Il arrache une à une les pages . Je le regarde faire . Interdite . Stupéfaite . Horrifiée . Chaque déchirure me poignarde le cœur . Je blêmis . Il ne le remarque même pas . Trop occupé à se délecter de sa victoire . Trop occupé à me faire du mal . Trop occupé à me détruire . Le feu crépite , lèche le papier et le réduit à l'état de cendre. Toutes ces années de travail. Détruites , anéanties, disparues .
Je sers les poings . Mes jointures blanchissent . Je voudrais me jeter dans le bûcher afin d'atténuer ma souffrance . Cet oeuvre ... C'était moi .
Il m'assassine. Peut être va t'il s'arrêter .. Peut être que dans un éclair de lucidité , va t'il avoir pitié et lâcher ce livre .... J'observe pourtant , impuissante , les lettres , les mots joliment assemblées et dans un hurlement muet je leur fait mes adieux . Mon cœur se comprime . Il s'enflamme . Puis s'effrite . Se disloque . Jusqu'à devenir un trou béant , noir et poussiéreux . Mes yeux pleurent de l'encre . Les larmes jaillissent et labourent ma chair formant de profond sillons sur mes joues crasseuses . Je le hais . Haïr est un trop faible mot . Mais si je m'emparais d'une plume, je réussirais peut être à donner un sens à ce que j'éprouve .
Or ce meurtrier , ce fou à lié, me prive de cette liberté . Il a compris . Il n'est pas bête . Loin de là . Et c'est pour ça que je le hais plus profondément encore . La dernière page , rescapée, se tient entre ses doigts . Je tressaille . Elle tremblote , volette dans ses mains . Elle essaye d'échapper au sombre destin qui l'attend .
" Envole toi "soufflé je à son intention.
Un élan d'espoir se ravive dans mon cœur noyé de tristesse . J'invoque le vent . Mais il demeure silencieux . Traître !
Mais cette dernière pousse un crie d'effroi lorsqu'elle rencontre le brasier ardent . Je me bouche les oreilles et ferme les yeux . Insurmontable . Insoutenable . Fini . Envolés ..Oubliés toutes traces de mon existence sur terre. Tout mon être se consumme avec ces feuilles de papier .
D'Où puiserai je la force pour continuer à présent?
- Lève toi . Persiffle t'il .
Ses paroles crachent du venin.
Soudain s'envolent du bûcher les lettres fantomatiques qui viennent danser devant mes yeux . Telle une armée de soldats, elles s'agglutinent dans le trou béant de mon cœur pour y ériger des remparts . Je les sens battre à l'unisson . Une force inconnue me pousse à ouvrir les yeux, à me lever et à faire face à mon assassin .
- À partir de maintenant tu m'obéis aux doigt et à l'œil .
J'inspire . L'odeur de brûlé m'irrite les narines. Un sentiment de vengeance me tord l'estomac .
La nouvelle moi rétorque alors d'une voix étrangement lointaine et dépourvue de chaleur .
- Oui monsieur .
Mais la guerre est déclarée .
- Descend à la cuisine faire ton boulot de fichu bonne !! Hurle t'il
Je le toise interdite .
- Plus vite que ça !
Il me secoue avant de me pousser en avant . Je trébuche sur les lattes de bois mais me relève aussitôt . Je dévale les escaliers quatre à quatre tremblante d'effroi , de colère et de désespoir .
Je déboule dans la cuisine trempée de sueur , plus haletante qu'un chien agonisant . Heureusement personne ne le remarque .
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En vers, et contre tout
Ficção GeralEt si la machine à écrire que nous connaissons aujourd'hui était née non pas au 17 eme siecle mais bien plus tôt ? Dans les bas fonds d'un domaine niché sur les hauteurs du Texas, entre les cuisines et les chambres des bonnes? Au plus profond...