Moi qui croyais connaître tous tes amants

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Lui - Moi qui croyais connaître tous tes amants... Frères et sœurs, ces mots ont-ils un sens pour toi, depuis le temps que tu t'éloignes ? Depuis le temps que tu t'éloignes, est-ce toi encore ? Que reste-t-il de nous, d'avant ? Et quand nous sommes ensemble, quel fantôme t'appelle ? Quelle voix venue du passé ?

Elle –Je ne sais pas ...

Lui - À qui réponds-tu quand tu dis dans le vide « Je ne sais pas » ? 

Elle - Rien, personne ne m'appelle. Rien, ...

Lui - Moi qui croyais connaître tous tes amants. Tu me parles et t'interromps brusquement !? Tu replaces lentement une mèche sur ton front... Au milieu d'une phrase, tu jettes ton regard par-dessus ton épaule, une moue résignée s'imprime sur ta bouche. Une impatience sourde rend ta main nerveuse... Prends-tu subitement garde qu'un fantôme te poursuit?

Elle - Non, il n'y a personne derrière moi.

Lui - Nous sommes là, ensemble, tu dis subitement d'un ton sec et cassant « il est temps de rentrer » et tourne les talons sans montrer de regrets (les coups de bec d'un pic résonnant sur un arbre). Où vas-tu quand tu pars de la sorte ? Où pars-tu le rejoindre ? Et qui t'attend là-bas ?

Elle – Personne ne m'attend.

Lui - Tu retournes chez toi, seule et hâtive, dans ta voiture, les mains sur le volant, et ton regard est vide de quelque fin atroce. La pluie sur ton pare-brise dissimule tes larmes. Pour qui te morfonds-tu? Partages-tu ses peines ou porte-t-il les tiennes ? Est-ce lui qui t'afflige ou toi qui le console ?

Elle – Personne, personne ne me console, ni moi un autre.

Lui - Quand tu tournes la clé, debout devant chez toi, guettes tu le silence tapi derrière ta porte ? Ou goûtes-tu le calme pour un dernier instant? Y reprends-tu des forces ou attends-tu le jour que le téléphone sonne et que la nuit s'achève ? Es-tu seule ou hantée ?

Elle – (long silence).... Quand je suis seule, chez moi, je pose mes affaires, j'arrange mes cheveux, je lance une machine, ouvre un livre, m'occupe à des choses diverses. Personne n'est tapi par-dessus mon épaule. Nul passé, nul avenir n'embue mes yeux de larmes. Quand je suis seule chez moi, je suis seule, froide et gaie d'une joie intérieure, et placide et rentrée. Et je garde pour moi cette joie intérieure. Je goûte le bonheur de la liberté.

Pêcheur de sable et autres histoiresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant