Alchimie et loups-garous

••• 10 •••

Vers cinq heures du matin, Kenny tira une fusée luminescente rouge dans le ciel encore sombre. Say lui en demanda la raison.

— Des gens nous attendent sur le port.

— Les hommes de Josh Carter ?

Une angoisse sourde réveilla sa blessure, bien que refermée, sur son flanc.

— Non, ne t'inquiète pas. Josh ignorait où on accosterait. Je te parle de personnes dont tu vas bientôt faire la rencontre.

À cinq heures et demie, morte de fatigue, elle partit chercher sa sœur qui dormait. Les deux filles remontèrent sur le pont au moment où la terre se dessinait sur l'horizon. Say se planta à côté d'Ash.

— Qui nous attend ?

— Ma famille, lui répondit-il. Elle m'a soutenu et aidé durant les années les plus sombres de ma vie.

Say acquiesça. Elle craignait d'aborder le sujet du « après » avec lui, simplement parce qu'à l'instant précis, elle se sentait bien et en sécurité avec lui.

— Une voiture attend ta mère et ta sœur. Tu vas partir avec elles ?

Elle décela la tension dans sa voix. Il était évident qu'il craignait la réponse.

— Non.

Aucune hésitation dans sa voix. Si Ash n'ignorait rien de la force de Say, il se rendit toutefois compte que sa force était bien supérieure à celle qu'il imaginait.

— Où vas-tu aller ?

— J'ai bien envie de faire des voyages, tout ça, tout ça.

Il retint un sourire.

— Tu sais ce dont j'ai envie, moi ? Te faire découvrir le monde. À mes côtés. Pour toujours.

Elle éclata de rire, puis continua, rêveuse :

— Sérieux ? Tu me ferais découvrir le monde ?

— Les endroits les plus beaux d'Amérique. Puis ensuite, on ira où tu veux, même au bout du monde s'il le faut.

— Toujours, c'est sacrément long.

— Disons aussi longtemps que tu en auras envie.

Elle le détailla du coin de l'œil. La cicatrice qui lui barrait la joue ne le rendait pas plus laid, mais lui donnait un air de dangereux garçons. Le genre qu'on ne suivrait pas jusqu'au bout du monde, justement.

— Tu me proposes de partir avec toi ?

— Réfléchie, Sayana Warren. Réflechie.

Il passa une main affectueuse dans ses cheveux, l'informa qu'il devait préparer à accoster et s'éloigna. Say et Camilla restèrent l'une avec l'autre jusqu'à ce que le bateau touche le ponton d'embarquement qui jouxtait une ville portuaire. Main dans la main, elles descendirent du bateau et se dirigèrent vers la place du village encore endormi. Nu l'une ni l'autre ne parlait. Elles se contentaient de s'accrocher de toute leur force, chacune devinant que leur route se séparait ici.

Toutefois, elles se figèrent quand elles virent une bonne dizaine de motos et le double de personnes vêtues de cuir des pieds à la tête en train d'attendre sous le soleil levant.

— Eh, Alpha, on a bien cru qu'on ne recevrait jamais le signal.

La fusée lumineuse, songea l'adolescente. Mais bien sûr ! Ash passa à côté d'elle, soulevant une délicieuse odeur de forêt et de parfum pour homme. Il attrapa au vol un casque qu'on venait de lui lancer. Certains regards posés sur elle faisaient rougir Sayana, mais elle se força à saluer ces hommes et les femmes. Ce n'était pas qu'une famille, réalisa-t-elle, mais une véritable meute.