Les pâles rayons du soleil apparaissaient en cette heure matinale, l'air glacé de la nuit toujours présent, la clarté restant encore faible. Les alentours étaient immaculés de blanc, la nature ne s'étant pas encore départie de sa couche neigeuse malgré l'approche du printemps, dans trois jours. La venue de la saison nouvelle marquerait le commencement d'un nouveau cycle.
La charrette était immobile, figée tel un élément à part entière de ce décor, tandis qu'à quelques pas de là, se faisaient entendre les fourmillements en provenance de la cité d'Ankeliv.
Le cocher était parti en quête de Hims, qui avait précisé qu'il patienterait leur arrivée au seuil de l'auberge des Champs Fleuris, où il tenait un poste de cuisinier depuis maintenant près d'un an, ayant débuté au printemps dernier. Pour sa part, Vlan avait préféré attendre ici son frère, ne souhaitant pas progresser au travers des sons et des bruits urbains, qui l'incommodaient fortement.
Tout était silencieux aux alentours, exceptées les lointaines agitations de la ville dont l'écho était à peine perceptible. Vlan se plaisait à être immergé dans un calme aussi profond, qui laissait libre cours à ses pensées et permettait à son esprit de s'isoler, car ce dernier avait été intensément préoccupé ces derniers temps ; mais l'homme préféra ne pas songer à ces problèmes d'envergure, préférant se complaire à une agréable méditation.
Vlan se trouvait dans de semblables dispositions lorsque le son d'un papier froissé résonna : il comprit que c'était le son émis par des chaussures s'enfonçant dans la neige. Le jeune homme se retourna, et distingua deux silhouettes évoluer le long du chemin sinueux menant à la charrette.
La première revêtait un habit aux tons ocres, et le fin bonnet qu'elle portait permit de reconnaître en cette silhouette le cocher de la charrette. Le second individu portait de son côté une tunique noire, semblable à celle qui habillait Vlan, avec des chaussures du même teint sombre. Le seul élément faisant ressorti un peu de couleur dans cet habit endeuillé était la chevelure rousse arrivant aux oreilles de la seconde silhouette ; tous ces détails n'étaient cependant pas nécessaires à Vlan pour reconnaître instantanément son frère.
Ce dernier s'approcha d'un air méfiant de Vlan, et ne lui adressa qu'un bref regard ponctué de salutations sèches, pour ensuite grimper à bord de la charrette comportant quatre places. Vlan ne fit pas plus d'efforts pour paraître bienveillant et amène à l'égard de son frère, ne lui accordant ne serait-ce qu'un mot. Le cocher, malgré son air intrigué, ne se préoccupa pas de cet étrange phénomène, et monta à son tour à bord de la charrette ; Vlan s'y introduisit en dernier, aux côtés de son frère, puis le véhicule s'ébranla.
Le paysage défilant au gré de leur route était peu varié, ne se composant que de neige à longueur de vue et d'arbres encore dégarnis et tortueux. Vlan aimait observer ces longues plaines blanches à longueur de temps, éprouvant un profond désir pour cette saison si différente des autres ; Hims, pour sa part, préférait se livrer à la contemplation de ses souliers.
La charrette était cahotée de temps à autre en raison de l'irrégularité du chemin, qui était bien moins soigné que les routes urbaines et également moins pratiqué : pour preuve, les trois hommes ne rencontrèrent qu'un simple cavalier au cours de leur avancée.Vlan remarqua que Hims ne lui jetait que de furtifs et rares coups d'œil, qui ne paraissaient pas emplis de cet amour fraternel si souvent décrié et évoqué dans les ouvrages conséquents que le jeune homme avait pu lire. De toutes les manières, Vlan ne s'attendait pas à un meilleur accueil, et n'était pas non plus désireux de faire montre d'attention et de délicatesse envers Hims ; cette situation l'arrangeait donc complètement.
La charrette progressa ainsi toute la journée dans ce silence empli de tensions, qui était accentué par la quiétude de l'hiver et l'absence d'autres individus sur la route.
Vlan était égaré au beau milieu d'un flot de réflexions lorsqu'il put ouïr la voix du cocher :
- Nous allons faire une halte cette nuit à la belle étoile, sous la tente que je me suis procuré à Ankeliv ; nous repartirons de bonne heure.
Hims approuva d'un signe de tête, puis répondit :
- Nous vous remercions de ne pas avoir occulté cet élément indispensable ; quand est-ce que nous délaisserons la charrette ?
Le cocher prit un air songeur, et informa le jeune homme :
- Nous débuterons la traversée à pied lorsque le chemin se montrera trop dangereux pour les chevaux et pour la charrette, à savoir dans environ une semaine si nous maintenons cette allure ; en attendant, profitez de ces jours de tranquillité.
Hims remercia le cocher pour ses propos, puis retourna à ses pensées. Vlan se demanda si le cocher , en leur disant de profiter de ces jours de tranquillité, n'avait pas sous-entendu qu'il serait plus avenant de converser entre eux, plutôt que de rester plongés dans cette attitude taciturne.
***
La charrette interrompit sa progression quelques instants plus tard, alors que la lune avait déjà entamé son ascension dans le ciel, et que de petites coalitions d'étoiles scintillaient au sein du plafond nocturne.
Le trio s'installa sur la banquette de la charrette afin d'ingurgiter leurs provisions -qu'ils avaient prévu en grande quantité ; Hims et le cocher ne discutèrent pas, ou peu, si ce n'était pour s'entretenir des conditions climatiques à venir lors de la traversée, ou encore de simples questions d'organisation ; Vlan, de son côté, ne pipa mot, emmuré dans un silence immuable, qu'il était décidé à conserver jusqu'à la finalité du voyage à Evrettun.
Une fois le repas achevé, les trois hommes se souhaitèrent une bonne nuit sans cérémonie, puis chacun se disposa à son gré dans la parcelle de la tente qui lui était attribuée ; Vlan, hâtif de se perdre dans les labyrinthes du sommeil afin d'oublier l'instabilité et la médiocrité de la réalité qui constituait son existence, sombra rapidement en une profonde torpeur.
***
Mille mercis pour la lecture de ce premier chapitre ; en espérant qu'il vous ait plu (par ailleurs, n'hésitez pas à poster un commentaire, que ce soit positif ou négatif !).
Alors, que pensez-vous de ce début ?
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Snowland
FantasyUne vallée désertique, éternellement recouverte par la neige, dominée par le froid chaque jour de l'année, silencieuse et sans vie jusqu'à la fin des temps. Une malédiction implacable, s'en prenant à quiconque posera le pied dans cette vallée pour n...