I need your help

Qui m'aime me fuit

J'avais raison: l'euphorie n'a pas duré très longtemps.
Seulement deux jours après les shows en direct, Sasha s'est remise à douter de tout, de tout le monde et surtout d'elle-même.

Devenir artiste à part entière aux yeux de tous l'a énormément bouleversée, elle a peur de mal faire les choses et surtout de ne pas arriver à "ne pas blesser les gens", comme elle dit. Parce qu'elle a eu trop de mauvaises expériences, Sasha pense qu'elle est le mal incarné et qu'elle fait mal aux autres rien qu'en les regardant. C'est totalement faux bien sûr ! Mais impossible de la convaincre du contraire.

Sasha est donc dans un état de stress permanent qui l'empêche de faire quoi que ce soit. Elle mange de moins en moins, ne dort plus (elle passe ses nuits à écrire à propos de je ne sais quoi) et c'est pour moi le parcours du combattant pour l'amener tous les jours en répétition.
La demi-finale est dans quelques jours et la finale, si elle y arrive, dans à peine plus d'une semaine. Elle ne peut pas abandonner maintenant à cause de tous ces doutes. Je dois faire quelque chose. Mais quoi ?

Dans la panique je me dis que je peux peut-être trouver des réponses parmi les affaires de Sasha. Ce n'est pas très moral mais je ne vois pas quoi faire d'autre. Et, bien que je ne sois pas de nature menteuse, je ne trouve pas mieux que de faire croire à Sasha, pendant qu'elle est à ses dernières répétitions plateau, que je ne peux pas venir car j'ai une importante affaire à régler pour mon prochain album. Elle me croit sur parole et j'ai honte de lui mentir comme ça. Mais je fais ça pour son bien. Enfin... Je crois... Je ne sais plus ce qu'il est bien de faire ou pas avec elle.

Me voilà donc qui me dirige vers la chambre d'amis, où elle dort. Le lit est fait, au carré, puisque de toute façon elle n'y dort pas. Sa valise est ouverte dans un coin et je remarque qu'après tout ce temps passé chez nous, Sasha n'a toujours pas pris la peine de ranger ses vêtement dans le placard. Sans cette valise et la forte odeur de son parfum d'homme, la chambre semblerait comme figée dans le temps. Rien à bougé, comme si Sasha n'était pas là.

Ah, si. Sur le bureau, des feuilles de papier sont étalées avec quelques stylos sortis. Je m'avance, cherchant à savoir ce que Sasha peut bien écrire toutes les nuits sans prendre une minute de repos.
Mais les feuilles que je trouve sur le bureau sont vierges, aucune trace de quelconque texte. Je me penche alors et vois la poubelle remplie de papier. Je m'asseois au sol, l'attrape et la vide. Mais ce ne sont que des centaines de bouts de feuilles qu'elle a pris soin de déchirer. Elle savait que je fouillerais...

Néanmoins je cherche si quelques mots ne seraient pas encore lisibles. Je regarde quelques bouts mais rien. Et soudain j'en trouve un:
Désolée
Désolée ? De quoi ? Les battements de mon cœur commencent à accélérer. Si je n'avais jamais écrit le même genre de lettre à son âge, j'aurais pensé que ce ne sont que les mots d'une simple lettre de pardon. Mais je connais ces mots à double sens et j'ai soudain très peur que ce soit bien plus que ça.

Mes yeux se portent alors sur la valise de Sasha. Ne fais pas ça, Isabelle. Je sais que ce que je fais est mal mais impossible de m'en empêcher, je veux savoir ce que Sasha cache et je veux surtout savoir s'il elle prévoit de commettre l'irréparable.
À première vue, seulement des vêtements dans cette valise: chemises, tee-shirts à manches longues, pantalons... Rien de féminin et rien qui ne laisse voir ses bras ou plus haut que ses genoux.

Je sors les vêtements et les mets de côté en espérant ne rien déplier. Autant que mon crime reste discret. Soudain, d'entre deux tas de fringues tombe une vieille photo. Je la prends délicatement pour ne pas plus l'abîmer et regarde: c'est Sasha, je la reconnais. Mais elle porte une robe et ses cheveux (dont la couleur naturelle semble être le blond foncé) lui tombent jusque dans le bas des reins. À côté, une fille qu'elle tient dans ses bras. Elles sourient, elles rient même.