[Partie 2] Chapitre 3 : rêve d'une autre vie

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Red resta un moment à rêver sur le rebord de la fenêtre de sa chambre. Elle n'en revenait pas, toutes ces années à s’entraîner... Tout ce temps passé enfermée dans ce vieux manoir alors que là, dehors, un monde l'attendait.
Pour la première fois, la jeune femme avait goûté à la liberté, cette sensation si souvent inaccessible et c'était comme une sorte de rêve, tout cela paraissait simplement irréel.
Les ronflements de sa grand-mère la tirèrent du rêve, la jeune femme s'en retourna dans sa chambre sous les toits. Avant de s'en aller, elle n'avait pu s'empêcher de jeter un regard furtif à la lune éclairant avec ardeur la ville. Et si elle partait ? Et si la ville était un moyen d'avoir une autre vie ?

Red ôta ses bottes ainsi que son chaperon et sa robe et après avoir enfilé sa chemise de nuit, elle se glissa sous les draps de son lit grinçant et observa sa chambre, elle était vieille, abîmée, à l'image du manoir. Dans un coin, trônait un vieux miroir dont le verre était brisé en mille morceaux. Cependant, cela n'empêchait pas de voir son reflet, bien qu'il soit déformé. Le reste de la chambre était à l'image de ce miroir : une commode trônait juste à côté, une cale la retenait de se casser la figure tandis qu'était posé dessus une brosse à cheveux ainsi qu'une poupée en porcelaine au regard éteint.
L'armoire dans laquelle s'entassaient des dizaines de chaperons rouges de rechange, subissait le même sort que le reste du mobilier. Enfin, des dizaines de livres légèrement rapiécés s'entassaient près du lit et quelques feuilles de papiers recouvertes de gribouillis jonchaient le sol un peu partout. Ainsi, quiconque qui découvrait ce lieu était d'accord pour dire que le tout rendait la chambre de Red que peu accueillante. Tout en regardant la poupée de porcelaine, la jeune femme s'imagina quelle aurait été sa vie si sa grand-mère était une autre femme.

Vu la somme mirobolante d'argent accumulée au fil des années par la tutrice de Red, elle aurait très bien pu être une vieille aristocrate vivant dans un manoir quasi-neuf à la ville.
Si la réalité avait été ainsi, Red aurait vécue comme n'importe quelle jeune fille de bonne famille. Elle aurait reçue dès son arrivée une éducation digne de ce nom. On lui aurait certes apprit à lire et à compter mais pas seulement puisque l'histoire, la géographie, la littérature auraient été parmi les disciplines enseignées. Le chaperon rouge aurait alors pu apprendre autrement que via des livres chipés à droite et à gauche du manoir depuis sa plus tendre enfance. De plus, elle aurait eu chaud l'hiver, sa chambre ne serait pas dans un état de délabrement. Un sourire éclaira le visage de Red lorsqu'elle s'imagina une belle chambre au grand lit à  baldaquin moelleux ainsi une cheminée où brûlerait un bon feu. Au lieu d'un tas de livre, se trouverait une belle bibliothèque où les ouvrages seraient rangés avec soin.
Cette chambre ne fut pas la seule chose que s'imagina l'adolescente. En effet, elle s'imagina une autre grand-mère, portant toujours des bigoudis ainsi que des robes de chambre en peau d'animaux divers mais à l'allure bienveillante. Cette grand-mère, elle, serait proche de sa petite fille et prêterait une attention particulière à Red, lui permettant bien plus de liberté. De plus, les visites reçues pourraient être d'une autre nature que criminelle.

Cependant, d'après ses lectures, la jeune femme savait qu'une vie au sein de la société, plus précisément dans l'aristocratie impliquait également des contraintes et que cette vie ne correspondait pas à une liberté totale, cela n'empêchait pas pour autant Red de s'imaginer pouvoir flâner en ville à sa guise pendant des heures ainsi que de voyager aux quatre coins du monde. Dans ces pays, Red se voyait rêver de goûter divers plats traditionnels et de  connaître la culture locale.

Le lit grinça, sortant le chaperon rouge de sa rêverie. Elle se releva légèrement avec un soupire et se réinstalla correctement sur son édredon. Toutefois, la jeune fille ne reprit pas sa rêverie, du moins pas totalement puisque l'heure était maintenant aux réels aspects négatifs de la vie au sein de l'aristocratie. Aussi étrange que cela pouvait être, il se trouvait que Red appréciait le fait de manier des armes et ce n'était pas le genre d'activité très prisé de la gente aristocratique. De plus, être une femme dans ce monde ce n'était pas faire ce que l'on voulait mais obéir aux ordres d'un vieil homme boutonneux épousé contre son gré. Cela ne plaisait pas à Red qui n'avait aucune intention de se marier, d'autant plus qu'elle ne savait pas ce qu'était l'amour, du moins la jeune fille s'en faisait une petite idée grâce aux livres piqués dans la bibliothèque de Maria mais elle ne l'avait jamais vécu. De plus, ce n'était pas une chose qui se trouvait prête à arriver puisque pour tomber amoureux, il fallait une vie sociale... Chose que Red ne possédait pas. La dernière réflexion que se fit l'adolescente sur la vie d'aristocrate fut celle de la tenue. Robe longue, jupons en folies, taille de guêpe avec le corset, coiffure compliquées pleines d'agréments et maquillage trop voyant.
« Non sans façon, c'est pas pour moi » pensa Red tandis que l'image de sa grand-mère habillée comme tel s'immisçait dans son esprit. Elle retint un rire, la vieille femme semblait encore plus ridicule qu'au quotidien ainsi.
La réflexion du chaperon rouge s'arrêta sur cette image de sa grand-mère car Red avait établi sa vie rêvée. Un sourire éclaira son visage tandis qu'elle se promettait de retourner à la ville très bientôt, histoire de continuer et de ne jamais s'arrêter de rêver d'une utopie, d'une vie idéale ainsi que pour apprendre, connaître des sentiments, couleurs, odeurs, goûts, sons  nouveaux. C'est sur ces belles pensées que Red, notre chaperon rouge rêveur sombra dans un sommeil réparateur et bien mérité après cette soirée vraiment très riche en émotions et en découvertes.

RedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant