissante, intervient Denis. La discrétion a aussi son charme, et j'approuve ta tenue.

Bien. Voilà qui est réconfortant même si je suis de moins en moins emballée à l'idée de me rendre à cette réception. Je ne pense à rien de précis, mais un pressentiment me laisse entrevoir quelque chose de laborieux.

Denis nous conduit sur le lieu de la soirée dans sa magnifique Jaguar. J'ose à peine bouger par peur de rayer le cuir blanc des sièges. Cuir blanc et moquette blanche immaculée, j'aurai tout vu. J'ai déjà bien du mal à maintenir propre ma petite 206 verte avec intérieur gris, je n'ose imaginer le désastre que ce serait avec le tout en blanc.

Pendant le trajet, Denis explique que la réception a lieu dans la banlieue de New York, à Westchester. La transition au fil des kilomètres est déconcertante. Nous passons de la ville avec son agitation et ses grands immeubles, à des rues bordées de maisons avec jardins spacieux. Je m'aperçois vite que nous sommes dans la banlieue riche. Aucun petit pavillon charmant à l'horizon, que des immenses demeures posées sur des jardins très arborés. Et pas le petit jardinet avec potager. Tout est splendide et suinte l'argent.

Alors que je pense avoir vu le plus beau des quartiers, plus nous avançons et plus les maisons s'agrandissent, et ce n'est pas un effet d'optique. Pour finir, nous pénétrons dans une propriété en empruntant une allée bordée de hautes haies. Au passage, je louche sur le portail que nous franchissons, gigantesque et imposant, tout en fer forgé maintenu par d'énormes piliers en briques. Ils ont utilisé une grue pour l'installer, pas moyen autrement. Le chemin est long pour atteindre la demeure et quand une allée est aussi étendue, soit c'est une cabane au fond d'un marécage, soit une immense maison qui pourrait accueillir une dizaine de familles au complet. Là, quand Denis s'arrête devant un voiturier, ce n'est pas le cabanon que j'ai sous les yeux.

Frissons d'Enfer (Disponible en édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant